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lundi 30 novembre 2009

La Vérité Sur Chomsky

Dans un commentaire récent, P. citait le nom de Chomsky qu’il associait au volapuk, cette langue artificielle dérivée de l’anglais. Connaissant le personnage, j’imaginai bien qu’il ne me lançait pas cet os au hasard. Il n’en fallait pas plus pour que je prenne mon bâton de pèlerin, et parcoure la toile en quête d’informations. J’eus rapidement confirmation que Notre Leader avait une idée derrière la tête : il savait que ce type allait me passionner moi un esthète de mots. Vous pourriez me dire : moi les mots, c’est de l’Hébreu ! Et concernant Noam Chomsky vous auriez raison. Ce linguiste né à l’orée des années 30 du siècle dernier, d’origine juive, a révolutionné l’approche du langage en se faisant les dents sur sa langue d'origine. Sans se faire mal.

Jusqu’ici la linguistique dans le courant structuraliste (faites-moi penser de vous parler de Levi Strauss un de ces jours), s’appuyait sur une approche comportementaliste, « behaviouriste » du langage. On n’expliquait pas le langage dans son essence même, on ne faisait que le décrire et en tirer des règles empiriques captives de la langue étudiée. On tentait d’en faire une étude expérimentale, dans la droite lignée des sciences « dures » telles la physique et la chimie, dans les quelles les hypothèses sont issues de l’observation puis confirmées par des lois démontrables mathématiquement. Comme corollaire le langage était perçu comme un savoir acquis, fortement influencé par le milieu et le compagnonnage.

Pour Chomsky, le langage est inscrit dans les gènes. Chaque enfant naît avec dans son cerveau les briques élémentaires nécessaires à l’apprentissage d’une langue, ou même de plusieurs. C’est d’ailleurs l’argument premier qu’il brandit à ses détracteurs : Comment un nouveau né pourrait-il acquérir le langage, s’il n’était pas doté d’une grammaire élémentaire, gravée en dur dans ses hémisphères qui lui permette d’aborder la complexité d’un langage évolué dès les premières semaines de son existence ? S’il ne possédait pas cette boite à outil primordiale, le nouveau-né serait même incapable de discriminer le son d’un mot du bruit d’un quelconque événement naturel.

C’est donc en 1957 que sa publication, posant les bases de la Grammaire Générative et Transformationnelle (GGT) fit l’effet d’une bombe dans le Landerneau Compassé de l’Establishment Linguistique. Le langage ne surgissait plus ex nihilo d’un esprit vide, mais se structurait autour d’un ensemble d’outils biologiques : la Grammaire Universelle, corpus de règles langagières communes au swahili au mandarin, comme au français ou à l’anglais. Du même coup, la linguistique passait dans le champ des sciences humaines, de la psychologie et des neuro-sciences.

La GGT (attention : piège ! rien à voir avec la CGT) décrit donc le processus de Génération d’un discours à partir du concept, jusqu’à son expression orale par le biais de phonèmes. Au cours de cette opération, les phrases générées (structure profonde) subiront une transformation afin que leur expression se traduise par la phrase prononcée (structure superficielle). Le fond et la forme en quelque sorte, l’un et l’autre interagissant pour produire du sens (dans le meilleur des cas : quand on écoute un footballeur on se prend à penser qu’un million d’années d’évolution seront encore nécessaires).

Au passage Chomsky distingue compétence et performance, dans l’expression du langage. Tout humain normalement constitué est réputé « compétent » pour comprendre et parler sa langue maternelle. Seuls certains sont capable de « performance » c’est à dire d’une maîtrise totale d’une ou plusieurs langues, afin de produire un discours parfait.

Ce dernier point me ramène à un article sur un thème similaire : Selon son auteur, chacun d’entre nous a un sens inné de la mélodie, en gros il est programmé pour ça. Instinctivement nous savons si un enchaînement de notes sonne juste ou pas, et nous sommes aptes naturellement à décoder les consonances ou dissonances d’accords. Et pourtant personne ne nous a appris la technique musicale. C’est quelque chose qui est inscrit en nous.
Cependant si nous sommes compétents en la matière, c’est à dire aptes à en comprendre le discours même si nous n’en maîtrisons pas le codage, nous sommes loin d’être performants : n’est pas Hendrix ou Mercury qui veut !

Nous en savons quelque chose nous autres les UFR, qui brandissons avec allégresse notre inexpérience et notre amateurisme comme des enfants de chœurs le saint sacrement. Nous égrenons les répétitions en une liturgie désormais bien huilée, moi psalmodiant mes litanies en déchiffrant mon bréviaire, les choristes entonnant le répond, sur la musique sacrée de notre Leader et ses musiciens.

La dernière de nos rencontres a été correcte. Après une courte revue des évènements de la semaine précédente, notamment le séjour vénitien de notre bassiste, je me suis encore battu avec l’usine à gaz qui me sert de pédale d’effets pour qu’elle veuille bien la mettre en veilleuse coté Larsens. Les voix ont toujours autant de mal à se détacher du foisonnement orchestral, ce qui au bout de trois ans est assez désespérant et ne conforte pas mon espoir que nous puissions régler le problème en live pour le concert prochain, ni d’ailleurs que nous puissions le régler « un jour ». J’y vois une sorte de fatalité, d’autant que de nombreuses lectures sur les forums de discussion tournent autour de cet éternel combat de la restitution vocale.

Les chanteurs s’y désespèrent à longueur d’articles en un lamento misérabiliste sur le sort mauvais qui s’acharne injustement sur eux, chacun y allant de son truc pour que ça soit moins pire, appelant à sa rescousse la surenchère électronique, le branchement miraculeux, le port d’un casque antibruit, ou pour les plus désespérés les errances les plus improbables : pastilles au propolis, dispersions des ions négatifs, médecines douces, rebouteux, shamans, mésothérapie pharyngée, coachs artistiques, pattes de lapins mérinos, prêtresses du Candomblé, exorcisme des musiciens (Satan sort de ce corps), cures de sommeil, sacrifices d’animaux, automutilations, meurtres, cours de chant.

Pour ma part je m’étais pourtant fait une raison au fil du temps, jusqu’à ce que cet appareil sournois me redonne espoir. En vain. L’espoir déçu est ce qu’il y a de plus dur car il faut refaire tout le cheminement qui vous a conduit à la sérénité, avec une certitude que cette fois c’est cuit, et que désormais il faudra vivre avec.

2 commentaires:

poun a dit…

pierrot, fais moi plaisir, la prochaine fois que t'as envie de nous parler d'un mec compliqué que personne ne connais(genre chomsky) si mitch est dans les parages.....FERME LA ! ! ! !

D'avance merci

The Undertakers 5 a dit…

Pierrot, tu m'en avais parlé, mais je ne voulais pas le croire : c'est rien qu'une bande de beuhhhs !

On essaie de les instruire, de leur donner des repères, une ouverture sur le monde, bref de les éduquer, et voilà leurs remerciements...

Même ceux dont on pense qu'ils seraient capables de saisir la beauté du lumineux travail de Chomsky se révèlent tragiquement limités dans leur ambition.

ils ne méritent pas les efforts que toi et moi faisons pour eux. Tu vois, j'essayais de graduer les difficultés et de doucement éveiller leur intérêt à la complexité du monde, mais je crois que je vais renoncer...