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samedi 26 juillet 2008

L'Homme Vient de Mars, La Femme de Vénus

Exceptionnellement, je suis invité à la répétition du mercredi soir (on m’a filé une wildcard).
Depuis trois semaines, j’étais plutôt évité. Je suis agréablement surpris : ces derniers temps ce n’est pas souvent qu’on fait appel à moi pour participer au groupe. En revanche je soupçonne des raisons bassement triviales à ce soudain intérêt pour le chanteur des UFR : D’une part, c’est moi qui ai tous les micros, et d’autre part il faut remonter la sono. On a besoin de bras. C’est donc en tant que manutentionnaire et technicien qu’on a bien voulu me convier à cet opus en la SJM, Impasse des Clématites. L’ampli de scène n’est pas en super forme. Les baffles surtout semblent avoir souffert du voyage à Montpellier. Une cosse d’un contact s’est cassée à gauche, une soudure a sauté sur la prise jack à droite. Pendant que Phil et moi nous employons à trouver une solution, les cordes s’enferment dans leur bulle et règlent leurs instruments ou s’exercent. Les femmes quand à elles se réfugient dans l’attente. J’ai déjà dit ma lassitude, partagée par tous, face à ces incessants et interminables problèmes d’installation, de réglages et de pannes. Je confirme ce sentiment, avec la force conférée par l’expérience. Après tout, dans un mois, nous entamerons notre troisième saison. Le temps file, dans peu de temps nous serons des amateurs avertis, toujours aussi médiocres, mais expérimentés ! Je prends conscience que c’est la première chronique à prédominance musicale depuis un moment. Ces dernières semaines, j’étais plutôt dans le reportage touristique ou le compte-rendu de soirée ou de week-end ; je faisais dans le mondain. Ça fait du bien de se recentrer sur le sujet principal du présent blog.

Ne boudons pas notre plaisir, je suis heureux de retrouver l’ambiance studieuse de nos séances. Pour l’occasion j’ai mis un Tshirt de chanteur très tendance, de marque Diesel, largement échancré aux manches et dégageant mon encolure virile, que j’ai testé sur l’assistance.
Ils le trouvent très bien. On me dit qu’il moule parfaitement mon corps et met en valeur ma musculature puissante. Quelques médisants ont bien fait allusion à une connotation gay de cet accoutrement, mais je n’en ai cure, je vois bien là la marque d’une sourde jalousie et suis sur que mes fans ne s’y tromperont pas et sauront récompenser mes efforts vestimentaires, de leurs encouragements.

J’ai apporté la bouteille de boisson ambrée que m’avait confiée Pounet. En effet il n’avait pas voulu l’emporter chez lui à l’issu de notre petit week end cévenol afin d’être à l’abri de toute pulsion tentatrice. Il est des pudeurs qu’il faut savoir respecter, des détresses muettes dont on sait qu’elles ne peuvent être apaisées, et des efforts louables, hélas concernant notre ami, voués à l’échec, qu’on doit saluer. Lui au moins ne projette pas sur d’autres sa propre dépendance. Nous savons bien que l’activité artistique est génératrice de tensions et de stress, et que l’inspiration est une femme volage qui séduit puis se dérobe tour à tour, tourmentant le créateur au delà du raisonnable. Cependant il n’est pas très « sport » de désigner son prochain, sinon à la vindicte populaire, du moins à la cancanière hilarité, tandis qu’on a soi-même développé une addiction coupable à toutes sortes de substances plus ou moins licites, réprouvées même dans les contrées les plus permissives du globe. C’est pourquoi tout au long de la soirée j’ai rappelé chacun à la tempérance, comme je l’avais fait déjà à la « Soirée Casino » de tantôt. Il me souvient qu’un ami cher s’effraya de ma consommation de whisky tandis qu’avec un autre ils s’enfilaient consciencieusement une bouteille entière de vin blanc. Mais là bien sûr il s’agissait de dégustation ; le vin avait de l’arôme et pas mal de cuisse, il se mariait parfaitement avec les futurs crustacés. Il est vrai que dans l’inconscient collectif le whisky a une connotation pochtronnesque dès lors qu’on en boit plus de trois verres, quel que soit leur contenu réel. Mais lorsqu’on boit un verre de bière, de pastis, de vin ou de whisky, et de limoncello, c’est toujours la même proportion d’alcool qu’on ingurgite
Et je fais abstraction de ceux là, touche à tout, pistachiers, qui sirotent allègrement des quantités d’alcools variés, dans l’illusion qu’absorbés en petites doses mais en de nombreux flacons ils en amoindriront les effets émollients. Grâce à Dieu (choisissez celui qui sied à votre appartenance confessionnelle), me concernant, je suis joyeux et volubile, même à des doses homéopathiques là où mes contemporains restent d’un marbre le plus pur après absorption d’un gallon de bourbon. Il est donc du dernier chic de déceler chez moi les premiers effets, d’en détailler les manifestations : le teint verdâtre, les poches sous les yeux, l’œil qui frise, le dard altier, que sais-je .. , d’en supputer les évolutions et d’en projeter la conséquence logique : Le canapé ! En guise de défoulement, je devrais être plus radicalement démonstratif, et faire dan l’agressif, le brutal, l’outrancier, le méchant. C’est bien, le méchant ! On peut pisser un peu partout, traiter les gens de sodomites, vomir ses immondices verbaux au grès de ses déambulations : marquer son territoire en quelque sorte, et mettre le souk. On se défoule, on s’en paye une bonne tranche, on lance des vannes bien grasses. Ça a tout de même plus de gueule que les canapés. Je pense que ça alimenterait les conversations beaucoup plus efficacement, et permettrait aux exégètes amateurs de ma vie en société d’avoir plus de matière encore dans leur quête exhaustive.

