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mardi 24 mars 2009

Le Pouvoir de la Vizirette

Ca fait une éternité que je n’ai pas parlé de nos répètes. J’ai bien du en louper trois. Il est vrai qu’elles constituent peu ou prou une série de calques presque parfaits. Leur schéma grave marmoréen est désormais connu de tous : arrivée, cuisine-café-papotage, descente à la SJM-installation, boisson ambrée-ou-équivalent-cigarette, round d’échauffement, pause-papotage, (quand on lit vite ça fait « pause-potage »), marathon musical, débriefing-décollage. Il m’est parfois difficile d’en extraire la pépite qui me permettra d’étirer ma prose sur une page A4, format classique de mes errances calligraphes. Sur l’instant je note quelque trait de l’un ou l’autre des participants, m’émerveillant de sa verve, son esprit, son érudition, son à propos, sa causticité. Je tente de classer chaque moment sur une étagère de mon armoire à souvenirs, le plaçant bien en évidence, tentant d’y associer tel ou tel procédé mnémotechnique dans l’espoir de retrouver l’objet mémoriel dans un état correct de conservation le moment venu.

J’ai appris cette technique de mémorisation d’une de mes lectures passées, (un bouquin de Ken Follet me semble-t-il, intitulé les Piliers de la Terre) dont le sujet portait sur la capacité des moines médiévaux à retenir les textes sacrés. Ils nommaient ce processus de stockage de l’information « les cathédrales de l’esprit ». En pratique les religieux s’imaginaient un lieu en trois dimensions, une cathédrale par exemple. Ils en meublaient alors chaque recoin architectural d’éléments mémorisés, qu’ils retrouvaient a posteriori par association d’idées. Ainsi pouvaient-ils vous débiter la traduction en bas-latin des trois millions de signes de l’Ancien Testament comme moi Ecolosong, en pensant à la liste des courses de la semaine dernière qu’ils avaient semée au long des transepts. Fort de cette découverte magique, je m’exerçai à mon tour à mémoriser des informations selon cette méthode.

C’était durant une de mes nuits de garde, aux alentours de deux heures du matin, quand le contingent habituel de casse pieds du soir s’est tari, et que les sorties de boîte sont encore rares. Je décidai de passer à l’action afin d’exercer cette fonctionnalité nouvelle. Je n’avais pas de cathédrale sous la main. A vrai dire je n’avais même pas la plus petite parcelle d’un lieu consacré, fut-ce un misérable presbytère cévenol. Par contre le service de radiologie était vaste, peuplé de pièces, elles mêmes pourvues de milliers de lieu propice à y ranger tout un tas de truc. Pour je ne sais quelle raison, je me saisis d’une de ces boules évidées en plastique qu’on utilise, remplie de lessive, pour diffuser harmonieusement la poudre au cœur du linge dans la machine à laver. Pour quelle raison un objet aussi incongru se trouvait-il dans la chambre de garde ? Je ne saurais l’expliquer. Sans doute une manipulatrice soucieuse de son hygiène l’avait-elle déposée là en prévision d’un hypothétique achat d’une machine à laver par les médecins du service, ou bien la réservait-elle à un autre usage connu d’elle seule. Quoiqu’il en soit, tenant fermement cette « vizirette » (ça y est je me souviens du nom) je partis en quête d’un endroit où la déposer. Avec les précautions d’un émeu, ce volatile disparu, pour soustraire son œuf à la férocité des prédateurs. Comme s’il savait que les jours de son espèce étaient comptés.

Il y avait, près de l’accueil de la radio, (qui de nos jours ressemble au hall d’entrée d’un ophelinat roumain des années Ceaucescu) un local exigu servant au rangement de divers dossiers. Il était poussiéreux déjà (nous étions en 85) et depuis ma dernière visite, ça ne s’est pas arrangé. Je posai la vizirette sur une étagère, et comme on ferait un vœu incantatoire, j’y associai avec force, de toute la puissance de mes milliards de synapses, durant une trentaine de secondes, quelque chose qui me tenait à cœur. On appelle ça l’imprégnation. Croyez moi si vous voulez, vingt cinq ans après, j’ai une image parfaitement nette de cette étagère, et je peux décrire avec une grande précision la couleur, la forme, la consistance, et l’emplacement de cette vizirette. Je la revois encore, sur l’étagère métallique à hauteur du regard sur laquelle je l’avais posée. Dix ans après, miracle du stockage dans la fonction Publique, elle y était toujours. A la même place. Posée sur des dossiers radiologiques essentiels. C’est ça la puissance de l’esprit. Au bout de vingt cinq ans, la vidéo VHS filmée à Vars avec le coûteux matériel de l’époque n’est plus qu’une trame sautillante et baveuse d’images déchirées. Mais la vizirette s’impose toujours à moi avec une acuité presque douloureuse. J’ai un souvenir intact de la vizirette. Par contre ne demandez pas de qui ou de quoi cet objet était le marqueur. Je ne m’en souviens plus. Ca ne devait pas être bien important.

J’ai ainsi dans ma tête tout un tas d’objets hétéroclites posés dans des endroits parfois saugrenus, que je me remémore parfaitement. Je suis fier de ma capacité à garder le souvenir de ces objets. Je suis fier de me souvenir qu’ils se rapportaient à des faits ou évènements dont j’avais alors pensé qu’ils méritaient d’être retenus. Parmi tous ces artefacts virtuels peuplant ma mémoire comme autant de fossiles recouverts par les alluvions de mon Histoire, La vizirette reste toutefois mon préféré. Mais je sui un peu chagriné qu’elle ne serve à rien. En tout cas pas à me rappeler ce qui s’est passé lors des trois dernières répétition !

