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mardi 25 janvier 2011

Les Guitares Improbables de P.

P. est un rebelle. Bien sur pour l’instant, il a légèrement mis en veilleuse cet aspect de sa personnalité complexe. Il est en "stand bye". Un peu rangé des voitures il ronge son frein en tentant d’animer l’atelier musique d’un groupe du troisième âge. C’est son truc à P. de vouloir élever les gens afin de les rendre meilleurs, de les amener à un sursaut culturel par le biais d’outils pédagogiques de toutes natures. Le dernier en date est un atelier « rock » ! Mon Dieu... Qu’est-ce-qu’il ne va pas chercher, et surtout : que va-t-il nous inventer après ?

Il sait que ce n’est pas facile de maintenir les seniors « aware » et que le défi est de taille. Depuis quatre ans il s’emploie avec une constance qui confine à l’acharnement thérapeutique à inculquer à une bande d’amateurs les rudiments d’un travail musical de groupe avec cette discipline nécessaire qui entretient les fonctions cognitives. Il n'oublie pas qu'il est infirmier et qu'il est toujours sensibles aux théories d'Emmanuel Comte, le spécialiste de la musicothérapie tellement bénéfique dans le soin à la personne âgée dans son approche palliative.

Les « répètes » constituent les temps forts de son action gérontophile. A chacune d’entre elles, il espère avec la conviction des passionnés, qu’enfin ses élèves auront le « déclic » et qu’au moins une fois il y aura ce moment de grâce où ils joueront « ensemble ». Las, il lui faut bien admettre, tandis qu’il peine à entraîner cette bande improbable sur les chemins de l'éveil artistique, que de plus en plus il doute d’une issue favorable au drame pitoyable qui se joue chaque semaine depuis quatre longues années devant ses yeux.

C’est dans ces moments de doute qu’il s’évade et vagabonde sur la route 66, quelque part au States, entre Tulsa et Albuquerque. Il s’imagine au volant de son pick up, avalant les miles entre deux concerts en compagnie de vieux routiers américains, mercenaires de studios ou virtuoses de tournées. Il lui semble même que s’il y prête attention il surprendra quelques anecdotes sur une de ces gloires du rock qu’il admire tant et dont il chérit le souvenir.

Dans ces rêveries il tire derrière son camion une de ces caravanes Airstream de légende, en alu riveté, aux courbes douces, étincelantes sous le soleil qui éclaire les plaines interminables du Midwest, carrossées comme la carlingue d’un Super Constellation le quadrimoteur des années cinquante de chez Lockheed. Le vacarme qui l’entoure s’estompe alors.

Il ferme les yeux, et se lance dans une impro délicate et inspirée, parcourant avec aisance les gammes pentatoniques, insensible désormais aux approximatives errances de ses laborieux étudiants. Il sourit insensible au spectacle un peu vain des doigts brandis et des invectives de matamores des EHPAD.

Ses doigts caressent avec tendresse sa nouvelle guitare à la caisse de mobil home.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je te remercie pour la pugnacité que tu déploies pour magnifier ma modeste existence.
Tu maîtrises l’art d’embellir le morose, de sublimer le commun, d’iriser la grisaille du quotidien, de recouvrir pudiquement d’un voile poétique la vilainie et la mocheture ambiante.
Cela dit, dans le cadre de nos ateliers de stimulation cognitive, et dans l’esprit oulipienne chère à Queneau, j’aurais besoin d’un texte de six couplets de six vers de six pieds pour un boggie-blues en préparation.
Contrainte légère donc, avec sujet libre.
Je relève les copies dans une heure.
P.astashoot

Anonyme a dit…

Et oui, vous l'avez remarqué, pour moi, l'esprit est féminin comme la biroute est masculine.
P.ush

Anonyme a dit…

Gros bisous à ODILE de la part de son choriste préféré et plein de bonnes choses.
Lebaoulindadecamplanier

Anonyme a dit…

Ah oui j'avais oublié:
Pierrot un bon conseil ,attention aux vieux routiers américains qui trainent sur la route 66....
tu vas avoir les yeux qui piquent.
lebaoulindaancieninternedelafacultédemedecinedenimes.