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dimanche 28 avril 2013

Où l'On Apprend Que La Balance Y A Rien de Plus Simple : Suffit d'Un Ingé-Son et de Trois Techniciens de Plateau


On s'est retrouvé à 14h, Jésou son fils Bruno et moi, en l'absence du Leader pourtant à l'initiative de cette inscription à l'atelier Balance au Paloma. J'étais à la bourre lorsque j'ai pénétré dans l'immense espace de la grande salle de concert. Elle était plongée dans la pénombre, quelques spots nimbant d'une lumière blanche la scène au loin et l'imposante console de mixage près de l'entrée. Une grosse vingtaine de participants s'éparpillaient et convergeaient vers la scène où du matériel de musique était installé. De jeunes musiciens réglaient leurs instruments, avec des gestes professionnels et une espièglerie rafraichissante.

Les deux organisateurs de cet atelier -de bons trentenaires-  nous accueillirent, présentant son déroulement, distribuant un support papier de la session. A notre tour nous fûmes invités à nous présenter. Les participants étaient de tous âges et représentaient un vaste éventail des genres musicaux : du baleti en passant par le groupe folklorique jusqu'au rock métal. Certains groupes venaient de se former, d'autres étaient de vieux briscards de trente ans d'existence. Peu de filles toutefois. Mais l'une d'elles était batteuse. Il y avait les No Soucy, les Backsliders, les Nervous Breackdown, les Oranges sanguines…. et nous les Fossoyeurs que je présentai avec ma verve coutumière.

L'objectif de cet atelier était de nous montrer tous les aspects du réglage de la balance depuis l'arrivé du combo jusqu'au réglage final avant le concert. J'appris qu'on ne disait pas "matos" pour désigner l'ensemble du bordel qu'on doit se coltiner, décharger et installer sur le plateau, mais "backline", ce qui était tout de même plus classieux. 

En trois modules rythmés de pauses cigarettes, nous apprîmes tout sur les micros dynamiques et électrostatiques, leur alimentation fantôme. De la batterie, nous accordames les futs en prenant soin de le faire par les tirants homologues. Nous apprîmes qu'il était important de connaitre la note naturelle des futs en les dépouillant de leurs peaux et accastillage. Le plus souvent il étaient en mapple (érable). Nous notâmes que compte tenu du bordel règnant sur le plateau, il était préférable que le batteur règle puis monte sa batterie en coulisse afin de moins perturber les musiciens et les ingé-sons. J'imaginai notre Carré, assemblant sa batterie dans la rue devant le Fox Taverne… 

Nous apprimes que le son des futs étaient pourvus d'une sorte de traîne, comparable à la queue d'une comète et qu'il était important que cette queue ne soit pas trop longue. Pour raccourcir cette queue, responsable de vibrations parasites, nous apprîmes à coller des bandes de "gaffer" en accordéon, afin que les mauvaises fréquences s'évacuent. On prit le temps, grâce au batteur présent, de faire la différence entre le batteur éclairé, qui sait moduler sa frappe, et le batteur bourrin, qui à lui seul peut te niquer ta balance. Je compris en filigrane que le but de cette session était sans doute d'initier le musicien moyen aux délices des techniques du son, mais surtout qu'elle avait pour ambition de lui inculquer le respect pour cet être miraculeux, l'ingé-son, qui seul possède l'art de te faire entendre du public. Il est le médium entre toi et le fan, il convient de le ménager, de le caresser dans le sens du poil car son pouvoir de nuisance est incommensurable.

Nous notâmes dans cette optique, que la première chose à faire à l'arrivée du groupe était d'aller serrer la paluche des techniciens et des ingés-son afin de s'attirer leurs bonnes grâces. Je me pris à penser qu'à l'occasion, un billet habilement glissé au détour d'un handsake" ne pourrait qu'ajouter au niveau de convivialité attendu. Mais bien en amont de cette prise de contact, au moment des échanges de mail préalable, il était indispensable d'adresser au directeur technique du lieu de concert une fiche de patch recensant les matériels nécessaires au groupe, et une autre représentant la distribution des instruments sur la scène. Il était également préférable de joindre à ces fiches un descriptif des morceaux joués par le groupe ainsi que les réglages micro sur tel ou tel passage.  

