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dimanche 11 novembre 2007

Et c'est le DROP !

Quelle Journée ! Je ne pensais pas qu’une séance d’enregistrement puisse être aussi épuisante. Et c’est une sensation que j’ai partagée avec l’ensemble de mes camarades. Mais essayons de faire un rapport circonstancié de cette session de captation.

Après un rapide café chez Christian, nous avons rejoint le studio de Jacquot dans le jour naissant de cette fraîche matinée de novembre. Il s’insère au rez-de-chaussée d’une villa perdue au fond d’un ancien sentier d’âne quelque part dans le quartier de Castanet (chemin Pierre Blanche). Le studio occupe l’emplacement habituellement dévolu au garage. Il en a d’ailleurs les dimensions standard : 25 à 30 mètres carrés. Une cloison percée d’une baie au double vitrage sépare le studio proprement dit de la régie.

Jacquot est un personnage souriant, à l’abord facile. Le contact s’établit rapidement. Lui le professionnel sait nous mettre à l’aise et gommer les niveaux d’expertise qui nous séparent.
Pendant que Phil déballe et assemble sa batterie (il a fait l’acquisition de nouvelles cymbales qui sonnent incroyablement mieux que les anciennes), nous buvons un café apporté par la charmante maîtresse des lieux accompagné de très bonnes fougassettes de notre ultrabassiste.

C’est l’occasion pour Jacquot de nous expliquer l’objectif de cette session : la Prise de son de la batterie et de la basse, qui constitueront l’ossature des captations futures, instrument par instrument. Cette phase est donc essentielle, elle conditionnera l’ensemble de notre travail en aval. La batterie est bardée de micro ; pas moins de six seront nécessaire à une restitution fidèle du jeu de notre batteur.

Nous avions deux possibilités concernant l’enregistrement : soit nous options pour des conditions « live » dont la restitution est plus chaude et spontanée, mais ne permet aucun droit à l’erreur, soit nous procédions en plusieurs prises, rendant plus difficile l’expression collective de « l’âme » du groupe, mais apportant plus de souplesse et permettant un droit à l’erreur.

Nous avons choisi la seconde solution, qui n’a cependant pas exonérée les autres musiciens de contribuer au travail de Phil et Pascou, bien au contraire.

La matinée s’est déroulée en prises de son diverses afin de régler les niveaux d’entrée de chaque instrument et de la voix. Les chœurs ont été dispensés de cette étape, ils interviendront plus tard. Nous avons travaillé sous l’œil intéressé de Gabriel, un voisin de Jacquot, guitariste reconverti dans la batterie à la suite d’un accident à la main l’empêchant de plaquer des accords.

En fin de matinée, après le réglage voix, Jacquot m’a indiqué que j’avais un « certain timbre » qui en tout état de cause « n’était pas neutre » ! j’ai ruminé l’info durant le repas de midi pris au Bar de Castanet en compagnie du groupe et de mon fils Nico et son copain Fabrice (un guitariste d’ailleurs) qui nous ont rejoint pour passer l’après-midi avec nous.

Après avoir laissé Pascou et Pierrot faire une courte sieste dans leur véhicule, nous avons regagné le studio.
A mon arrivée dans la régie, entre deux réglages, Jacquot m’a dit :
« j’ai réfléchi, ta voix me rappelle celle d’un chanteur »,
Me remémorant l’avis de Michel Creach il y a quelques mois, je lançai, plein d’espoir
- Jimmy Page ? Jim Morrison ? David Bowie ? Joe Coker ?
« Non, m’a-t-il répondu, un français »
- euh… Johny Halliday ? Jacque Higelin ?
« Non, non, je pensais à ce type, là, qui jouait dans un groupe des années 70.. ils ont fait plein de films.. »
- Non, je ne vois pas….
« Mais si, les comiques.. ah oui : les Charlots ! »
- Quoi ?! tu veux dire Gérard Rilnaldi, l’auteur des Paupiettes de Veau, de Merci Patron, et du Petit Bois derrière chez Moi ??!!?
« Oui !! c’est ça : Rinaldi ».
………………………………………………………………………………….*
- Euh… Et c’est un compliment ?
« Oui, absolument, c’est un très bon chanteur »
- Bon…. Me ressaissant, après l’annonce d’une telle filiation, évitant le regard goguenard de mes amis, j’ai lancé, péremptoire :
- Allez, c’est pas le tout, ‘faut y aller maintenant, parce que c’est pas là qu’ça touche !