L’info importante pour moi, c’est le plaisir de retrouver notre batteur, le très carré Phil le K, en congés depuis plusieurs semaines nous a-t-on dit, raison pour laquelle il n’avait pu monter avec nous au refuge domanial de l’Esperou. Dans l’attente de Laurence, nous échangeons quelques mots. Ainsi, après le cor de chasse, la guimbarde et le violon, sans compter le piano et autres instruments à cordes pincées, voilà que notre Leader Maximo veut investir d’autres domaines de compétence artistique. Ainsi se murmure-t-il qu’il voudrait se mettre à l’harmonica, et taquiner la basse.
Lolo arrive enfin, échappée de quelque réunion mondaine ce qui nous permet de débuter la répétition.

Cela fait un mois à peu près que je n’ai plus chanté dans le groupe, ni réécouté notre musique. Avec Odile, dans la 107 familiale, nos avons passé en revue rapidement l’ensemble de notre œuvre. Un brin d’appréhension m’étreint (de nuit) au départ du marathon, mais en définitive il semble bien que ma mémoire procédurale, celle qui fait en sorte que ma voiture se conduise toute seule quand au petit matin je vais au travail, ait enregistré dans ses dossiers les informations nécessaires. Je retrouve le plaisir de l’interprétation, et il me semble même que ma technique se soit améliorée. Je me garde bien d’interroger mes amis sur ce dernier point, bien trop sur que je suis de la réponse mitigée qu’ils me feront.

Les révisions terminées, c’est la partie créative qui nous intéresse maintenant. Pierre m’a fait l’honneur d’habiller deux de mes textes sans trop les modifier. Pour le premier il s’agit de « Docteur », un texte présenté il y a quelques mois dans ces colonnes sous le titre « psychotrope ». Comme souvent, j’ai tendance à faire des textes longs, Pierrot a un peu élagué, tout en conservant le sens général. J’avais basé ce texte sur une construction assez répétitive qui se déroulait tout au long d’une petite histoire comptant la dépendance, la solitude d’un homme sous psychotropes. Ce dernier n’en concevait aucune amertume et contemplait avec un humour désabusé le déroulement de sa vie quotidienne. Pierrot y adjoint un refrain, qui finalement résume bien l’esprit du récit. Notre guitariste a le sens de la formule, il sait rassembler des idées diffuses en un condensé drôle et percutant. Il faut l’interpréter sur un boggie très soutenu. Le fil mélodique est plutôt standard, mais sa structure très carrée et quasi mathématique permet des variations intéressantes pour chacun des musiciens. C’est ce qui fait tout son intérêt. Ainsi Jésou a-t-il l’occasion de taquiner le solo, et le Carré peut laisser libre cours à son imagination jazzy. C’est un morceau parfait, modulaire, on peut le continuer à l’infini, l’adapter au plus près de notre ressenti par rapport au public. Je le verrais bien pour un rappel.

L’autre titre se nomme « Oublie ». Je l’avais présenté dans ces pages également, il y a un bon moment. Mais avec tous ces concerts qui se sont succédés au printemps, nous n’avons plus guère eu le temps d’explorer de nouvelles voies. C’est une œuvre de pure fiction, qui relate l’agacement d’un homme face aux demandes réitérées de sa compagne de faire ci ou ça. En gros, si j’ai bien mordu l’esprit du texte, le narrateur aimerait bien que sa partenaire le lâche un peu. La mélodie une fois de plus est au rendez vous, ainsi que le sens du refrain de notre Leader maximo. Je gage que ce nouveau titre sera une des nouvelles pièces maîtresses de notre panoplie. Cependant les deux filles présentes, Odile et Lolo, ne rendent pas suffisamment justice au travail remarquable de l’auteur. Comme souvent les femmes sur ce genre de sujet sensible, elles ne gravissent que le premier degré, alors que bien sûr il faut grimper plus haut, et percevoir l’humour derrière la manifestation machiste. Malgré mes explications de texte, et les guillemets avec lesquels j’en ai accompagné les outrances volontaires, je ne suis pas certain d’avoir convaincu nos deux partenaires.

Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, affirme John Gray dans son célèbre bouquin.
Au-delà de la caricature, du cliché, de l’outrance, du propos réducteur, il est indéniable que la conjonction planétaire de ces deux espèces humaines est moins fréquente qu’une éclipse totale du soleil. Doit-on le regretter ?

J'ai tendance à répondre non

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