Website Ribbon

samedi 8 novembre 2014

Entre Amertume et Euphorie

Le concert au Fl. le pub irlandais a eu lieu. la salle était noire de monde. Des amis mais pas seulement : beaucoup d'inconnus qui n'étaient pas là juste pour boire, mais qui participaient, reprenaient les refrains, s'agitaient dans cette marée humaine devant nous. Grosse ambiance, plaisir des musiciens et du chanteur. Un son plutôt bon, pas trop fort de l'avis de tous, la voix audible. Le public était très proche physiquement ce qui ajoutait encore au plaisir de chanter. Le saxophoniste et moi, sur le front de scène, devions parfois tenir nos lutrins pour éviter qu'ils ne tombent quand les serveurs irrités passaient en jouant des coudes pour apporter les plats ! Une soirée très satisfaisante donc, sur un plan musical.

Par contre je n’en dirai pas autant sur nos conditions de travail. Nous ne sommes pas des divas, mais tout de même je ressens une certaine pointe d’amertume et de frustration. Presque de l’humiliation. Pierrot et Jean Paul avaient négocié avec le patron du bar un cachet pour notre prestation. Nous n’en connaissions pas le montant, mais c’était un net progrès par rapport à l’année précédente où nous avions joué gratuitement. Par contre l’accueil avait été royal : un repas copieux, et de nombreuses boissons offertes. 

Cette fois-ci nous  attendions une rémunération. Nous avions prévu de manger  au Fl., en payant s’il le fallait. vers 21h j’ai appris que le repas serait offert par le bistro. Nous sommes montés à l’étage parmi les joueurs de billard. La table était mise, entourée d’une collection disparate de chaises et tabourets assez spartiates. Une serveuse plutôt sèche nous a servi le plat, très bon au demeurant. Nous n’avons pas bien su quelle viande nous mangions mais la serveuse a lâché «c’est de la volaille, je crois ». Le plat terminé nous avons attendu un éventuel dessert, mais nous avons supposé qu’il n’était pas prévu au menu. 

Nous avons fait notre concert, et je dois dire que ce fut un grand panard d’acier bleuté. Le public était réactif, je l'ai occupé avec nos chansons et mes salades pour meubler les intertitres, et nous avons été plutôt corrects  musicalement, si ce n’est que je n’entendais pas le Leader et que j’ai loupé un ou deux trucs, qui furent heureusement habilement rattrapés par les musiciens. J’ai terminé épuisé, la voix légèrement voilée sur notre dernier titre, Faut que j'Me Tire Ailleurs, que nous jouions pour la première fois en public. J’avais le sentiment d’avoir tout donné, mon corps empreint de cette fatigue agréable qu'on ressent quand on a fait un effort physique intense et utile. J’étais dégoulinant de sueur, mais rempli d’un sentiment d’euphorie, de plénitude. 

Les deux parties du concert avaient été équilibrées. Nous ne nous étions pas relachés comme à notre habitude sur la deuxième partie de la playlist car nous avions été plus que raisonnables à l'entracte. Les gens avaient pris du plaisir. J’avais vu et entendu leurs cris, leurs encouragements, les refrains qu’ils reprenaient avec nous, notamment sur la Fille du Père Noël. Les trois rappels s’étaient bien déroulés. Les amis étaient vraiment contents. Certains d’entre eux, qui d’habitude n’hésitaient pas à critiquer tel ou tel aspect du concert nous ont dit que c’était notre concert le plus abouti. Le son était bon, on entendait le chanteur : nous avions passé un cap et étions devenus très professionnels selon leurs propres termes.

Le malaise s’est constitué après, dans l’attente du patron, qui avait disparu et que nous avons dû attendre, dans l’incertitude. Bien sûr cette incertitude était tempérée par les gens qui nous abordaient, et dont nous buvions les appréciations positives. Hub m'a invité au bar.. je me suis adressé au serveur, en plaisantant : "vous faites un prix pour le chanteur ? le gars m'a regardé brièvement : "j'ai pas écouté", puis regardant Hub : "c'est 23€. plus tard Pierrot a offert une tournée. Au moment de payer le barman lui a demandé : "mais tu es un des musiciens ? Pierrot lui a répondu: "oui ! "Alors c’est pour moi a dit le barman. Enfin, j’ai offert ma tournée. Quand j’ai demandé combien je devais, le barman m’a répondu : 16€80 ! c’est là que j’ai touché du doigt la différence entre un chanteur et un musicien ! 

