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dimanche 10 juin 2007

A l'Américaine ( samedi 9 juin)

On était en panne de batterie. On avait bien un dispositif de substitution ces derniers mois, mais dont les évolutions successives ne nous satisfaisaient pas pleinement.
Comment, la demoiselle devant ?
« …vous aussi vous avez eu des problèmes pour démarrer votre clio récemment ?
« mais je ne parle pas de batterie d’accumulateurs !
« je parle de batterie pour faire du bruit.

Phil a acheté par le biais d’internet une batterie complète et neuve de fabrication chinoise pour 150 euros.
Il l’a installée ce samedi après-midi. Elle est d’un vert profond ; tout le nécessaire est présent, même le siège. Il s’est empressé de la customiser en découpant un large disque dans la grosse caisse et en garnissant sa base d’une couverture afin d’en diminuer et assourdir le bruit.
D’après lui, les baguettes ne sont pas top, ce qui est un peu normal, elles sont chinoises, donc certainement plus aptes à saisir de la nourriture qu’à rythmer un rock.
Pour Pascou, qui confondait la charleston et la caisse claire, voici une représentation des divers instruments qui composent une batterie standard.

Alors, à ce stade, si vous avez été des assidus de mes chroniques, vous aurez remarqué un changement très important dans leur forme. Je vous laisse chercher….(patientez 10 minutes pour faire celui qui cherche, buvez un café, allez pisser, fumez une cigarette, zapouillez un moment sur XXL, puis reprenez la lecture) Pourtant ça crève les yeux. Non ? vous ne voyez pas ? relisez une des textes plus anciens. Je vous mets sur la voie, c’est grammatical. Bon, allez, c’est au niveau de la conjugaison : la majeure partie de mes textes sont délibérément écrit au présent de l’indicatif. Un ancien Maître de la communale me disait toujours : si tu veux raconter une histoire, ne t’embête pas à mélanger les temps, le présent suffit. Du coup plus de problème de concordance des temps et de questionnement sur telle ou telle terminaison. Ça a été une révélation : Tout au présent ! J’aime bien le présent. Les anglosaxons, eux, utilisent volontiers le passé simple, le prétérit comme ils disent, ça confère au récit un caractère plus dramatique qui convient très bien au thriller,

dans le style de ceci :

« C’est alors que je me levai d’un bond, vidai d’un trait le verre de limoncello que je tenais dans la main droite jusqu’ici. Une chaleur froide coula le long de mon œsophage et j’eu une pensée émue pour Sylvie qui en avait longuement pressé les fruits oblongs et juteux le matin même devant son Jésou tandisqu’il lui jouait, nu, l’aria du Stabat Mater de Mendelsohn sur sa Fender Stratocaster. Sa main se déplaçait langoureusement sur son long manche, sous les yeux humide de son épouse chavirée, tandis que le jus jaillissait des fruits au rythme des staccato de Jésou désormais en transe, loin du monde, comme tout entier saisi par l’ambiance onirique du lieu chargé d’histoire : la table de la cuisine.

Écrasant nerveusement ma cigarette que j’avais roulée d’une main, j’exhalai une dernière bouffée de fumée qui fut rapidement dissipée dans les cintres sous l’effet puissant des gigantesques ventilateurs qui rafraîchissaient la salle. J’essuyai la sueur qui déjà perlait à mon front, comme la buée sur le verre de rosé de la table dominicale. Je saisis le micro, et d’une voix puissante lançai : Paris Bordeaux Le Mans ! Mes paroles jaillirent des deux haut-parleurs de l’ampli de scène, un Marshall à lampes de deux fois cent cinquante watts efficaces fonctionnant en classe A. Mes compagnons, médusés, firent silence et se recueillirent un court instant, faisant le vide à l’intérieur d’eux même.

Je vis Pascou faire discrètement le signe de croix puis porter à sa bouche la médaille que lui avait offerte Cathou et qui contenait une rognure d’ongle de Saint Balles, le patron des musiciens. Phil, jetant un coup d’œil, sut que j’étais prêt, et d’un signe de tête m’en accusa réception, regardant tour à tour Pierrot Pascou et Jésou. De quatre coups de ses mythiques baguettes chinoises, les bras levés au ciel comme en une imploration muette, il marqua le tempo.Sous l’effet des 150 bits par secondes, la guitare rageuse de Pierrot feula, comme saisie d’une vie propre. Le Pascou, les yeux déjà fermés, le sourire serein de « celui qui sait » aux lèvres, lança sa ligne de basse agrémentée de grooves et de fills, tandis que Jésou, se levant de son transat se rapprocha jusqu’à toucher son ampli. Les ondes sonores faisaient onduler son T-shirt noir marqué du logo des Undertakers : une tête de mort flanqués d’une guitare et d’une pelle. Il scanda les variations sauvages d’un Pierrot déchaîné. Le tatouage tribal, à son bras droit, semblait animé d’une vie propre et appeler sur lui la fureur des Dieux Maori.

Je SUS, que c’était le moment, et de ma gorge Jaillit un hurlement de bête qui déclencha un frisson extatique dans l’assistance. Dans la pénombre, tout en bas, parmi les corps rassemblés, je perçus un mouvement de foule : On me raconta après qu’une étudiante n’avait pu se contenir et tenta de mettre fin à ses jours en avalant son tube de rouge à lèvres.. Le déchaînement sonore était à son comble, les décibels, tels un torrent impétueux jaillissaient des Baffles en vagues tsunamiques, puis refluaient, abandonnant l’assistance hébétée, comme le ressac de la mer la plage fragile.
La partie était gagnée, les Undertakers, enfin, avaient envoyé leur message Urbi et Orbi, et désormais leur destin ne leur appartenait plus.

Voila. C’est pour ça que la littérature française m’ennuie parfois. On ne peut pas lutter contre le souffle épique qui se dégage d’une « novel». On sent que c’est écrit dans le but d’être facilement transposable par le scénariste. C’est cinématographique, visuel, c’est plein de détails quasi cliniques, on se représente sans problème la situation : c’est ludique.

L’après-midi a passé très vite, d’autant qu’un ennui mécanique d’Elodie et une invitation à un mariage en début de soirée en accéléra l’issue. Mais nous avons efficacement pu travailler ce que nous appelons les C² (chansons connues) qui bénéficièrent de l’écoute critique de Phil. Nous avons ainsi pu régler les volumes relatifs de nos voix lors des chœurs, ainsi que leur justesse. Et puis nous nous sommes rendus dans l’auditorium de Pascou afin de réécouter whatever et Prout Mary dans leur version originale. Cela nous a permis de bien nous imprégner du style de nos aînés, même si notre but n’est pas de tout simplement copier les originaux mais bien de leur conférer notre « Patte Undertakers ». Phil nous a indiqué qu’il ne pourrait se joindre à nous qu’un jour par semaine, d’autant qu’il doit monter et démonter à chaque fois son matériel. Ce qui me conforte dans mon choix d’avoir choisi la voix comme instrument !

Ainsi se déroulent nos répétitions, bravant les frimas, franchissant les saisons. Bientôt l’heure de la moisson… de succès ?

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