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lundi 11 mars 2013

Pour en Savoir Plus sur les Moldaves : Soyez ATAWADAC, Soyez BYOD !


Je reconnais que depuis le début de l’année j’ai été avare en compte-rendu de répètes. Toujours ce récurant problème de collisions temporelles entre les activités extramusicales, qui bizarrement occupent la majorité de mon temps quotidien, et mon appétence pour ce blog et son entretien de chaque jour. Vous me répondrez que le temps, si on en a le réel désir, ça se trouve, et que le prétexte avancé plus haut s’apparente à celui de ces types qui affirment qu’ils se mettraient bien au triathlon –objet d’une passion sans limite- mais qu’hélas les obligations de tous ordres les en empêchent. Grâce à Dieu, je suis à l’abri de ce genre de passion.

Il est vrai que je ne suis pas un homme de routine. Je hais ce qui est répétitif, c’est une source de profond ennui pour moi. Le compte-rendu hebdomadaire rentre dans ce cas de figure imposée. En même temps cette routine abhorrée s’impose à moi par d’autre biais dans ce fameux et hypnotique triptyque inventé par les parisiens : métro-boulot-dodo. Les jours se succèdent, comme sortis d’un même moule, dans lequel je dois à mon tour me couler, anesthésié par un défilement de plus en plus stroboscopique des semaines, ponctuées, comme des bornes kilométriques entraperçues sur le bord de la route où on file à vive allure, par des week-ends fugaces. Au mitant de ma cinquième décennie, ce sont des dizaines de milliers de bornes que j’ai parcourues, avec parfois une certaine lassitude quant à leur affligeante similitude.

Heureusement, sur un plan macroscopique, la guerre au Mali, l’enlèvement d’otages en Mauritanie, Psy et son gangnam style équestre, les essais nucléaires en Corée du Nord, les exploits du Spicy Boy et du grand Zlatan au PSG, les soubresauts politiques dans les pays du Maghreb, le dernier bouquin sur DSK, l’Essor d’un comique populiste en Italie, la démission du Pape, La mort du Commandante Chavez, la récente fashion week, le scandale fleuve de la viande de cheval transylvanien itinérante et la réjouissante perspective de manger de nouveau des poissons nourris aux viandes animales aiguisent et entretiennent ma curiosité naturelle pour les choses du monde et m’apportent cette variété dont j’ai besoin.

Comment suis-je si bien informé des news of the world ? Parce que je suis un adepte d’une pratique grandissante : ATAWADAC ! C’est le charmant acronyme d’une expression anglosaxone : “Any Time, Anywhere, Any Device, Any Content”. Désormais mes infos je peux les recevoir en continu : n’importe quelle info, où et quand je le veux, sur n’importe quel terminal de lecture. C’est la mobilité et la dématérialisation de l’information qui révolutionnent nos habitudes. Plus besoin de se contraindre à la grand-messe du 20h pour en savoir plus sur Depardieu et ses pérégrinations Moldaves : on reçoit de ses nouvelles même aux toilettes : quel progrès ! Et comme en bon geek et manager éclairé j’ajoute le BYOD à l’ATAWADAC, même le temps de travail n’est pas épargné par le robinet à info. Pardon ? Le BYOD ? Oh ! Excusez-moi, je veux parler d’une nouvelle pratique qui consiste à utiliser son matériel informatique personnel au travail, qui vient s’insérer dans le réseau d’entreprise. BYOD : Bring Your Own Device, bien sûr.

















Ce téléphone portable qui prend des allures de couteau suisse, qui vous guide en forêt mais vous indique le plus proche bureau de tabac, qui prend votre pouls et garde un historique de tous les lieux que vous avez foulés, qui recueille vos états d’âme et restitue les moments les plus importants ( !), cet appareil miraculeux d’une centaine de grammes devient une extension de vous, le réceptacle de vos joies et vos peines, de vos émerveillements, de vos préoccupations, c’est votre ami, votre frère, votre confident, votre compagnon d’infortune ou de biture, il vous monte le chemin, vous ouvre la voie vers un autre niveau de perception, de réflexion, et préfigure une humanité 2.0 étonnante. Etonnante et effrayante : un individualisme poussé dans ses retranchements, inclus dans une socialisation  de façade qui frise l’imposture relationnelle. On se met en scène, on fait de sa vie un spectacle permanent, on s’expose, on se met à nu sans pudeur, dans une sorte de journal intime à ciel ouvert, une autofiction permanente dont on ne sait plus distinguer la fiction de la réalité. Une humanité fantasmatique, des relations théâtralisées, des milliards de messages insignifiants qui transitent parmi des pétaoctets d’images sans intérêt au sein d’un incommensurable réseau mondial, autant d’axones pointant vers des existences dérisoires à l’égo surdimensionné. Tant de génie, de technologies mises en œuvre, qui concourent à un foisonnement misérable d’informations inutiles à coups de lolcats et de vidéos monstrueuses à l’image de ce trentenaire canadien qui pour faire le buzz à endossé 120 personnalités différentes pour monter sur facebook une hystérie autour de la publication filmée du meurtre puis le dépeçage de son amant asiatique.

Mais qui sui-je, moi qui suis dans ce siècle, utilisant tous les outils mis à la disposition de multitudes asservies par le marché, pour me poser en gardien d’une éthique humaniste que je piétine allègrement par mon comportement consumériste ? Je suis l’un d’eux, pétri de contradiction, un de ces moralisateurs de comptoir qui s’enflamme à l’unisson, qui condamne sélectivement, qui censure avec véhémence mais à travers le filtre de ses préjugés, dont le discernement s’appuie sur des informations contrôlée, formatées, servies prêtes à digérer par des groupes aux objectifs mercantiles. Je participe de cette fuite en avant, de cette course désespérée de neuf milliards de lemmings vers la falaise douloureuse de leur extinction, entraînés par quelques meneurs déconnectés de la réalité, vivant en vase clos, à la vue court-termiste, myopes au simple combat du plus grand nombre pour se maintenir en vie.

Moi qui mets en scène la laborieuse progression des UFR, tentant de construire une légende là ou n’existe qu’un défoulement hebdomadaire je viens avec horreur de découvrir la montagne de temps que j’y ai consacré. Un rapide calcul : si j’estime avoir passé une trentaine de minutes en moyenne pour chaque message que j’ai publié j’arrive au résultat hallucinant de 30*1600 : 48000 minutes, soit 800 heures. Je ne parle même pas du temps que m’a pris l’écriture des textes divers, des commentaires, et les recherches variées sur le net. En fait si j’avais pris un nègre, je pense que j’aurais dû l’employer à plein temps durant un an ! Si je compte en gros 45 semaines de répètes par an, durant sept ans, à raison de deux heures par répète, plus la vingtaine de concerts avec toutes le manutentions associées, ainsi que les deux séjours en studio pour la production ( !) des CD, un rapide calcul m’amène à 800 heures de musique. J’ai consacré moins de temps à chanter qu’à écrire dessus !

C’est toute l’ironie de notre monde : on passe plus de temps, on gaspille plus d’énergie à parler de la vie qu’à la vivre. Bien sûr pour la paire de milliards de terriens qui ont du temps à consacrer à autre chose qu'à bouffer et pas crever !

On vit décidément une époque formidable !

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