On nous exhorta à régler le son des instruments et de leurs retours "avant tout en privilégiant le confort d'écoute de chacun" ; ce n'était qu'après qu'il convenait de se préoccuper de ce qu'entendrait le public. Nous plaçames les micros sur la batterie (une douzaine). A l'audition nous notâmes avec l'ingé-son que le son avait "un afterbeat assez crado et un peu gras accordé pop anglaise". D'une manière générale nous observames qu'il y avait énormément de termes anglais très ésotériques. On parla ainsi des "gates" qu'on nomme aussi "porte des résonances" en français, ce qui nous en apprit beaucoup plus sur leur usage. on aborda le problème de la compression. On attira notre attention sur le danger de la basse qui a tendance s'y on n'y prend garde, à tirer le son à elle. Il ne faut pas craindre "d'enlever du gras", sinon ses fréquences empâtent le son. On nous conseilla un 421 de chez Senheiser, micro polyvalent, utilisable pour les saxos également. 

Nous fîmes l'expérience du son directif des amplis de guitare. Sur de grandes scènes, il était préférable de les positionner en "side" afin de ne pas polluer le son de façade. On compara les avantages des amplis électroniques et "tout lampe" ces derniers plus chaleureux, présentant des défauts de puissance à haut régime. On régla le timbre, la "Disto" le niveau. Il était de la plus grande importance de bien connaître son ampli, ses réglages, la position des boutons. Par dessus tout, et même si certaines salles mettaient à disposition des amplis, il était préférable d'amener le sien "car un guitariste, seul, connait parfaitement son son. Je jetai un regard approbatif à Jésou…

Concernant les retours (que nous appelons dans notre jargon "bains de pieds") Il y en avait à profusion. Un par musicien, deux pour le chanteur (pour une fois que le chanteur n'était pas traité comme un membre de troisième zone !).
A ce stade, petit aparté : Les dimensions imposantes de la salle génèrent un phénomène de Delay dans les retours dont la cause serait due aux réflexions des sons sur le sol. Cela se perçoit quand on joue : le son des retours est légèrement décalé par rapport au son direct des instruments. C'est un peu déstabilisant. Semble-til ce problème se résout lorsque la salle est pleine.. A titre personnel, je ne comprends pas très bien l'explication donnée. étant donné que depuis les micro, le son capté voyage de manière électronique vers la console, puis est renvoyé vers les retours, je ne vois pas bien comment les réflexions sonores sur les surfaces de la salle pourraient influer sur le décalage des retours...

Mais c'était technique tout ça, nous autres artistes devions faire confiance aux techniciens pour tous ces détails. A ce propos un des ingés-son nous raconta une bonne blague sur les chanteurs et les bains de pied : "Le biais du chanteur, c'est qu'il aime bien qu'on mette beaucoup de délai sur son retour, ça lui permet de faire le paresseux, et de noyer dans l'artifice ses insuffisances vocales. Un peu comme le guitariste qui trafique sa disto pour faire illusion. donc très souvent au moment de la balance, le chanteur, et plus souvent encore la chanteuse, demande du Delay. Alors les ingés-son ne se privent pas de lui en balancer des tonnes si bien que le chanteur n'arrive plus à chanter. Ah ah !
On nous indiqua qu'il était préférable de se tenir à au moins un mètre du retour, et qu'il y avait des interactions vicieuses entre les micros de chant (fortement cardioïdes ) et les bains de pied. les micros accrochaient le son des retours, et c'était le drame : la boucle infernale, le Larsen ! pour éviter cet inconvénient, il suffisait de mettre le retour à 45° et non pas parallèle au bord du plateau..

