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mercredi 1 octobre 2008

La Mélopée du Batteur

C’est à 15h09 pétantes que je débarque enfin à Ritchwood Hall ce samedi. Je serais bien arrivé comme prévu à 15 heures, cependant une déviation inopportune m’a entraîné sur des chemins de traverse qui ont serpenté dans les collines durant des heures. Je ne sais pas ce que fait le comité de quartier dans le coin, mais il serait temps de leur fourrer Hubert dans les pattes, je te prie de croire que ça ne traînerait pas. Grâce à son sens du dialogue, du compromis et de la concertation, il nous plierait ce chantier en 15 jours, surtout si son compère Eric s'en mêle. Avec leur petite entreprise qui ne connaît pas la crise, ils se feraient fort en plus d’entretenir la route : elle deviendrait vite un vrai billard. Un billard français, sans les trous.

Quoi qu’il en soit, j’arrive en même temps que Pierrot. Nous sommes gonflés à bloc pour entamer brillament la conception de notre maquette. Phil le K nous attend déjà. Phil est en liaison permanente avec l’horloge atomique à césium de Paris, qui dépend du Bureau International des Poids et Mesures. C’est la raison principale de sa ponctualité, mais aussi de sa précision métronomique. De mémoire de musicien on n’a jamais vu Phil dévier de plus d’une micro seconde de temps sidéral sur le tempo. Le secret de Phil c’est également sa fréquence cardiaque. Son cœur bat aussi lentement que celui de la célèbre Jeannie Longo, la plus titrée de nos athlètes français, à 49 pulsations minutes.

Comme la tortue des Galápagos, dont la longévité est légendaire et le cycle de reproduction réglé comme du papier à musique, il sait contrôler son métabolisme afin de réguler ses dépenses d'énergies au plus profond de la cellule, au niveau moléculaire. Et chaque parcelle d'adénosine triphosphate (ATP) n'est pas consommée en vain.
Son autre secret : des sucres à absorption lente. Il les trouve dans des spaghettis « numéros 3 » dont la farine de blé dur a été sélectionné par un artisan minotier d'un obscur village toscan à la production confidentielle : Même Jean-Pierre Coffe ne connaît pas. La cuisson est très importante : les spaghettis, testés individuellement en soufflerie puis extrudés à l'unité ne souffrent aucune malfaçon dans leur caractéristiques mécaniques telles que compliance et ductilité. La cuisson, dernier maillon de la chaîne ne saurait rompre l'équilibre nutritionnel du produit. Seule Marie-Françoise son épouse a le droit de lui préparer son repas avant chacun de nos concerts.

Phil le K. observe la même préparation physique qu'un sportif de haut niveau. Il se masse lui même les muscles des épaules surtout dans le dos, ainsi que les cuisses, en insistant particulièrement sur l'insertion des psoas. Bref, vous l'aurez compris, Phil n'est pas humain, c'est une machine à battre le tempo, qui aurait gardé, sous un mental d'acier, son âme d'artiste.

Un détail amusant vient à l'appui de cette dernière constatation, dont nous n'avions pas pu prendre conscience jusqu'ici à cause des nuisances sonores que nous générons : Phil le K. chantonne !
Dans le silence à peine troublé par la rythmique des baguettes sur les surfaces muettes, nous distinguons très nettement son étrange mélopée, adaptation libre de la mélodie du morceau, scandée en mesure.

Nous nous retrouvons autour de la table de la cuisine, pour boire un café de bienvenue. C'est le temps qu'il faut à Jésou pour nous rejoindre. Ainsi le groupe est au complet, on peut commencer. On installe l'enregistreur près de la batterie de Pascou. On passe une petite heure à brancher les fils, dont comme il se doit les embouts ne correspondent pas au standard des prises ad hoc. Pendant ce temps, pour nous encourager et nous maintenir dans une ambiance festive, Pounet nous lit la merveilleuse histoire du Large Hadron Collider (LHC) de Genêve. Un cyclotron de 27 kilomètres dont certains couloirs pourraient accueillir la grande mosquée d'Istamboul. Cette dernière a failli être engloutie dans un trou noir lors des premiers essais.
Heureusement un fusible a grillé et nous a sauvé de l'Armageddon (après enquête : un type a voulu tester la ductilité de l'oeuf dans un micro-onde).

Puis on entreprend, selon la célèbre approche expérimentale échec/échec (une variante intéressante de la classique échec/succès), de toucher les boutons, nombreux, qui ornent l'ensemble de notre dispositif. C'est un peu long car il est nécessaire que chacun touche le sien. Çà porte bonheur parait-il. Certains se poussent, d'autres se tirent ou se tournent ! Potentiomètres, molettes, tirettes, interrupteurs, boutons-poussoir ou rotatifs : il y en pour tous les goûts ! Comme nous sommes nombreux et que l'appareil est plutôt compact, c'est une foule de doigts qui tentent d'accéder aux commandes. Au besoin on essaie de torpiller le réglage précédent, afin de s'assurer que ça ne fonctionnera pas tout de suite. « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » proclame Jean-Claude Vandame.

