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lundi 3 novembre 2008

La Moumou, c'est Tip Top !

Nous sommes invités à une journée champignons ce samedi 1er novembre. Aux Pins, près de Connaux. L'endroit nous est connu déjà, c'est une bonne maison, on nous y réserve le meilleur accueil. Accessoirement le1er novembre c'est aussi la Toussaint, et en la circonstance le temps tient ses promesses. Le ciel est remarquablement bas, l'atmosphère est humide à souhaits, et la journée tout entière est copieusement arrosée de pluies et de parses sur ce qu'il est convenu d'appeler « les reliefs ». D'ailleurs les média ont prévenu : Météo France a lancé une alerte orange, dans le cadre d'un de ces épisodes cévenols dont la région a le secret. Il nous est même conseillé d'éviter tout déplacement inutile. Mais nous n'en avons cure : une répète, où qu'elle se déroule, est un événement de la plus haute importance, sur lequel il ne saurait être fait aucune impasse. Les Undertakers se sont donné rendez-vous chez les Fabre afin de charger le matos. Cette fois nous voyageons léger, nous ne prenons que le strict nécessaire pour produire du son. Les amplis individuels, quelques pieds et micros. Nous laissons sur place le volumineux dispositif de sonorisation de scène.

A notre arrivée, Michel « Mitch » Créach est là, qui nous attend au bord du chemin. « Vous êtes arrivés » constate-t-il. « Oui, c'est vraiment tip top » répondons-nous tous en choeur. Nous avons été briffés dans la voiture des Ritchwood : Le mot de Michel, pour signifier son contentement est « tip top ». « J'ai trouvé  des girolles » nous apprend-il tandis-que nous déchargeons les véhicules. En effet, alors que nous envahissons le salon au rez-de-chaussée, nous découvrons deux grand plats débordant de girolles. Je suis très déçu, je me faisais un tel plaisir de crapahuter dans la campagne à la recherche des précieux champignons. J'affectionne ce loisir particulièrement quand il pleut, et que je peux fouler et fouiller les sols détrempés, sous la lueur sombre de la clarté automnales éclairant péniblement la végétation dense. J'avance plié en deux, l'oeil rivé au sol, le visage et le corps fouetté par les branches basses, mes pieds marchent sur des choses molles et glissantes, et un tapis de champignons d'hivers et avariés s'offre à ma vue. Aucun n'est bon, bien sur, même si esthétiquement beaucoup d'entre eux remporteraient une palme s'ils devaient concourir pour un prix d'excellence. A cause de Michel, qui a déjà fait le travail, je n'aurai pas le plaisir de marcher et d'entendre ici et là « j'en ai un, ouaouh, c'est un cèpe, et un gros ! »pendant que je dériverai de troncs en tronc, exclus de ces joies sylvestres.

Nous installons le matériel dans une pièce fraîchement repeinte près de la terrasse. Alors que l'apéritif s'installe en bas, nous branchons les instruments. L'acoustique est très particulière. Les murs nus, le sol carrelé réverbèrent le moindre de nos sons, ce qui conduit à une soupe sonore assez indigeste. Et puis mon ampli, qui supporte le mixage des micros, n'est vraiment pas de taille à lutter contre la batterie et ses satellites à cordes et à touches remarquablement amplifiés. Bref je comprends très vite que ce n'est pas aujourd'hui que je vais pouvoir faire dans la dentelle. D'ailleurs même le macramé tressé d'écoutes à bateau n'est pas à ma portée. Pour rajouter à la difficulté, j'ai oublié de prendre les textes. J'en connais la plupart, mais nos dernières chansons ne me sont pas encore totalement familière. Heureusement Lolo a apporté son cahier de chant. Résigné, j'en profite pour donner sa chance à un petit nouveau : Philou. Ce dernier est dans son élément, il a la banane ! Il affectionne particulièrement EcoloSong.

