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dimanche 25 avril 2010

Un Cours Improvisé de Préparation Au Chant

Cette semaine a été particulièrement riche pour les UFR puisque à trois reprises nous nous sommes réunis à des titres divers. Il faut dire que l’enregistrement du CD continue de nous mobiliser, tandis que la perspective prochaine des concerts de mai et juin nous astreint à des répétitions pour retrouver des automatismes mis à mal par une longue période d’inactivité dans ce domaine. L’essentiel de notre travail a porté jusqu’ici sur les compos, qui ont bénéficié de toute notre attention. Il convient de manière urgente de « refaire les niveaux » des reprises dont les deux derniers opus « Tush » et « Alabama Song » sont en complète déshérence et n’ont pas été abordés depuis plusieurs mois. Coté compos, je le déplore mais comment faire autrement, le « Cochon » patauge dans son lisier en attendant des jours meilleurs, et je n’évoque même pas le « Collectionneur » qui reste à l’état d’ébauche sur la planche à dessin de nos projets.

Le week-end dernier, Odile et moi allâmes visiter les Desimeur dans leur future maison rue d’Albenas. Nous y rencontrâmes un couple charmant, les propriétaires précédents. L’un et l’autre chantent dans une chorale depuis de nombreuses années avec une passion intacte. Je demandai à l’homme si par un heureux hasard et fort de son expérience, il donnerait des cours de chant à un aboyeur asthmatique et cacochyme de tessiture limitée et défaillant coté justesse. Après m’avoir jaugé du regard et pris rapidement les mesures de la tâche, il déclina l’honneur de me former, arguant d’obligations incontournables et incompatibles avec une prise en mains efficace d’un padawan sur le retour. Il consentit tout de même à me donner quelques conseils, fruits d’observations et d’écoutes attentives de professeurs éclairés.

A propos d’éclairage, il me décrivit un exercice pour en quelque sorte ouvrir les morues (on dit : UN chakra, DEUX morues):
« Tu vois, petit, m’expliqua t-il avec des accents lyriques et des trémolos dans la voix, tu commences à poser les deux pieds bien plantés sur le sol. Tu te tiens les reins, un peu comme si tu avais un lumbago, et puis tu gonfles ta cage thoracique, lentement. Au passage tu ressens bien l’ascension de ton diaphragme dans ton abdomen. »
« Tu fléchis légèrement les genoux, tu dégages ton cou : il faut que tu sentes la terre sous tes pieds ; et puis tu souffles doucement, à jet constant à l’exemple d’un joueur de cornemuse : en appuyant sur la vessie imaginaire tu contrôles suffisamment le débit pour que l’air s’écoule sans effort dans les pipes. »
« Tu dois toujours en garder sous le coude, pour les longues phrases musicales. » Ce disant il se leva, joignant le geste à la parole.
« Quand tu as fait ce premier travail de relaxation, tu peux enchaîner sur des exercices d’assouplissement. Ma prof, je crois que c’est une gitane, me précisa t-il, m’a montré une ou deux choses dérivées de la sophrologie et des techniques propres au tai chi et au chi quong mais aussi quelques emprunts au soufisme. »
« En plus des postures yoga dans une approche zen, j’aime bien privilégier le troisième dosha de l’Ayurveda, poursuivi-t-il en poussant quelque râles d’efforts, surtout la composante Pitta. Il se pencha en avant et toucha ses pieds avec les doigts au bout des bras tendus. »

Quand j’étais gosse, ça s’appelait de la gymnastique ; maintenant c’est une posture relaxante : on vit une époque formidable pensai-je par devers moi.

« Ah ! poursuivit-il enthousiaste : et bien sûr il y a le coup de l’ampoule au plafond ! »

Je le regardai, un peu décontenancé ; cet élément matériel issu du quotidien me semblait faire une irruption incongrue dans l’apaisant paysage spirituel qu’il venait de me brosser.

« Je te montre : tu pars de la position de départ, celle qu’on va appeler : la-posture-du-paysan-contemplant-les-semis-après-le-labour-le-soir-alors-que-le-soleil-se-couche-sur-les-plaines-de-la-Beauce », puis en prenant appui sur une jambe, tu vas lever ton bras homolatéral tout là haut, lentement, en l’élevant devant toi, le plus haut possible pour dévisser cette ampoule au plafond. »
« Tu te grandis au maximum, elle est vraiment loin l’ampoule, en plus c’est un modèle à baïonnette, tu essayes de l’atteindre, c’est pas facile. Pendant tout ce temps tu inspires à fond, tu comprimes bien ton diaphragme. Puis, une fois que tu as dévissé l’ampoule, tu ramènes ton bras sur le coté, en expirant tranquillement, jusqu’à vider tes poumons et revenir à la position du laboureur de tout à l’heure.
« Ah oui, une chose encore : quand tu chantes, bien campé sur tes jambes écartées, tu dois pousser pour projeter ta voix au loin, comme si tu étais sur le bord d’un fleuve et que tu voulais t’adresser à un type sur l’autre rive. Ce faisant, tu dois éprouver la même sensation, comment dire, que si tu allais à la selle. Mais bien sûr tu te retiens » crut-il bon de préciser.

Il se tut, laissa quelques secondes s’écouler, me sourit, se rassit, et s’alluma la cigarette qu’il avait demandé à Lolo.
« Au fait », rajouta-t-il,
« Penses à bien te racler la gorge pour éliminer les glaires au maximum et sors la langue à fond. Et là tu seras prêt. »

Subjugué par le discours de cet homme d’expérience, je buvais ses paroles tout en me promettant que je ne serais pas long à faire profiter de cet enseignement mes amies choristes. Ce qui ne saurait tarder puisque le lundi suivant donnerait lieu à une répète des chœurs à Ritchwood Hall.

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