Il est vrai qu'il serait trop simple de planter le magnétophone numérique devant la batterie et d'enregistrer par le double micro incorporé dont le constructeur nous assure que sa réponse en fréquence et sa sensibilité suffiraient à capter le philharmonique de Berlin dans son ensemble et en même temps, les ronflements du gros monsieur au premier rang. Quand on songe que le premier album des Beatles (qui s'est pas mal vendu, finalement) a été enregistré sur un magnétophone quatre pistes à bandes, on se dit que nous avons décidé de placer la barre très haut en matière de restitution sonore. Gaston Bachelard, un pote à Jean-Claude, affirmait quant à lui qu' « il faut compliquer le simple ».

De ce coté le pari est réussi. Les dispositifs sont redondants, les câbles nous sont particulièrement précieux pour ajouter à la confusion, d'autant que Pounet, lyrique, avec des trémolos contenus dans la voix, continue son récit et nous apprend qu'il y a plusieurs milliers de kilomètres de conduits divers dans le LHC. J'imagine l'armée d'ingénieurs qui tente de raccorder tout ça, et m'estime finalement heureux. Pendant ce temps Phil s'échauffe. Il teste les « pads », leur toucher et le son produit. Pendant ce temps nous fignolons les réglages : On m'a toujours appris que quand il y a plusieurs boutons, l'approche simpliste est d'en régler un à la fois, et d'observer ce qui se passe. Pour pimenter un peu l'exercice, nous préférons prendre l'autre option : celle de tripoter un peu tous les réglages comme dans la martingale dite du loto : on fait des trucs au hasard, et on espère toucher le jackpot dans l'ordre.

Enfin, malgré notre acharnement à planter les bécanes, tout est prêt. Phil le K. peut attaquer. Et c'est là qu'il commence à nous faire des caprices de Diva : « Et c'est trop fort dans mon casque, et les instruments je ne les entends pas, et il y a trop de voix, et j'entends pas la batterie, et ça me gratte, et je suis mal assis, il y a trop de lumière, il fait chaud, j'ai faim, d'où vient ce courant d'air, maman, au secours etc..

Mais comme l'affirmait récemment Benoit XVI à Lourdes devant un parterre de journalistes chrétiens dont l'un d'entre eux s'interrogeait sur la contribution spirituelle du fauteuil de coiffeur qu'il a fait installer dans sa papamobile afin que tous le voient mieux : « Le client est roi ! ». Par conséquent tout doit être mis en oeuvre pour que le musicien se sente dans les meilleures conditions pour immortaliser sa contribution.

On finit par mettre en boite un accompagnement rythmique de SPAM. Et tu vois, lecteur fidèle, comme les choses sont bien faites : Ça ressemble vraiment a du SPAM : On sent bien le goût de la boite. A titre personnel en tous cas, je ne suis pas convaincu par le son de la batterie, surtout le machin à pédale qui fait boum boum au milieu. Heureusement nous avons la doc de la bête. C'est un vrai bonheur de se plonger dans la traduction norvégienne du texte original chinois afin d'en extraire la quintessence.

On termine la session proprement dite sur un rapide bilan :

-Oui c'est possible de faire du multipistes avec Le Boss BR-600. C'est même assez jouissif et avec une bonne chaîne d'amplification pour le monitoring le son doit être plus que correct.

-Ce qui valide notre modus operandi.

-On sait qu'il est possible de modifier en profondeur les sons de la batterie de Pascou afin de la faire évoluer de ses réglages d'usine vers quelque chose d'exploitable et de satisfaisant à l'oreille de Phil.

-Mais ça va prendre du temps.

-Par ailleurs il va nous falloir acquérir un savoir-faire et une méthodologie qui nous permettront d'optimiser nos séances. Dans l'état actuel des choses, ça risque de durer la vie des rats.

-En conséquence deux décision sont prise :

Faire un essai d'enregistrement à partir d'une batterie acoustique au moyen d'un couple de micros. Afin de mettre en évidence avantages et inconvénients de chaque méthode.

Mettre le Boss à disposition de chaque musicien afin qu'il puisse s'exercer chez lui « tranquillement ».
Prier....

Après l'enregistrement, Pounet nous convie au verre de l'amitié, tel si je puis dire, le Muezzin qui appellerait ses fidèles à la prière : Champagne et gâteau d'anniversaire. Il fait bon dehors, le moment est agréable. Ktoo nous éclaire de sa lumineuse présence, Alice est là également. La tension retombe. Notre apprentissage des différents aspects de la production musicale se poursuit. Il est long, constitué de métiers à part-entière qui s'accommodent mal de l'improvisation, dont nous découvrons les subtilités à mesure.

Le métier rentre lentement.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

un seul mot....BRAVO



poun

Anonyme a dit…

je constate qu'a chaque séance tout les boutons et autres interrupteur son secoué dans tout les sense tu therme pourquoi ne pas faire UN seul et même réglage pour toute les autres séance même si sa vous prend 4 heure puis aprés vous le noté puis c'est finit on en parle plus comme sa les séance suivante tout est parfait et vous n'aurez plus qu'a ...

alalalala c'est rockeur de nos jours XD

nico