Pour finir le patron s’est joint à nous. A aucun moment il n’a évoqué notre cachet. Nous patientions à ce bar, tuant le temps en attendant qu’il aborde le sujet. Nous n’avons rien vu arriver. Pas un commentaire, pas une appréciation. Du smalltalk sur la pluie et le beau temps... Il nous a quand même payé une tournée. Que j’ai failli refuser tellement à cet instant j’étais en colère. 

Je trouve son mépris pour notre travail très humiliant. Etre payé, pour nous a une signification bien précise  qui touche à la reconnaissance de notre statut de groupe, et, disons le : d'artistes. C’est admettre que nous avons une valeur. Qu'on soit payé 50€ ou 200 n'est pas un problème. Le regard du patron sur nous m'a rappelé l'indifférence d'un autre patron de bar où nous avions joué en 2012.  son attitude, son regard avaient suscité en moi le sale doute de n'être pas légitime, d'être un imposteur, de n'avoir un public  qu'à cause des relations des uns et des autres mais pas du fait de notre valeur propre. En gros : on était de la merde ! Je suis parti du Fl. déçu, frustré, très mal à l'aise. Dans l'esprit du patron je suis certain qu'il nous avait fait une fleur en nous accueillant chez lui. Le fait que la salle fut bondée, que les repas et les consos avaient coulé à flot, pour lui, n'avait aucun rapport avec notre présence. Je me demande même, avec un rien de malice,  s'il ne lui est pas passé par la tête l'idée de nous faire payer la location de la salle.

Malgré l’ambiance du lieu, dont nous avons sans conteste été les moteurs au long de nos deux heures de concert, en dépit de l’incroyable flush de bonheur que j’ai éprouvé à donner du plaisir aux gens, cette boule de plaisir brut qui explose et irradie, je garde en moi cette claque que nous a infligée le patron de ce bar. Je me rappelle trop ces longues minutes durant lesquelles j’ai eu l’impression de faire la manche et tendre en vain mon chapeau pour qu’on y glisse quelques pièces dedans.

Je ne reviendrai pas au Fl.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bien dit mitch , je comprends tout à fait d'autant plus que votre prestation énergique terminée , les gens sont partis rapidement! l 'ambiance chaleureuse qui font l'âme d'un pub et les consommations vous reviennent sans conteste!!! un petit cachet ne l'aurai surement pas ruiné mais certaines personnes sont comme ça ,tu le sais bien...faut pas s'attarder sur ça et ne garder que la prestation qui a été un régal car vous avez tout mis , c'était bien rock à souhait , comme j'aime , bravo les gars!!!!

The Undertakers 5 a dit…

Merci Bruno. Ca nous a fait très plaisir de vous voir Vendredi. La Fraternité des Rockers ! J'espère que Clair a pu sauver une photo ou deux, car on n'a pas de souvenirs en images de cette soirée : nos amis étaient tellement sous le charme (!) qu'ils n'ont pas pensé à immortaliser cette soirée. Concernant la rémunération, peu-être ai-je été un peu rapide dans mes conclusions, d'après JP notre saxophoniste, le patron aurait (conditionnel pour l'instant) l'intention de nous donner une petite gratification, sourire.... J'attends donc avant de porter un jugement définitif. Il est vrai que le principal était de jouer devant un public. Et un public comme nous en avons eu un ce vendredi, ça n'a pas de prix. En plus mes collègues musiciens ont eu plein de commentaires positif et même des propositions pour se produire ici et là. Donc ne serait-ce que sur le plan du bouche à oreille, et en considérant également le plaisir que nous avons pris, cette soirée a été payante :-)