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vendredi 8 juillet 2011

Un Festival, Des faux-tographes, Jeanne Moreau, Une Guêpe, Des Pieds

Je rentrais hier de la répétition du mercredi, une fois n’est pas coutume dans mon camion-régie Mitsubishi, au terme d’une séance où l’on déplora l’absence de Lololalolo prise par ses activités mondaines littéraires .J’écoutais la radio d’état alors que je filai à allure moyenne, les deux tonnes deux de mon véhicule comme portées par d’invisibles ailes, ses larges roues absorbant souplement les accidents de l’asphalte, drapé dans les volutes d’air tourbillonnant dans l’habitacles aux vitres ouvertes sur la fraîcheur de la nuit. Un moment je suivis dans le rétroviseur le scintillement coloré d’un véhicule de police, qui me doubla à vive allure silencieusement. Sans doute, pensai-je, une voiture de la BAC en mission pour appréhender quelques malfrats... Je fis l’association avec les résultats imminents du Bac de mon fils dont je ne doutai pas un instant qu’il l’obtiendrait le lendemain*.


Il devait être minuit, à la radio c’était une émission culturelle, comme souvent sur cette station qui promeut l’éducation du plus grand nombre et vise à l’élévation des consciences. Il était question d’une exposition photographique à Arles.

C’est la période des festivals ; l’après-midi déjà j’avais nourri mon esprit des réflexions du metteur en scène d’un de ces spectacles au long cours qui font le miel des nuits avignonnaises avec Jeanne Moreau et Etienne Daho de surcroît dont la simple idée d’y assister m’évoqua la souffrance que s’imposent les triathlètes ou les coureurs extrêmes, mais aussi l’opiniâtre détermination de certaines personnes d’une frange élitiste dans leur volonté d’être « là où ça se passe » terrorisées qu’elles sont à l’idée qu’on puisse s’étonner de ne les y avoir pas vues .

Le Soulier de Satin de Paul Claudel, grandiloquent machin qui dure onze heure, dont Sacha Guitry se réjouissait avec soulagement qu’il n’y en eut pas la paire, et présenté il y a quelques années dans les carrières de Boulbon constitue pour moi l’archétype même de ce genre d’œuvre, hermétique à mon intelligence et à mes émotions, dont les organisateurs seront rassurés d’apprendre que je n’en fréquenterai pas la représentation, à moins d’être rémunéré au tarif des heures supplémentaires d’un dimanche férié de nuit en période de soldes.

Je ramenai mes pensées sur l’exposition d’Arles qui m’interpela : Il y était question du droit d’auteur mais également de la nature de l’œuvre artistique. Qui, peut être considéré comme auteur ? Est-il nécessaire d’être un expert pour produire une œuvre reconnue ? Doit on justifier d‘un effort conséquent pour donner sa légitimité au travail présenté ? L’intervenant soulignait le formidable robinet à image qu’est Internet, les milliards de photos qui y transitaient, photos d’artistes, mais aussi photos captées par de simples smartphones et pourtant porteuses d’une intention de leur auteur de véhiculer un message.

Où devait-on placer le curseur de l’intention artistique dans ce contexte ? Cela me rappela les installations de Duchamp et son concept de Ready Made, exposant au début du siècle précédent des objets de la vie courante, dont un célèbre urinoir, soulignant que l’œuvre d’art ne consistait pas en l’objet lui-même mais devait plutôt étayer le cheminement de la pensée de l’auteur, l’Histoire qu’on pouvait construire autour, la présentation d’un état de l’âme. Bref le concept l’emportait sur l’objet. La notion même de photographie pouvait-elle se parer des atours de l’Art puisqu’aussi bien il n’y avait là qu’une captation du réel ? On pouvait rétorquer que le travail du photographe consistait justement en cette décision du moment, et c’était dans cette décision que se plaçait la démarche artistique.

L’homme poursuivait sa métaphore plombière en introduisant une nouvelle sorte d’artiste, en l’occurrence ceux qui ouvrent et ferment le robinet à images. Ces photographes d’un nouveau genre ne fabriquent plus l’objet photographique, mais choisissent des photos existantes en les exposant selon une thématique contrainte. Ainsi selon ce directeur d’exposition, l’auteur ne serait plus simplement celui qui crée une œuvre, mais de manière plus large celui qui CHOISIT des œuvres, les assemble, les associe, les rapproche et les accroche sur les cimaises de la salle d’exposition.

