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jeudi 17 novembre 2011

La Fois Où Phil Faillit Monter Sa Section Percus

Phil notre batteur ruminait ça depuis de longs mois : Le chanteur avait ses choristes, la pianiste caressait tout un  octave de ses doigts délicats et faisait du gringue au  Leader qui s'était adjoint un assistant au sax, les guitares formaient un cercle très fermé, et la basse refusait de jouer au tempo, jetant un suspicieux voile d'ombre sur le légendaire couple bass/batt. 
Le batteur se sentait isolé au sein du groupe. Il battait mélancoliquement sur les rocks les plus échevelés, son regard maussade se perdant dans le flou de la nuit qui filtrait sombrement au travers des vasistas de la Salle Jim Morrison, refoulant au fond de sa gorge des sanglots de frustration. La dépression, sournoisement, lentement, insidieusement, guettait telle la goule malfaisante tapie au fond de son repère d'aigreur.
Et puis il eut une idée : un casting de percus ! Lui aussi aurait sa section. Il fit paraître une annonce dans un périodique spécialisé et procéda à une série d'auditions. Il en écouta des centaines sur le fauteuil qu'il avait fabriqué lui même avec des tubes de cuivre et du béton vibré devant la table basse low-tech en tomettes d'asphalte du salon face à sa Ludwig : défilèrent en une litanie Prévertienne des grands et des gros, des vieux et des pubères, des virtuoses, des tripes , des hystériques, des stones, des gardois, des passants, des enthousiastes et des mondains. Et puis, alors qu'il désespérait et se résignait déjà à l'échec, deux jumelles se présentèrent et enflammèrent son corps cinquantenaire sur des rythmes simples :
Les Tambourine Twins.
Là il sut dès les premières mesures de leur reprise d'Ecolosong, sur le loooong solo de cymbales et de cloche musicale après le break de Pierrot, il sut de manière claire, avec l'acuité acérée que donne la certitude, que ce seraient elles et personne d'autre. 
Il congédia la trentaine de candidats qui attendaient encore leur tour dans la cuisine de Marie-Françoise qui les faisait patienter en leur servant des tartes tièdes au pralin arrosées de café fort. Il se leva et les félicita pour leur interprétation. Il questionna les demoiselles. Elles répondirent, parlèrent d'elles, de leur vie, de leur expérience, de leur rencontres, de leur passion. Une complicité s'établit.
Un petit ange passa ; quelqu'un, pour meubler, il sembla à Phil que c'était lui, dit : "voilà, voilà...
Elles s'enquirent des conditions d'engagement. Phil parla avec des trémolos dans la voix, en chuchotant mais avec emphase avec un rien de fébrile nervosité : il décrivit les concerts, les répètes, il mentionna notre deuxième CD de dans deux ans d'il y avait deux ans, il encensa le blog du groupe, tellement foisonnant, il glissa sur le trésor de guerre des UFR, cette cagnotte jalousement dissimulée entre deux bouquins sur une étagère de la SJM, il vanta la culture musicale du Barde, le génie du Leader -c'est un diamant, s'enflamma-t-il- et mentionna le montant du dernier cachet des UFR "plus les consos" précisa-t-il avec une certaine fierté. 
Il y eut un blanc. L'une des twins étouffa péniblement un petit rire, puis essuya une larme au coin d'un œil. "C'est bon de rire parfois, laissa-t-elle échapper.
"Bon, ben c'est pas le tout rompit l'autre, puis regardant sa montre : Oh là, là, comme le temps passe, on parle on parle, et puis on s'aperçoit pas que l'heure tourne ! faut qu'on y aille, on reste en contact, hein ? bisous et tout ça, au r'voir m'sieurs-dames, lança-t-elle à la cantonade. Dans un concert de tambourins elles s'éclipsèrent.

Bref : C'était la fois où le Carré tenta de recruter une section percus.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

apres de nombreux essais qui montraient bien ma bonne volonte a leur egard,je n'ai malheureusement pas pu garder les soeur tambourin qui etaient manifestement beaucoup plus douees pour la flute ou le pipeau que pour les percussions!!
dommage!!

phil le k

The Undertakers 5 a dit…

Merci, Le Carré pour ces explications, qui jettent un jour nouveau sur l'histoire. Je pensais qu'elles s'étaient enfuies pour cause de mauvaises conditions d'embauche, mais je vois que tu avais jetté toutes tes forces dans la bataille et n'avait pas hésité à payer de ta personne.
Et ça c'est tout à ton honneur.