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vendredi 13 juillet 2007

Le Bon Samaritain (mercredi 11 juillet)

J’ai retrouvé espoir dans l’humanité ! je sais désormais, comme Rousseau (pas le douanier, l’autre), que l’homme nait bon, et que c’est la société qui le pervertit. L’opposition, issue du siècle des lumières, de la nature et de la culture. Mais foin de philosophie, je sais que vous réclamez du concret, lecteurs fidèles quoique désespérement muets. Oncque, pour quelle raison me fais-je ainsi le chantre d’une idéale société, dont les valeurs de civismes transcenderaient notre mesquine condition ?

Il se trouve qu’au décours de la riche soirée que nous avons vécue ce mercredi, j’ai enfourché mon destrier, ma fidèle bien que cacochyme et valétudinaire 405, afin de regagner mes pénates banlieusardes. Par la vitre ouverte je humais à vitesse réglementaire, les mille fragrances de la nuit, une cigarette à la main. et dans l’agréable fraîcheur, je me remémorais les moments-phare de la soirée, tandis que par ailleurs je pestai contre la clim qui depuis trois jours était aux abonnés absents. Je fus donc surpris de sentir la voiture ralentir puis bientôt, roulant sur son aire, se ranger sur le bas-coté, juste en face de Castorama, le paradis des castors. C’est bien sur une license poétique : j’ai un peu aidé le véhicule à accomplir la maneuvre de stationnement final. Avec beaucoup de difficultés d’ailleurs, car privé de son énergie vitale, mon tank se révéla pachydermique à la direction, et rétif au freinage. Quoi qu’il en soit, je me trouvais là, seul, au milieu de la nuit. Je constatai brièvement que même sur le périphérique les grillons sont actifs, j’observai avec intérêt les insectes pris dans la lumière des éclairages publics, et les feux tricolores étaient des sémaphores qui semblaient répéter mon S O S silencieux à la ville et au monde. La voiture, bien qu’à l’arrêt, produisait mille bruits internes, comme le vieillard assoupi qui ne contrôle plus très bien ses fonctions corporelles. C’était un de ces moments où soudain, on a comme une perception de l’infini, avec une limpide clairvoyance qui émerveille ainsi qu’elle effraie. Cet instant où l’on ressent, avec une grande accuité, le poids de la misère du monde, dont on éprouve toute la glaciale rigueur. C’est là que confronté à la succession d’évènements indésirables qui vont suivre, généralement je décide de faire une pause, et par une grande respiration d’évacuer par avance la charge émotionnelle qui ne va pas tarder à déferler.

Mes connaissances en mécaniques hélas sont réduites, et toutes mes tentatives pour appréhender la logique interne d’un moteur thermique se sont soldées par des échecs cuisants et dispendieux. Je suis maudit de la mécanique ! les moteurs me haïssent. Pour quelque obscure raison, ils me font payer je ne sais quelle faute originelle, et depuis j’expie. Je ne compte plus les tondeuses, tronçonneuses, solex, véhicules en tous genres dont les caprices intempestifs on pourri mon existence ces trente cinq dernières années. Par acquis de conscience, j’ai tout de même accompli les gestes d’urgence d’usage : coups de démarreur, ouverture du capot, observation dubitative des divers machins qui en peuplent les entrailles. J’ai tapoté ici, tiraillé là, je me suis penché, je me suis couché, tous gestes qui tiennent plus de l’exorcisme que de la réelle expertise.
Tout cela n’est pas grave, me rassurai-je : dans la Mosquée Rouge, ils n’ont plus besoin de véhicules, au Darfour ils fuient à pieds, et même à St Tropez, va trouver une place devant Sennequier pour te garer ! Je mis la main à la poche pour en tirer l’ami des situations désespérées, l’objet dont j’avais fait l’acquisition des années auparavant pour palier ce genre de catastrophe : le portable.

Je suis sur –et vous me premettre de digresser un micro chouia- que vous connaissez cette loi, qu’on doit à un américain, Edward Murphy, ingénieur américain en charge d'essais d'importance capitale concernant la tolérance humaine à la décélération.

La loi dite « de l’emmerdement maximum ». suite à une série d’échecs dus à des négligences humaines, il tira la conclusion que s’il y avait une possibilité de faire une grosse boulette il y aurait toujours un humain, quelque part, qui la ferait. C’est la loi de la tartine beurrée. C’est une loi universelle, dont on a d’ailleurs décrit des prolongements vers les théories du chaos et de la relativité restreinte ; je vous en ai déjà parlé dans ces chroniques et je ne désespère pas d’en opérer une unification dans les prochaines années.