Encore plus loin dans l’extension de la notion d’art, je fus sidéré d’apprendre qu’une profession, celle des « accrocheurs » revendiquait une démarche intellectuelle : accrocher les œuvres aux murs, les agencer afin qu’elles racontent une histoire, les placer à cette hauteur ou a une autre, les éclairer de telle ou telle manière, sur ce mur-ci et pas celui-là, est devenu une activité artistique affirmée !

Mais alors dans ce cas qu’en est-il des droits d’auteur ? Tel photographe virtuel peut-il prétendre à en toucher des dividendes au titre qu’il a fabriqué un nouvel objet conceptuel à partir du travail des autres ? Un travail de collage en somme. Mais si l’on suit le raisonnement de notre homme, les CD de compilation de titres seraient des œuvres intellectuelles, et là j’avoue qu’il m’est difficile d’imaginer que la Compil Ibiza 2011 des meilleurs classements dans les charts européens puisse prétendre à un quelconque droit d’auteur.

Je rentrai sur Bouillargues galvanisé ! Ainsi lorsque nous avions choisi le programme du prochain concert, prenant soin de varier les tonalités entre titres successifs, les agençant en fonction de leur tempo, alternant reprises et compos nous avions créé une œuvre à part entière, à nulle autre pareille : originale.

Voici par contre une nouvelle source d’inquiétude : nous devions sans-doute déposer à la SACEM nos programmes de concerts avec nos compositions, afin de protéger la forme même de nos spectacles de toute tentative de plagiat. Cette idée finissait de me trotter dans la tête tandis que je glissai ma clé dans la serrure de la maison endormie, et je tentai de me remémorer les moments forts de cette session, assis sur la terrase, contemplant la surface obscure, étale, de la piscine, piochant d'une cuillère indolente des morceaux de Daims dans le Mac Fleury qui restait au congélateur, échaffaudant par avance le démenti que j'opposerais à la furieuse admonestation de Vincent lorsqu'il s'apercevrait du larcin.

Nous attendîmes Pierrot jusqu’à fort tard : un peu plus tôt dans la soirée, avant de partir, j’avais glissé un pied insouciant dans une sandale squattée par une guêpe ; j’en avisai illico mes camarades par SMS, alléguant une douleur trop importante pour chanter sereinement. D’autant qu’aux dires de tous dans le groupe, je chante comme un pied ! P. prit ce canular au pied de la lettre, s’attardant chez lui pour rassembler les feuillets épars des textes de nos morceaux se préparant à me remplacer au pied levé.

Nous devions travailler la deuxième partie de notre concert. Ce dernier est constitué à 80% de nouveaux titres dont la première partie avait été abordée quinze jours auparavant. Le Leader décida de commencer par Brown Sugar étant donné que ce morceau nécessite que l’on désaccorde les guitares. Cependant il nous fallu un quart d’heure et une visite sur internet pour retrouver le « désaccord parfait ». Dans la foulée nous passâmes une bonne dizaine de minutes à chercher la tonalité des accords du riff initial. La séance débuta donc à 22 heures passées. L’appropriation de Brown Sugar fut laborieuse, il nous fallut huit tentatives pour approcher une interprétation tout juste correcte, notamment le pont musical se changea en un long tunnel de quatre mesures en l’absence de saxo. Les autres titres présentèrent moins de difficultés, à part peut-être le Cochon dont nous réglâmes à nouveau l’agencement des couplets pour le raccourcir un brin.

Finalement, même si la plupart des titres me semblent correctement acquis, j’ai encore des hésitations concernant Brown Sugar et aussi Hit the Road. Pour ce dernier surtout, nous ne l’avons interprété en condition réelle qu’une ou deux fois. Il avait été décidé au départ que l’ensemble des musiciens se partageraient l’interprétation des couplets, chacun disant une phrase. Mais depuis nous avons abandonné cette option. Dans ces conditions le réglage de ma partie a été plus que sommaire.

Lors du débriefing nous tentâmes de trouver un créneau pour une répétition supplémentaire avant la dead line du 13 juillet. Cela nous aurait permis de balayer l’intégrale du concert, de donner la possibilité à notre pianiste de travailler sa partie, et de régler au mieux les deux titres cités plus haut. Hélas les impératifs des uns et des autres ne permirent pas de trouver une date. Nous optâmes donc pour une solution dégradée : l’installation du matos dans l’après midi du concert donnerait l’occasion d’une ultime répète.

*A l’heure où j’écris ces lignes, et grâce à un appel de notre amie Valérie J., je sais désormais que c’est chose faite !

2 commentaires:

The Undertakers 5 a dit…

Verdi, Aida, Orange : Somptueux !

Vive l'opéra !

Anonyme a dit…

si tu veux ..?..
P.herr plex