Il nous a fallu une heure et demi pour finaliser le premier morceau… Nous avons commencé par Ecolosong car la partie de basse était la plus simple pour Pascou. Par contre c’était de mon point de vue la plus difficile pour Notre Phil. Il nous a fallu plusieurs prises pour nous mettre dans le bain. C’était une expérience passionnante pour moi car pour la première fois depuis janvier j’ai entendu ma vraie voix. En effet les guitaristes ont été bridés dans leur folie sonore par un Jacquot diplomate courtois mais efficace, et j’ai bénéficié d’une prise de son professionnelle avec micro sur amortisseurs, et Hygiaphone en tissus devant, comme Madonna ( qui d’après notre ingénieur du son chante avec un micro pour grosse caisse lors de ses séances en studio ; c’est le seul qu’ils ont trouvé pour traduire correctement sa voix ).

Ah tiens, à ce propos, ça me fait penser à un scoop que nous a révélé Jacquot (baissons le dôme du silence). De source sure, Johny Halliday, à force de sniffer de la coque, aurait brûlé ses cloisons nasales, qui seraient désormais remplacées par une prothèse en argent. Le problème c’est que l’argent noircit. Nous en avons conclu qu’il devait faire des instillations de miror pour nettoyer tout ça !

Le monde du chobiz est ainsi, plein de grandes et petites nouvelles. Ce qui m’amène à vous en communiquer une, d’importance :
Phil le Carré n’est pas si carré que ça ! En effet la finalisation de sa partie de batterie sur EcoloSong n’a pas été sans peine. Comme l’a dit (en aparté) Pierrot, à moins que ce ne soit le Barde :
« la prochaine fois qu’on recrute un batteur, on lui fera passer une audition ! »
Ca nous a en tous cas appris une notion fondamentale du travail en studio, paradoxalement partagée par le monde de l’ovalie : Le Drop.

Cela consiste à remplacer une partie infime du morceau par une nouvelle prise. Un travail chirurgical dont notre ingé-son s’est acquitté avec maestria. C’est une sorte de couper-coller sonore qui évite de rejouer tout le morceau (mais qui prend tout aussi longtemps). C’est à cette occasion que nous avons retrouvé l’aspect carré de notre Phil qui n’a pas hésité à faire dropper des passages dont personnellement je n’ai pas entendu la moindre imperfection. Mais j’imagine, lorsque ce sera mon tour, que je serai tout aussi tatillon vis-à-vis de quelque chose qui sera figé pour l’éternité ( !) et traduira notre talent à l’instant T. sachons mesure garder : sur l’ensemble du répertoire, Le Carré n’a usé de ce droit que quatre ou cinq fois. L’Ultrabassiste quant à lui bénéficiera d’une session de rattrapage personnalisée. Jacquot m’a confié, à l’abris des oreilles, qu’il y avait un Grôs travail en perspective. Cela m’amène d’ailleurs à mettre en garde le musicien lambda contre le danger potentiel d’une discussion en régie. Naïvement, nous pensions que l’épaisse cloison qui sépare cette dernière du studio isolait efficacement les spectateurs du musicien enregistré. C’était compter sans les micros ! le moindre chuchotement est fidèlement restitué dans son casque. Prudence donc !
Nous l’avons appris à nos dépends.

L’après-midi s’est poursuivie ainsi, à une moyenne d’un titre par heure. J’ai eu le bonheur de découvrir ma voix. D’en explorer la richesse, la tessiture, les intonations, la charge émotionnelle. Il est vrai qu’en 10 mois de répétitions, j’avais le sentiment de m’époumoner à travers un masque de peintre carrossier, devant le ressac de l’océan par jour de grande marée, à l’équinoxe, alors qu’un supertanker s’approchait machine en avant toute dans un concert de cornes de brume, tandis-que des mouettes disputaient aux goélands un banc de sardines pourchassées par des phoques hurleurs par vent d’Ouest au milieu des coups de tonnerre de l’orage approchant.

