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mardi 9 février 2010

Un Countriste et Un Croutiste au Pied du Mur

Nous fîmes mardi 2 février dernier, une nouvelle écoute critique d’une partie des titres enregistrés en live. Ce fut d’ailleurs une faveur qui se mérita car lors de mon arrivée à Ritchwood Hall je trouvai portail clos, ce qui est la règle, mais je ne pu non plus utiliser la sonnette, celle-ci étant cassée. Comme par ailleurs je n’avais pas de portable, je du jouer les monte-en-l’air pour escalader les imposantes portes d’acier qui protégeaient l’accès au château. Heureusement ma parfaite condition physique fit un petit exercice très attrayant –une mise en jambe- de ce qui aurait pu se présenter comme une épreuve eut égard à mon grand âge.

Jako dans le CD qu’il avait transmis à Poun, avait de nouveau mis en avant la voix, sans doute pour attirer mon attention sur tel ou tel de mes nombreux défauts : justesse, rythme, prononciation inappropriée, timbre, force, intelligibilité. Les membres du groupe étaient déjà présents, exceptés John, et Blanches Mains, l’un au ski et l’autre immobilisée par une sciatique du bras invalidante. Globalement nous fûmes satisfaits par la relative homogénéité de l’ensemble des titres que Jako avait bien voulu soumettre à notre appréciation. Poun et P. qui en avaient eu la primeur nous expliquèrent que c’était pour eux la troisième écoute, et que leur sentiment fluctuait, passant de la satisfaction à la déception. Pour l’heure le curseur se stabilisait sur : pas trop mal !

Pour avoir des éléments de comparaison, Poun ressortit le premier CD enregistré deux ans auparavant. Force fut de constater qu’en définitive ce dernier n’était pas si mal, et qu’en tout cas il était selon l’expression consacrée dans le groupe : « PQ » (propre et quarré). Ce qui nous frappa, par contre, ce fut la différence de tempo entre les deux époques. Il y a deux ans nous jouions sur une base rythmique beaucoup plus lente.

Afin de nous aider dans notre analyse, Poun inscrivait à mesure nos observations sur une feuille, en regard des titres. Les petites erreurs furent listées, on décida que je devrais réenregistrer la partie voix, et on fit un état des lieux des rajouts et modifications : piano, solos guitare, chœurs. Rien d’insurmontable, mais tout de même une somme assez conséquente de travaux à venir.

A l’issu de cette séance de travail, P. nous révéla qu’il avait fait une nouvelle acquisition sur eBay. Une guitare, mais pas n’importe quelle guitare, une Emperador des années 60. Il nous en montra les photos sur internet. J’ai gardé en mémoire un instrument magnifique, rutilant (c'est-à-dire de couleur rouge) doté d’un système assez original de quatre micros, interchangeables au moyen d’un sélecteur, bardé de pièces en acier patiné et de boutons divers qui lui donnent une allure de Cadillac sans ailes (une Cadiac, en fin de compte). Une curiosité, aux dires même de Pierrot, un objet rare, dans une production plutôt confidentielle d’un luthier japonais.

J’ai en effet par curiosité parcouru la toile afin de rechercher un modèle identique : Je n’en ai pas trouvé. Certains sont approchants, mais le dispositif très particulier de micros est unique. Egalement l’identification des frètes présente une singularité: la « frète 0 » est incrustée par une nacre, ce qui ne se voit jamais.
Nous attendons donc avec impatience que notre Leader reçoive l’instrument, afin de nous faire une idée plus précise de ce qu’il a dans le ventre (l’instrument..). En tous cas P. très soucieux de se démarquer de la concurrence, compte beaucoup dessus pour se fabriquer un « son » perso, identifiable, et dont l’écoute ne pourrait sans contestation possible qu’apporter la confirmation que ce sont bien les UFR qui jouent.

Le lendemain soir nous avions répondu « PrésEENNNNTSS!!! » à l’injonction de Jako, pour avancer un peu notre enregistrement. Jaune était au ski, Blanche était occise, Les options batterie et chœurs nous étaient donc fermées. La guitare rythmique, parfaite, ne nécessitait pas de retouche particulière, la basse et les solos guitares feraient l’objet d’un traitement séparé, la pianiste n’était pas en doigts : il ne restait plus que votre serviteur pour se livrer au difficile exercice de l’interprétation différée.