Pour faire court ( !), je me souvins abruptement qu’on m’avait volé mon cellulaire une semaine plus tôt chez ma mère. (j’aimerais qu’en lisant ces lignes, vous imaginiez dans votre tête la musique de Psychose, le film d’Hitchcock, particulièrement pendant la scène de la douche).
J’étais donc en panne, ET seul, ET sans téléphone, ET loin de tout.
Je me rassis dans la voiture, me rallumai une cigarette. Quelques voitures passaient, indifférentes à ma détresse, bulles d’intimités égoïstes, anonymes. Je branchai la radio : Une émission très intéressante y parlait de poils. Le poil est le moteur du monde vivant. Sans poils pas de démultiplication des surfaces, donc pas de production d’énergie. Ainsi dans nos huit mètres d’intestin grêle, il y a l’équivalent de 400 mètres carrés de surface d’échange de par la présence de micro-poils. Comme si nous avions un jardin potager dans le ventre précisait l’intervenant. L’image me fit sourire. Très brièvement. Putain de bagnole de merde, lui hurlai-je, salope ! (je suis parfois grossier quand je me sens excédé) un sanglot me prit et ma voix, ma belle voix de baryton martin, se brisa tandis que les mains sur le volant, j’appuyai mon noble front sur elles. Pour quoi y a pas de poils, pourquoi y a pas un hectare de culture maraîchère dans ce foutu moteur qui ne sait qu’exploser ?

Et là, chers amis, alors que du fond de mon trou de désespoir, je contemplais les margelles du puits de la détresse loin au dessus, j’entendis un coup d’avertisseur. Je levai la tête, et portant mon regard de coté, je vis une voiture arrêtée et un homme souriant au volant.
« Un problème ? questionna avec à propos mon samaritain. Par devers moi je me fis la reflexion que c’était là un type perspicace, qui avait immédiatement déduit de mon capot ouvert, et de l’éclat sinistre de mes feux de détresses que peut-être en effet je n’étais pas simplement en train de prendre le frais en attendant les premières lueurs du jour. Il y avait de l’espoir ! Je lui expliquai brièvement mon petit soucis. Il m’avoua ne rien comprendre aux moteurs, je lui en donnai acte et lui souhaitai bienvenu au club de ceux qui sont condamnés à s’en remettre au shamanisme douteux de ces sorciers des temps modernes qu’on nomme garagistes. Il me conseilla d’appeler un proche avec mon portable. Je réussis à contenir une aigre réponse derrière un sourire suave pour lui expliquer sans trop de causticité que j’y avais un peu pensé, mais qu’hélas je n’en possédais plus. Je n’étais pas en situation de faire de l’esprit à deux balles. Il me confia son précieux mobile : je confiai à ma tendre épouse déjà endormie, l’objet de mon appel, et son caractère semi urgent.

A partir de là l’histoire ne devient qu’un banal récit de panne de bagnole et ne présente plus guère d’intérêt, si ce n’est que dans mon malheur, inexplicablement, j’avais dans mon coffre une corde de bon diamètre dont la présence me réconcilia un peu avec les théories sur le hasard, et rendit en partie caduque la loi de Murphy. C’et une Odile fringante et enjouée qui me rejoint vers 2h30 du matin avec le camion bi-ton. Pour l’anecdote, durant l’opération d’arrimage, des jeunes nous croisèrent, qui me demandèrent si je n’avais pas une cigarette. Je leur indiquai que je n’en avais que des « roulées » ce qui ne les tenta pas. Faisant quelques mètres, l’un d’entre eux se ravisa, et tandis que que je m’apprêtai déjà à vendre chèrement ma peau et celle de ma tendre moitié, me demanda très poliment si j’avais besoin d’aide. C’est ainsi que j’exhumai de ma mémoire cette référence à la civilité, dont je n’aurais jamais cru mon contemporain capable, ce qui me conduit à battre publiquement ma coulpe et clamer mon indefectible espoir en la bonté de l’homme.

Cet évènement fut d’autant plus regrettable, malgré sa fin heureuse, que la soirée avait commencé sous les meilleurs auspices. Réunis sur la terrasse de la Maison Fabre, je présentai au public le logo épuré qui figurera sur le T-Shirt du groupe pour 7€ 95 tout compris. La discussion porta sur le choix de l’impression : noire sur fond blanc, ou l’inverse, et sur l’ajout possible de notre raison sociale : Les fossoyeurs du Rock. Un vote eut lieu, qui ne dégagea pas de majorité claire. Le nombre de pièces fit également l’objet d’une palabre. On se mit d’accord sur une cinquantaine de pièces réparties entre les deux « couleurs », l’ajout de la phrase choc fut entériné. Je proposai également à la troupe (nous sommes sept désormais) un engagement pour le 21 septembre, à l’occasion de la fête de départ à la retraite de mon ancien patron le Dr. Burelle. J’arguai que cela nous servirai de banc d’essai pour roder notre spectacle du 29 septembre. Pierrot déclara, bien sur, que nous ne serions pas prêts, mais une fois cette déclaration liminaire évacuée, je crus déceler une volonté commune de relever le défi. Je considère donc la proposition acceptée, sauf bien sur si je reçois le commentaire inverse en fin de la présente annale (hé hé).

