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vendredi 26 mars 2010

Les Ides de Mars ne Présagent Jamais de Très Bons Augures

Le lundi 22 mars nous avions répondu à la convocation SMS de notre Leader pour une session d’enregistrement au Studio de la Pierre Blanche. A une semaine près, cette première rencontre de printemps correspondait aux célèbres ides de mars qui comme chacun le sait tombent le 15 de ce mois. Il y a deux mille cinquante quatre ans, un événement célèbre vint immortaliser cette date et contribua à la notoriété de ses protagonistes. Il s’agit bien sur, de l’assassinat de Jules César au pied de la statue de Pompée par son fils adoptif Brutus. Pourtant des rêves prémonitoires, des oracles et des renseignements de première main avaient averti César d’un événement fâcheux imminent, mais il sembla faire fi de tous ces signes avant-coureurs. Ce qui amena récemment un enquêteur italien à formuler l’hypothèse qu’il s’agissait en fait d’une forme de suicide. Jules César était épileptique et refusait que la maladie ternisse sa fin de règne. Il voyait là un dénouement tout à fait digne de son destin historique.

Notre empereur, le Grand P. n’est pas épileptique, et du reste aucun complot ne s’ourdit dans son dos pour le détrôner, d’autant que nous ne lui connaissons pas de fils adoptif. C’est donc en toute sérénité qu’il nous rejoignit au SPB pour continuer notre travail sur notre CD fleuve. Il s’agissait d’emprunter deux des quatre axes de nos travaux restants : chœurs, piano, basse et guitare. Jako décida de privilégier cette fois les parties de piano et les solos de guitare. Exercice facile sur le papier ; cependant une semaine auparavant j'avais fait un rêve dans le quel un corps lourd se vautrait sur un cheval mort dont j'aurais dû penser qu'il puisse être prémonitoire de lourds nuages se rassemblant au dessus d'un ciel serein. La suite devait le confirmer.

On installa le Yamaha de Lolo dans la régie du studio, près de la table de mixage. Sous l’œil attentif des musiciens, si l’on excepte le batteur qui s’était excusé pour cause de récupération d’un week-end épuisant en Espagne, et de la choriste dont nous expliciterons l’absence ultérieurement, elle se chauffa les doigts sur les essais de niveaux de l’ingé-son. Tout s’annonçait donc sous les meilleurs auspices et augurait d’une soirée productive qui permettrait de biffer définitivement certains éléments de notre liste de travail.
Hélas il n’en fut rien.

Il fallait refaire la partie piano de « Oublie » et notamment plusieurs montées d’arpèges particulièrement rapides. Lolo se plia bravement à l’exercice et s’en tira fort bien lors de ses essais « à blanc » mais dès que Jako tentait d’enregistrer c’était l’échec : trop de stress. Pour débloquer la situation, au bout d’une demi heure infructueuse, notre ingé-son installa un échantillonneur, un sampler en anglais. « Sampleur et sans reproche » lançâmes nous d’une même voix, Le Barde et moi. L’appareil émettait un bit de synchronisation qui permettait d’imprimer un tempo régulier aux notes de Lolo, comme l’aurait fait un métronome. L’autre avantage du système était de permettre à notre pianiste de jouer plus lentement, à son rythme, puis d’accélérer la captation au tempo de la chanson, sans perte d’amplitude.

C’est Jako qui calait à mesure les différents « drops ». Il nous fit écouter le résultat : c’était parfait ! comme s’il avait été joué en live avec le reste des musiciens. « Ca rend pas mal », apprécia Jako. Comme il avait aussi suggéré à Lolo de simplifier son travail en l’écourtant d’un octave les solos de piano étaient moins longs : « C’est furtif, ça passe bien » conclut Jako. Le mot nous plut, et pour les prises de sons suivantes nous exhortâmes Lolo à passer systématiquement « en mode furtif » afin de sécuriser son travail. Nous atteignîmes le point culminant lorsque notre pianiste passa un bon quart d’heure à taper sur UNE NOTE finale pour de la restituer correctement ! Il fallut à Jako à peine moins de temps pour la placer au bon endroit. Merveille de la technologie numérique, qui nous permit en une heure et demi chrono de finaliser la partie claviers d’Oublie.

Pendant ce temps nous allions et venions, les musiciens essayant tour à tour tous les amplis du studio, allant fumer une clope, refaisant le monde des UFR.

Quand l’enregistrement d’Oublie fut enfin mis en boite, on décida d’enchaîner. Mais on mit beaucoup de temps à rechercher sans succès la bonne version de « Marre » objet de la retouche.
De guerre lasse, on se reporta sur les solos de guitare. Depuis une demi heure P. rongeait son frein, assis devant son ampli, enchaînant les accords, affûté comme la lame du scapel de M. Hyde au moment d’éventrer une jeune prostituée dans une ruelle mal éclairée et nimbée de fog d’un quartier Londonien du XIXème siècle.
Pas de problème, pensai-je, maintenant ça va aller vite : deux solos de 20 secondes à faire, sur des titres que nous jouons depuis des années, notre Leader ne va en faire qu’une bouchée. C’était une bouchée particulièrement indigeste car à nouveau il fallut plus d’une heure à notre virtuose pour boucler ses drops.

J’ai encore dans les oreilles les stridents essais de tenue de la dernière note par notre Pierrot. Il dut y en avoir une cinquantaine. Ca confinait à l’acharnement thérapeutique : l’instrument poussait des lamentations déchirantes à vous tirer les larmes du corps, c’en était éprouvant pour les nerfs, on aurait voulu achever la bête pour qu’elle ne souffre plus. La Yamaha tel un animal rétif se montrait décidément peu accommodante aux sollicitations du Maximo.
Nous proposâmes de passer en mode furtif, mais la forme de la note incriminée s’y prêtait mal même quand P. eut changé sa guitare pour une pure Fender. Nous restâmes donc « en visuel » et à l’arraché capturâmes la bonne prise que Jako s’empressa de mettre en boite.

C’est dans un déchaînement de rires nerveux que nous achevâmes la soirée : trois heures de bataille pour cinq minutes utiles, nous avions placé la barre à des hauteurs stratosphériques. Au prix de l’heure de studio, voilà deux notes qui se révélaient particulièrement salées !

Mais il n'y a rien à regretter, quand on veut faire du propre et carré, on doit mettre le paquet. La qualité est à ce prix.

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