J’imagine qu’on a du éplucher l’actualité et formuler des sentences définitives sur l’état du monde. Et puis Jésou a certainement lancé une vanne hilarante en plaquant un riff rageur de Cabrel. Et tout l’aimable foutoir habituel. Ah, si j’ai trouvé une méthode pour m’entendre chanter. Je mets le vieux casque hifi de Jésou sur mes oreilles. Je ne le branche pas. C’est un casque fermé qui fait fonction de réducteur de bruit. Quand les musiciens jouent, les instruments sont considérablement atténués, tandis que ma voix reste parfaitement audible. Je m’entends, je force moins sur la voix, je chante plus juste me semble-t-il. Bien que notre duo de pros (Pierrot et Phil) estiment que nous ne jouons pas mieux, nous avons le sentiment d’avoir une meilleure maîtrise et avons pris beaucoup de plaisir lors de ces dernières répètes. Depuis quelques séances d’ailleurs, de l’avis général, il y a du plaisir à jouer.
Toujours pas de solution pour nos derniers morceaux pour l’instant, le compteur reste planté à huit. Le temps manque à Pierrot, comme à nous tous d’ailleurs pour progresser plus vite.Et il y a ce projet de God Save The Queen des Sex Pistols qui avance. Il va peut être falloir que je sorte le texte pour voir de quoi il s’agit !

Aussi, on a parlé, je m’en souviens (j’ai serré intensément ma vizirette virtuelle pour fixer l’instant) des deux morceaux que le compositeur Créach a produit récemment et fait parvenir à Poun. Planant, des accents jazz mâtinés de Klaus Schultze. L’univers de Michel est tout de même très différent de celui des UFR. Nous visons une scène ludique aux accents rock, la musique de notre ami est plus intellectuelle, plus conceptuelle, c’est une musique qui s’écoute et s’apprécie. Elle se swingue plus qu’elle ne se rythme. C’est du jazz aux accents bossa avec des plages oniriques qui réclame un texte ad hoc et un chanteur dans le style Harry Connick Junior, ou bien une voix dans le genre d’Anis. Pour autant que mon opinion vaille quelque chose bien sûr. Ceci dit j’aimerais bien faire le crooner dessus.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

vous jouez avec des vizirettes pendant vos répètes !?
glup !
et dedans il doit y avoir beaucoup de boisson ambré, et tout ça sur de la moquette bien épaisse !
je vais reviendre faire des photos !
kéké

The Undertakers 5 a dit…

Oui Kéké, en fait la vizirette, c'est la dosette idéale pour une ration de boisson ambrée. Finalement on l'emploie presque selon son utilisation initiale : ça nettoie les fibres en profondeur.

Anonyme a dit…

hum je sent le club des undertakebakers en mal d'inspiration de commentaires ...

The Undertakers 5 a dit…

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'intervenant précédent.

D'une part le chiffre stratosphérique de plus 3000 commentaires, que beaucoup nous envieraient, prouve s'il était besoin la vitalité de ce blog.

D'autre part on sent bien que la vizirette a plu à nos derniers lecteurs. Est-ce le mot lui-même, et ses consonnances ludiques, ou bien l'évocation du contexte publicitaire de l'époque, et peut-être aussi l'association qui vient tout de suite à l'esprit (en tous cas au mien) à travers le mémorable sketch de Colluche sur les lessiviers et leurs pubs (rappelons nous le passage sur les noeuds), en tous cas, cette vizirette ne laisse pas indifférent.

Pour ma part je suis sûr que la vizirette n'est qu'une étape. A mon avis elle est du genre à se pousser du col, et avoir des ambitions Sarkosiennes. Je la verrais bien vouloir détrôner tous les autres procédés d'aide au lavage du linge et pourquoi pas devenir une Califette.

Pour Catou : j'entends ce que tu me dis, comme on dit dans les mégociations. Cependant la vizirette va avoir du boulot pour lessiver entièrement mon cerveau et le rendre "plus blanc que blanc". En effet étant né en Côte d'Ivoire, et bien qu'à l'extérieur celà ne se voie pas, je suis totalement noir en dedans. Il va falloir un programme machine musclé pour extirper toute cette noirceur.

Toute l'ardeur d'une califette ne sera pas de trop pour me détourner du coté obscur de la farce.

Anonyme a dit…

les mégociations, ce sont des négociations que l'on fait avec un mégot à la bouche?
Avec les dix blagues de DRUMS que tu viens de recupérer, tu vas pouvoir en faire un max de mégotiations!
Dommage que tu ne sois plus syndiqué.
Quand tu discuteras avec notre producteur,pour ce qui concerne nos salaires,soit ferme, mitch, il ne faut pas mégoter sur la fraiche !
poun

The Undertakers 5 a dit…

Oui, il a intérêt à pas mégoter !

Anonyme a dit…

anonyme, ton commentaire était d'une originalité rare...
et signé ! c'est bien !
kéké

The Undertakers 5 a dit…

Au fait Poun, les blagues de Drum, c'est bien. Mais ça ne remplacera jamais une blague de JESOU ! Enfin, je veux dire, de M. Biiiiip !