De manière générale, nous expliqua plus tard l'homme de l'art, il est préférable de procéder de manière soustractive en amont, que de façon additive en aval. Il s'expliqua : "Je préfère laisser le maximum de fréquences à chacun au moment où il règle son son, plutôt que de lui demander de faire des réglages qui appauvrissent son signal. Il sera toujours temps, après, à la console, de gommer telle ou telle imperfection. Alors que si je m'aperçois par la suite qu'il manque du gras, j'aurai toutes les peines du monde à en rajouter.

Sur les boitiers de patch, sortes de multiprises pour câbles, nous apprimes les usages de branchement : par convention les multiples micros de la batterie occupent les premiers XLR, puis par ordre d'importance et de fréquence d'utilisation la basse, les guitares, le clavier, le saxo, le tambourin, la gimbarde, et enfin les choeurs et la voix principale. A ce propos on conseilla aux chanteurs d'utiliser un pied de micro droit, et non pas équipé d'une perche : "c'est plus rock'nroll et plus esthétique" ! L'ingé-son précisa que la fréquence des chanteurs était coupée (grâce au fameux "gate") en dessous des 120 Hertz. Mais que parfois, si l'igné-son estimait que le grain de la voix était intéressant, il pouvait ouvrir la porte pour "donner un peu de gras" à la voix. En mon fort intérieur, je me fis une note à moi-même, pour le prochain concert : "exiger de l'ingé-son qu'il laisse un peu de couenne à mon grain exceptionnel !"

On aborda, après le branchement et le repérage des micros et câbles -incroyablement plus aisé avec la participation de trois techniciens- la phase délicate du réglage de la balance. On nous invita à déambuler en salle et sur le plateau, afin de faire l'expérience des variations de perception des différents instruments en fonction de notre position dans le public. A ce propos on convint que tous les réglages effectués avant le concert étaient sérieusement remis en question par la présence en salle d'un public, "mais qu'heureusement l'ingé-son était là pour corriger ce problème" ! On passa derrière la console, dérivée de l'instrumentation mise en oeuvre par Matra pour équiper le pilotage du Rafale. Le magicien du son joua avec son clavier et ses potards, dans une symphonie de lumière préfigurant le prochain lightshow de David Guetta, isolant les fréquences parasites, débusquant le larsen, ravivant une charleston, bâillonnant un tom trop présomptueux. 

Au cours des réglages, on nous fit toucher du doigt les problèmes de communication entre musiciens et techniciens. Ainsi la droite du musicien est la gauche du technicien. De ce fait par convention, il était établi qu'en regardant la scène, la gauche se nommait "jardin" et la droite "cour". de même le musicien ne devant pas exprimer sa satisfaction par un pouce levé, au risque de voir ses tympans détruits par une brusque augmentation du niveau sonore de son instrument. A l'instar des plongeur, la satisfaction devait s'exprimer par un geste du pouce et de l'index formant un "o". les gestes de doigts levés ou baissés étant réservé aux souhaits d'un son plus ou moins fort. 

On termina ce panorama de la balance par un mini showcase du groupe qui avait prêté son concours pour cette session. Un combo hard rock. Moyenne d'âge : 18 ans. Un batteur excellent. un chanteur moyen. Un bruit épouvantable. Nous prîmes congé au bout de trois titres. Pour repartir on nous indiqua un chemin différent qui nos conduisit, derrière une porte coupe feu qu'on ne pouvait ouvrir de l'extérieur, au milieu d'un espace clos entourés de solides grilles de presque trois mètres. Aucun moyen de s'échapper, aucun moyen de rebrousser chemin. Piégés ! malgré la présence d'affichettes promettant une surveillance vidéo, et des gestes explicites de bras, ainsi que des cris de détresse, nous comprimes au bout de quelques minutes que nous devrions nous débrouiller seuls.

L'urgence attise l'imagination : Nous tirames une grosse poubelle le long de la grille, nous escaladames cet escabeau improvisé et parvinmes tant bien que mal par une réception approximative de l'autre coté, un peu essoufflés, mais libres ! Et parés pour la balance de notre prochain concert au Paloma.

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