La salle Jim Morrison nous accueillit enfin, sous l’impulsion d’Odile qui pour une fois prit Phil de vitesse ! la séance fut très satisfaisante pour tous, malgré des problèmes récurrents de réglages sonores dont pour une fois Pierrot fit les frais. La section chant fut en revanche irréprochable, surtout les choristes qui nous firent une démonstration de leur talent chorégraphique. Le duo Odile/Alain ondulant à l’unisson sur nos rythmes binaires fut un spectacle fort réjouissant, à tel point que je dus jouer de dos afin de ne pas constamment m’étouffer de rire ! J’ai hâte de les voir dans leur costume de scène (robe lamée très près du corps, sandalettes argent à talons hauts). Par contre, et pour faire référence aux poils dont la fonction énergétique a été explicitée plus haut, Alain devra faire un effort pour tondre son abondant potager corporel, il prendra des barres vitaminées pour compenser !
Une mention spéciale pour Jumping Jack Flash, dont j’ai réécouté la captation et qui très sincèrement a de la gueule. Les sucettes par contre ne sont pas encore sur orbite, si vous me permettez cette expression. Jouées initialement en « mi » elles rendent difficile l’interprétation dans les graves pour Odile. Elle va donc passer sur le Do avec l’aide de Pierrot afin de prendre les sucettes plus haut, et de moins forcer sur la gorge.

Vous le voyez, c’est très technique, mais l’aisance apparente est à ce prix.

8 commentaires:

Pascale a dit…

Aucun commentaire sur la technique dite de "se mettre sur le dos pour attaquer la sucette plus haut". Désolée.

The Undertakers 5 a dit…

vi... meme si j'ai une grande sensibilité tout au fond de moi même, je reste un homme ! et je ne résiste pas à la grivoiserie bien... fine ?

Pascale a dit…

A peine effleurée la grivoiserie... c'est comme ça qu'elle est la meilleure...

The Undertakers 5 a dit…

là en ce moment je suis au travail, devant mon bureau de souffrance, et je dois dire que lire tes commentaires primesautiers, c'est le rayon de soleil dans la sinistre grisaille de mon triste quotidien. lol. au fait mercredi soir chez le pascou et la catou, c'est concert. nous donnons un showcase devant un parterre trié sur le volet de mélomanes. j'espère que pascou t'a prévenue.

Pascale a dit…

Je suis passée entre les mailles du tamis. lol. Mais j'attends un compte-rendu circonstancié, avec moult détails dans le plus pur style de "the undertakers 5" ;-).

The Undertakers 5 a dit…

c'est pour ce soir ! je ne te cache pas qu'une certaine fébrilité commence à s'installer. d'autant que parmi les spectateurs il y aura le père d'Alain Jean, le comptable de l'impossible. Le dit père est un très grand pianiste et mélomane. Je pense qu'il risque d'éprouver un "choc thermique" à l'audition de notre petite formation. Ca devrait transformer à jamais son approche musicale !

Pascale a dit…

Il n'y a pas d'âge pour éduquer son oreille. Mais là, ne craignez-vous pas d'être accusés de paricide ? Je compte sur vous pour détourner son attention par l'offrande de mets délicats et de vis raffinés dont la valeur gustative le disputera au titrage en alcool.
Allez, vous allez faire un malheur ! (oops, terme malvenu...)

The Undertakers 5 a dit…

j'ai suivi ton conseil concernant le mélomane. je l'ai attaqué au champagne. et puis je l'ai terrassé par mes gesticulations et autres vociférations. quand on a terminé, il était en léger état de choc, mais toujours vaillant. il nous a promis d'ici une paire d'année, quand nous serons bien aguerris, de nous accompagner au clavier, pour peu que nous jouions plutot du jazz. Mais sommes nous capables de nous renier, et d'abandonner nos valeurs, même pour le père d'Alain ? j'en doute.. quoi qu'il en soit, ému, le paternel a oublié sa réserve naturelle en me gratifiant d'une généreuse accolade... mais je parlerai de lui un peu plus longuement dans la prochaine chronique pour faire une révélation à son sujet à coté de laquelle les déboires des coureurs du tour de France ne sont que péripéties insignifiantes.