On m’installa très confortablement près de la vitre du studio, un pupitre en équilibre précaire supportant les textes. Le positionnement idéal devant le micro nécessita que je me tienne les genoux légèrement fléchis, la tête subtilement inclinée sur le coté, le visage à deux travers de doigts de la cloison, afin que selon Jako, l’instrument puisse capter toute la richesse de ma voix, notamment les indispensables sons de nez. Il est vrai qu’une cloison nasale déviée et une « oblongue capsule » tirant sur la gauche teintent irrémédiablement mon chant d’une tonalité à nulle autre pareille. Tout au long de ma prestation je pris garde également de m’arrimer avec force au câble du casque, qui présentait un léger faux contact. Je tirai régulièrement dessus, comme sur la laisse d’un chien capricieux afin de rétablir la continuité des torons de cuivres mis à rude épreuve par, j’imagine, une précédente chanteuse de heavy métal punk et parkinsonienne dont les déhanchements spasmodiques et les vitupérations larafabianesques eurent raison du dispositif de restitution sonore auriculaire.

Jako put au passage faire l’expérience de ma surdité : il me confia qu’il devait tourner le bouton de mon retour aux trois quarts de sa course, là où le commun des chanteurs n’en exige qu’un. Il y avait une autre explication à ce surdosage sonore : habitué depuis des mois à chanter dans un environnement particulièrement hostile, le son de ma voix me surprit ; je n’avais plus mes repères, j’éprouvais une gêne à n’entendre que moi, j’étais déstabilisé. Le retour artificiel des musiciens me tranquillisa et je pus mieux me concentrer sur ma partie.

Je me chauffai la voix longuement sur Ecolosong. Ma trop grande concentration et les tâtonnements de réglages du retour rendaient mon chant très impersonnel. Ma crainte d’en faire trop dans l’expression, et la lecture du texte m’ôtaient toute spontaniéité. Cependant à mesure des prises je pris mes marques, et petit à petit je me décontractai pour trouver le ton juste.

Pour nous aider dans cet enregistrement, Pascou avait amené ses notes, prises la veille rappelez-vous. Je me souviens l'avoir contemplé admirativement, alors qu'avec une application d'écolier, sa langue enfantine légèrement sortie, et le visage très concentré, il traduisait et fixait nos réflexions. Je comptais sur ces indications pour mieux cerner l'ampleur de ma tâche, et me réjouissais à l'avance de cette aide méthodologique.
Pour Ecolosong, Notre Ultrabassiste avait noté "plutôt bien", ce qui on en conviendra fut d'une aide précieuse pour la suite du travail !

Les membres du groupe étaient en cabine pour sanctionner mon interprétation, ce dont ils ne se privèrent pas. En particulier ils furent très attentifs à la compréhension du texte. Cela se manifesta plus précisément sur Docteur Bonheur. Lors de la prise live, le rythme imprimé par le couple basse-batt avait été très soutenu, et mon débit était supersonique. Jako déroulait la timeline phrase par phrase, soumettant mon interprétation à la critique de tous. Comme en prévision de cela j’avais chanté, de manière assez cocasse, en formant chaque mot avec mes lèvres, donnant le spectacle d’un sourd muet tentant de se faire comprendre d’un entendant en articulant laborieusement des onomatopées grotesques, jusqu'à me décrocher la mâchoire dans les passages les plus délicats, le résultat fut plutôt satisfaisant sous le regard hilare de mes spectateurs de l'autre coté de la vitre. Sauf pour une phrase : « Je regarde le clown triste au mur en face de moi ». Ils bloquèrent sur « clown triste ». L’un comprit « clou gris », un autre « countriste », et un troisième « croutiste ». Jésou quant à lui me suggéra de changer le texte et de chanter, à la place : « pompiste ». L’image de ce pauvre pompiste accroché au mur en face de moi me hanta durant les prises ultérieures, et j’eus le plus grand mal à contenir mon fou-rire chaque fois que je tentais de passer la phrase fatidique !

Je pus toutefois prendre ma revanche sur Pierrot, puisqu'il fit le solo d'harmonica de docteur B.
A son tour il connut les affres de l'angoisse, ce dont je me réjouis malgré une attitude hypocritement bienveillante et amicale.
Bien que ce fut parfait, je pris du plaisir à simuler le doute afin de l'obliger à recommencer. Ca fait toujours du bien de critiquer et de regarder les autres patauger dans l'incertitude.

Au final, à force de travail, je parvins à enregistrer la moitié des morceaux, cetifiés de ce fait kasher* (ou hallal)** par mes censeurs. Nous nous quittâmes donc plutôt satisfaits, mais avec le sentiment que c’était loin d’être gagné, si l’on considérait tout ce qu’il restait à faire.

Pour conclure, intrigué par le countriste et le croutiste, je fis une recherche dans Google. Les countristes sont des sortes de vttistes, et le croutiste est un peintre médiocre. En conséquence ce n’est pas si grave si je ne suis pas bien compris en concert, chacun pourra se faire une image mentale personnelle de ce qui est accroché au mur en face de moi, et il me semble que cela apportera une part de mystère supplémentaire qui ne devrait pas nuire à l’ensemble.

*Pour en savoir plus sur le vin kasher c'est ICI.

**Pour en savoir plus sur ce qui est halâl ou ne l'est pas, c'est .

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