Le repas de midi est précédé d'un copieux apéritif. Il y a des tartes salées, et divers tapas, dont d'excellentes rillettes, et de la tapenade. Tout cela va très bien sur le whisky. Philou connaît mon penchant affirmé pour la bouteille et a prévu large : 5 litres de William Peel. Je plains mes amis : comme je bois verre sur verre, autant dire comme un trou, tout à mon adiction coupable, il ne leur reste que le vin et le pastis pour satisfaire leur soif. Les pauvres. Mais eux savent se contrôler, ils trempent leur lèvres plus qu'ils ne boivent, dans la modération la plus totale, avec ce détachement mondain que confère l'habitude. C'est bien simple, je ne les ai jamais vu ivres, encore moins joyeux, et jamais au grand jamais malades après quelque libation. Des moines. Pour ma part, je bénéficie d'un statut particulier : je suis l'ivrogne du groupe comme le constate avec régularité et bienveillance d'aucun, dont je salue l'opiniâtreté à compter mes consommations et à en faire le rapport détaillé à mon épouse avec une sorte d'allégresse qui me va droit au coeur et la réjouit plus encore. N'étant plus obligé de donner le change, je peux donc puisqu'on m'y encourage, me bourrer la gueule avec délectation, un peu comme le fou du roi a le droit de dire les pires horreurs à son Prince, bénéficiant de par sa fonction d'une immunité totale.

Ce qui précède n'est bien sur qu'une boutade. J'aime embellir la réalité et ajouter ça et là de petites choses de mon cru (classé) pour agrémenter des récits qui seraient bien ternes par ailleurs.

Je profite d'une pause cigarette à l'extérieur pour en apprendre plus sur la jeunesse de notre batteur. Je découvre ainsi qu'avant de devenir kiné, il a d'abord entrepris des études d'informatique, puis tenté pharmacie. J'aime discuter avec le Carré. Comme ses propos sont rares, les informations qu'il distille savamment sont comme des pépites parfois infimes, mais toujours passionnantes. Phil est discret, et c'est pour cette raison qu'on a envie d'en savoir plus sur lui.
La parcimonie de sa communication lui confère une aura de mystère. En cette période de crise, l'économie de moyens est une vertu ; en ce sens, Phil est éminemment vertueux. Il lui arrive pourtant de s'aventurer sur le terrain du cul, et sans rivaliser avec les ténors du genre, sa prestation est tout de même d'excellente facture.
Auparavant nous avons également fait la connaissance de Jean-Pierre, le frère aîné de Mitch. Il a 72 ans. Colonel de l'armée de l'air à la retraite, il en conserve la martiale attitude. Il n'aime pas faire la queue, surtout la queue de cégétistes ni être convoqué par son banquier, mais par dessus tout, il revendique sa part de girolles, qu'il considère comme une dîme puisque cueillies sur ses terres.

Mais il est déjà temps de passer à table. Odile a préparé pour ce midi un derrick de poulet C'est une sorte de colombo, mais dans des camaïeux de verts et de brun, comme dans la série de l'inspecteur teuton. L'ambiance, comme à l'accoutumée, est joyeuse. Les conversations s'entremêlent, se nourrissent les unes des autres, on rit, on chante. Un repas entre amis, convivial, détendu.
J'espère que le dernier repas du Christ était comme cela. Je veux croire que la Cène fut le théâtre de franches rigolades et de tapes dans le dos, avant que Jésus fasse le coup de « ceci est mon sang » à ses apôtres et que l'ambiance en prenne un sérieux coup. Pourquoi donc comparai-je notre repas à celui de Jésus ? Car nous sommes treize. Et heureusement aucun Judas.