Je plaisante bien sur… mais il est vrai qu’aussi bien la finesse de répétition que la relative quiétude du niveau sonore ont permis une restitution parfaite du jeu de chacun, avec une froide acuité, magnifiant le meilleur, mais aussi le moins bon.

En fin de séance, n’y tenant plus, les deux guitaristes ont desserré le carcan en demandant à l’ingénieur, des distorsions et une modification du niveau sonore. C’est par conséquent dans des conditions plus habituelles que s’est terminée la journée. J’ai ainsi appris que dans cette configuration les guitares me « volaient » mes médium. Je vais donc être vigilant désormais !

Jacquot semble avoir plutôt apprécié nos compos, quoique sa naturelle bienveillance puisse avoir masqué un amusement indulgent. Quoiqu’il en soit, il a joué le jeu avec les amateurs que nous sommes, nous donnant le sentiment de notre importance. Il nous a fait bénéficier de ses conseils, ses remarques, ses suggestions, ses critiques. Notamment en matière de droits d’auteur, si nous désirons nous protéger efficacement, il nous faudra déposer nos titres à la SACEM. Cette procédure est automatique en cas de gravage de la matrice sur CD en vue d’une commercialisation.

Alors que la nuit s’est installée au dehors, au bout de 5 heures de répétitions, nous sommes fourbus, mais heureux. Rendez-vous est pris pour le mercredi suivant, à l’heure de la répétition hebdomadaire, afin de finaliser les prises et poursuivre la captation des autres musiciens. Nous nous séparons peu après.

La séance de débriefing du soir, chez l’Ultrabassiste, rassemble le groupe et les épouses, ainsi que les Desimeur. Autour d’excellentes pizzas, nous avons du mal à lutter contre un sommeil inhabituel.

Le boulot d’artiste n’est en définitive pas une sinécure.

6 commentaires:

Pascale a dit…

Rinaldi ! (mdr). On peut dire que tu n'as pas perdu ta journée ! Et tu te sens comment depuis ? Sûr que Rinaldi chantant "je suis une bête de scène", ça le fait grave !

The Undertakers 5 a dit…

Oui, depuis que je suis le fils spirituel de Rinaldi, j'ai comme une idée de l'infini...

Pascale a dit…

Personnellement, j'aimerai bien entendre l'avis des autres, musiciens et choristes, sur cette journée. Parce que toujours le son de la même cloche... (oups ! pardon ! toujours le même son de cloche.... j'sais pas si c'est mieux...)

The Undertakers 5 a dit…

pour tout dire moi aussi. j'en ai marre d'être le medium entre le groupe et ses fans. je m'en faisais la réflexion pas plus tard que tout à l'heure. j'aimerais bien que chacun donne son sentiment. un truc du style, "vraiment qu'est-ce-qu'on a comme chance d'avoir un chanteur pareil dans le groupe". Quelque chose d'objectif, à l'image de ma propre vision de la vie du groupe

Pascale a dit…

Remarque, ils sont peut-être vexés d'être assimilés aux Charlots !

The Undertakers 5 a dit…

d'une certaine manière il y a un cousinage : eux aussi ont enterré le Rock. enterrement de première classe même ! et je ne parle pas de ce qu'ils ont fait subir au septième art. Là il y a outrage, voire génocide : combien a-t-il fallu abattre de boeufs pour tirer la gélatine des kilomètres de pellicule qu'ils ont immolés sur l'autel de la connerie franchouillarde ?

En même temps j'ai une petite tendresse pour leur "petit bois derrière chez moi", très écologique pour l'époque.

Egalement je ne peux pas effacer d'un trait la présence lunaire de Luis Régo. Il donnait l'impression d'être là à son corps défendant et avait toujours une lueur de malice mêlée de mélancolie affligée dans l'oeil.
Et puis plus tard procureur dans le tribunal des flagrants délires chez Claude Viller, sur France Inter avec Desproges : des moments d'anthologie et de pur bonheur.

Et là, je veux bien être assimilé à un Charlot :-)