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dimanche 18 mars 2012

Parfois, Il Faut Savoir Montrer Ses Muscles

Je viens de prendre conscience que je suis un athlète de haut niveau. Et si je devais faire une comparaison sportive, ma spécialité serait le biathlon. Avec une discipline olympique qui pourrait s’intituler « écriture et chant, position indifférente, à 25 centimètres, sans élan ». Par quel processus, cette prise de conscience ? Je dirais par une démonstration « en creux ». Durant plus d’un mois je n’ai pratiqué ni l’un ni l’autre de ces deux sports car j’ai été éloigné du terrain par une terrible souffrance qui m’a cloué sur mon lit de douleur durant plusieurs semaines. Comme tous les sportifs de haut niveau j’ai constaté une perte importante de tonus due à un manque cruel d’entrainement et de motivation comme si mes muscles s’étaient atrophiés durant cette période d’indisponibilité.

Ainsi l’écriture m’est devenue pénible, laborieuse. Moi qui était le recordman de la page A4 et qui « passait » sans difficulté en routine cette distance autrefois, je peine désormais à enchaîner les paragraphes, butant sur les transitions comme un coureur se prendrait les pieds dans les haies du 110m, éprouvant les pires difficultés à manier quelque subjonctif que ce soit. Mon discours manque de cohérence, les idées s’évaporent . Je les lance sans précision dans des ellipses malhabiles et je sens bien qu’elles ratent leur cible là où jadis elles atterrissaient par rafales en plein cœur, touchant le lecteur au plus profond de ses émotions.

De même les muscles de ma gorge sont comme tétanisés dès que je pousse un peu la voix : je rame à contre-courant pour remonter l’octave et reste encalminé bien en deçà des possibilités vocales qui faisaient ma réputation. Je rappelle qu’on me surnomme dans le milieu, le Roberto Alagna du Rock n’Roll. Me retrouver ainsi en difficultés, moi qui soutenait de mon organe puissant le travail des musiciens, qui telle l’étoile du berger illuminait le ciel des répètes dans les moments de doutes et d’errances musicales, me plonge dans un profond désarroi. Il m’est difficile de constater, moi qui suis un compétiteur, une bête de scène, que je ne peux plus jouer à fond le rôle qui est le mien, cette charge qui pèse sur mes épaules depuis toutes ces années, que j’ai acceptée à contre cœur dans un premier temps, puis que j’ai fait mienne et que je porte désormais à l’instar d’un étendard agité au vent de ma fierté.

Cet étendard, oriflamme de mon patriotisme musical, je l’ai brandi à nouveau lors de la dernière répète du mercredi. La fois précédente déjà j’avais fais un gros travail de débrouillage au niveau du texte de la chanson proposée par le Barde : L’homme Pressé des Noir Désir. Hélas mes compagnons n’étaient par prêts alors à relever ce défi : la pression de la vie, le stress du travail, les obligations familiales et professionnelles ont été autant de frein à leur enthousiasme. Pour faire simple : ils n’avaient rien foutu. Ce n’est pas un jugement de valeur, simplement un constat : il y a des engagements qui ne sont pas tous de la même trempe. Il est des feux qui brasillent faiblement sous la cendre accumulée, il en est d'autres qui flamboient joyeusement sur le brasier des passions.

Mais mercredi chacun avait bossé sa partie et nous avons pu entamer le lent travail de défrichage et d’appropriation qui préside à cet exercice périlleux qui consiste à restituer l’âme d’un titre écrit et interprété par d’autres. La « reprise » est toujours une entreprise délicate. Objectivement on devrait jouer sur du velours : les auteurs ont su toucher le cœur d’un public, et par définition nous ne leur empruntons que des succès et donc des valeurs sures. Cependant il est de notre responsabilité de massacrer intelligemment notre version afin d’apporter un plus à l’œuvre. Nous ne sommes pas des copistes : nous sommes des enlumineurs ! On se souviendra de nos « covers » de Jumping Jack Flash, ou Sweet Home Alabama qui de l’avis de tous ont transcendé l’original au point que parfois certains nous demandent comment, dans quelles conditions, nous les avons écrites.

La séance d’une heure et demi hebdomadaire a été toute entière consacrée à « l’homme pressé ». Comme toujours nous avons compté les mesures, identifié les breaks, repéré les changements d’accords ; P. notre Leader a pris la peine d'écouter sur Youtube l'original afin de s'imprégner de l'esprit du titre, et nous avons patiemment déroulé le fil du texte, introduit une partie de piano. Ce n’est qu’au bout de plusieurs tentatives que nous avons pu nous poser quelques instant pour contempler le chemin parcouru avec un rien d'espoir quant au futur de ce morceau et sa possible intégration à notre répertoire avec tout de même un bémol de la part du Carré, looiiiiiiin d'être convaincu par le choix même du morceau (si l'on fait abstraction de ses doutes quant à la qualité de l'interprétation).
A mesure du déroulement de cette séance, le souci a été pour moi qu’au moment ou j'ai fini par me mettre le texte en bouche (métaphoriquement) : c'est à dire au bout de cinq ou six tentatives, je suis devenu quasiment aphone. Erreur de débutant : j’avais attaqué bille en tête dans une tonalité trop aigüe, sans exercice préalable. Après deux ou trois tentatives passables vocalement mais tragiques dans la scansion j’ai ressenti ces picotements et ce pincement du larynx annonciateurs de blocages. Je connais les symptômes : La gorge se ressere, se tapisse de papier de verre, les muscles du cou deviennent douloureux, les machoires peinent à articuler et frisent le trismus, la respiration se réduit à un filet d'air et on a l'impression d'être dans une panda à fond de seconde, incapable de passer la troisième, dans le dépassement difficile d'un semi remorque sur une piste de montagne : on talonne désespérément malgré les efforts les plus désespérés, le moteur en surrégime. Une crampe, tout bêtement !
Je suis convaincu d'ailleurs que ce n'est pas la bonne manière pour moi d'interpréter ce texte. dans cette tonalité exotique pour moi, je dois mettre beaucoup plus de puissance pour porter ma voix, je gaspille de l'air et je me retrouve essoufflé au milieu de couplets interminables qui laissent peu de place aux respirations. Et puis en définitive je verrais bien l'homme pressé d'une manière différente.. Les Noir Désir le chantent comme un protestsong, hurlant froidement leur rage pour dénoncer un système -une sorte de clone du Antisocial de Trust dans les années 70-. Quand à moi je préfère incarner véritablement cet homme pressé, installé dans la classe supérieure, profiteur, opportuniste, méprisant, cynique. Ce gars-là est à l'aise, il n'a aucun remord, il se complait dans son privilège et son élitisme : pourquoi hurlerait-il ? je le vois plutot chanter sereinement, avec un certain détachement amusé.
Mais déjà, tout cela est de l'histoire ancienne. Sitôt proposé : sitôt consommé ! Le vent de l"histoire des UFR balaye les scories des titres à peine entamés. L'homme pressé tel un météore musical va céder la place ! On passe à autre chose : pour la prochaine répète on travaillera ''I feel good" .
Mais là je suis un peu malhonnête : Si nous passons à James brown, c'est parce que notre Sax Symbol Jean-Paul sera des notres ce prochain mercredi.
D'ici là, je vais continuer le difficile entraînement de chant et d'écriture, afin de retrouver mon niveau mondial.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

T"as raison "Alagna l'enlumineur": au turbin !
P.roc