A l'issu du repas nous remontons à l'étage pendant que Pascou fait un courte sieste réparatrice. Nous reprenons toutes les chansons du répertoire. Ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a du son. Je me surprends à chanter accroupi, l'oreille collée à mon ampli afin de capter quelques vibrations, dans la marée sonore qui agite l'espace. J'ai l'impression d'être une de ces algues qu'on nomme laminaire, qui ondule au grès des marées et des courants, ballottée et fouettée, lacérée par les rochers des récifs proches. Et même parfois il me semble chanter de l'intérieur du tambour fou d'une machine à laver. Je suis l'espèce de boule contenant la lessive qui virevolte à l'intérieur, bousculée par le linge un peu avant le programme essorage. Parfois je me mets en roue libre, je m'exerce au yaourth. Une sorte de mime verbal où des onomatopées s'enchaînent, sans aucune signification, juste pour donner un accompagnement. Philou m'épaule efficacement, tandis que les filles ont déjà déserté le lieu, les tympans percés, du sang s'écoulant de leur nez délicat, comme après un accident de décompression.
Jésou n'est pas à la fête non plus, terrassé par un puissant mal de tête qui tempère sérieusement son plaisir à jouer.

Régulièrement, les uns et les autres abandonnent les instruments, ne laissant en arrière garde sur le champ de bataille dévasté, que Michel et Pierrot, Phil, Philou et moi. La session se fait plus intimiste. On improvise sur des rythmes Bossa. C'est léger, agréable, acidulé, on se laisse aller à la rêverie, on déroule les lignes vocales sur les accords exotiques. C'est reposant.
Tour à tour Phil et Pierrot changent d'instruments, je fais moi-même un tour à la guitare alors que les autres ont la bonté d'improviser sur mes sol et mes do. Je prends beaucoup de plaisir sur cette partie de la soirée. Sur la fin nous accrochons des paroles sur des rythmes plus blues. Et pour finir nous piochons sur une étagère un bouquin, de la bibliothèque verte : la grande évasion. Nous en chantons à tour de rôle des paragraphes sur les accords de Pierrot. Très ludique !

Mais c'est déjà l'heure du repas du soir. Nos hôtes ont mis un gigot au four, qu'ils accompagnent de haricots blancs et de girolles. Un régal. De plus ça s'accommode agréablement avec la moumou. Pardon ? La moumou ? La moutarde bien sûr. Enfin, la moutarde selon Michel. La moumou c'est tip top !

Nous abordons un sujet pittoresque, celui du Libre-Manger. Je crois que c'est Catherine Rollin qui a trouvé cette expression. Il s'agit, en général le dimanche soir, de sortir les restes du réfrigérateur et de manger ainsi, à la bonne franquette. Il semble que tous connaissent ce principe, sous d'autres vocables, et l'appliquent régulièrement. Cependant même à la bonne franquette, cela reste un repas où tout le monde se met à table, même si ce doit être celle, basse, du salon, théâtre des célèbres plateaux-repas du dimanche soir. J'avais de mon coté une vision différente du libre-manger : chacun puise dans le frigo ce qui l'intéresse et improvise son repas selon son humeur. Et surtout, on n'est pas obligé de manger ensemble à table. Tel mange devant la télé, un autre sur le plan de travail de la cuisine. Aucune contrainte. Libre manger ! Et là j'ai dû constater que les traditions familiales ont la vie dure : on peut manger n'importe quoi, mais on doit manger ensemble, au même endroit et dans le même temps. Le repas s'apparente, dans son unité de temps d'action et de lieu, à la tragédie grecque ! La liberté de manger n'existe pas dans la cellule familiale.

Telles sont les journées des UFR ludiques et laborieuses, légères et didactiques, musicales, épicuriennes... les journées des UFR sont une métaphore de la vie.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

je reve où en mon absence quelqu'un a osé caresser mon instrument ?
poun l'inquiet

Anonyme a dit…

de quel instrument tu parles, Poun ?

kéké

Pascale a dit…

Il a dit : "je rêve...".

Anonyme a dit…

I have a dream :
" j'ai un instrument "
et c'est Noël :
" je sais m'en servir "
from Poun by kéké

Anonyme a dit…

bisou Pascale
kéké