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mardi 8 juin 2010

Oxbrdge II : Première Partie

Il y avait une légère appréhension, pour ma part, à l’idée d’aborder le deuxième opus de nos concerts à l’Oxbridge Inn, rue Porte d’ Ales. Notre session de décembre 2009 avait été agréable et nous avions recueilli des commentaires plutôt amènes, avec le sentiment général de nous en être sortis avec les honneurs. Comme souvent en pareil cas, un peu à l’instar des séquelles de films qui ont remporté un succès fut-il d’estime, on est toujours inquiet de ce que va donner l’épisode II. On a peur que cela devienne une caricature de l’original, ou que ça tourne à vide dans une exploitation irraisonnée d’un filon inattendu, d’autant qu’on ne bénéficie plus de l’effet de surprise obtenu par la version I.
Ainsi, même si les cinq épisodes d'Alien pour leur majorité n’ont pas eu à démériter, rien ne remplace dans mon cœur le premier de la série, notamment la sensuelle scène des sous vêtement Petit Bateau kaki de Sigourney Weather dans la capsule de survie sous l’œil torve et concupiscent de la créature lovée derrière la tuyauterie, dont je n’ai eu de cesse de guetter le retour dans les moutures suivantes.

Cependant pour tempérer mon malaise, j’étais conscient que nous jouions en terrain connu, devant un public a priori bien disposé à notre égard, constitué d’irréductibles sympathisants accompagnés de leurs amis parents et alliés. Point trop de risques en la circonstance il faut bien l’admettre, ce qui correspondait d’ailleurs au cahier des charges défini désormais par P. pour nos apparitions publiques, qu’on peut résumer dans cette « Règle des Trois Pas » :

Pas loin. Pas devant des inconnus. Pas gratuit.

Pour rester dans l’analogie cinématographique, on se retrouvait dans la situation de ces acteurs du film « Rocky Horror Picture Show » dont tout le monde s’accordait à admettre l’indigence du scénario, et la kitchissime mise en scène, mais dont le jeu déjanté des acteurs sur une bande originale seventies et la possibilité pour le public inconditionnel d’en déclamer les savoureuses répliques comme on reprend un refrain, suffisaient à sauver la production d’un naufrage assuré et consacrait au fil du temps la cultitude de cet objet inclassable dont les projections successives drainaient une population de fidèles venus là moins pour le film que pour partager un moment.

C’est pourquoi j’ai le sentiment que nos concerts deviennent une sorte de rendez-vous prétexte permettant à nos amis de se retrouver ensemble dans une ambiance festive. Ils connaissent les morceaux maintenant et avec une distance bon enfant acceptent de faire « comme-si » : comme si c’était un vrai groupe avec de vrais morceaux de musiciens dedans et un truc qu’on appelle le chanteur en guise de cerise indigeste sur le dessus.

Cependant ce concert bénéficia d’une longue préparation puisque trois répétitions lui furent consacrées. Elles ne furent d’ailleurs pas de trop, surtout que deux de nos morceaux Oublie et Le Cochon avaient subi un sérieux lifting pour le premier et de multiples réajustements pour le second. Et puis nous avions longuement réfléchi à l’enchaînement des titres car lors de la session Oxbridge I, nous avions assez radicalement établi une ségrégation, un apartheid entre les compos et les reprises. Pour le Mas Merlet, nous avions noté que cela entraînait un long tunnel de compos propre peut-être à lasser notre auditoire. Ainsi, prenant pour base la playlist Oxbridge I avions-nous intercalé Le Sautillant Jack en quatrième position et introduit le Cochon dans le bouquet final afin de dynamiser un peu l’ensemble. On le voit c’est donc un bouleversement complet de notre stratégie qui fut opéré, et ce en un temps record, puisque dans les fait la décision fut prise à la lueur des iphones en trois griffonnages hâtifs, une minute vingt-cinq chrono après la sortie de répète entre la cigarette et la montée en voiture.


Mais en attendant de savoir si nous avions eu raison, c’est vers 19h30 que je retrouvai Jésou à l’Impasse des Clématite pour charger le matériel restant avant de prendre le chemin de la rue Porte d’Ales. Le reste du groupe moins Pierrot était déjà présent sur les lieux, qui avait organisé une noria entre les véhicules et la petite salle du fond, scène de notre future exhibition. Je pus me garer à dix mètres de l’entrée, ce qui constitua un exploit dont j’aurais aimé qu’il puisse être salué par le Guiness des Records, tant il est illusoire d’espérer trouver dans cette rue une place à moins de cent yards.

De nouveau nous ressentions la calme fébrilité de la mise en place, nos chemins se croisant en un apparent désordre, mais chacun accomplissant sa tâche selon un schéma finalement réglé comme du papier à musique. Cela nous pris une petite demi-heure pour relier les différents dispositifs et accomplir un premier réglage tandis qu’à son tour notre Leader investissait le lieu et prenait sa place.

Christian, le propriétaire s’était approché pour nous donner ses dernières recommandations : « La dame du haut commence à se plaindre du bruit, d’autant que c’est le troisième vendredi d’affilé que je reçois des groupes » précisa-t-il, « Cette dame se couche assez tôt, vers 22h, et il lui faut un quart d’heure pour s’endormir ; passé ce cap, on peut faire tout le bruit qu’on veut : elle dort comme un sonneur, et on peut se lâcher ! ». « Donc, conclut-il, Si vous pouviez baisser le son pour commencer, surtout la basse et la batterie, ça serait très bien, parce que sinon, hors de cette fenêtre de tir, elle ne peut plus dormir, et elle râle ! ». Nous l’assurâmes de notre bonne volonté, lui expliquant qu’il avait devant lui les « nouveaux UFR » qui n’aspiraient qu’à jouer un ton en dessous pour améliorer l’intelligibilité de leur message et effacer autant que faire se pouvait cette regrettable image brouillonne qui leur collait aux basques depuis certains dramatiques concerts.

Mais il était déjà près de 21h et nous fumions une cigarette sur le trottoir, prenant un petit temps de pause dans la tiédeur vespérale quand la patronne nous invita à nous asseoir à la table dressée à l’intérieur pour l’orchestre. On avait déjà disposé à notre intention un grand plat de crudités et un volumineux saladier de spaghettis façon bolognaise. Sauf que dans mes souvenirs, dont le dernier n’était pas si lointain, la viande hachée était mélangée à la sauce. Point de ce genre de mignardise ici : sur les pates trônaient six gros steaks hachés nappés de sauce tomate. Un vin blanc frais avait été servi, qui nous permit d’engloutir assez rapidement ce repas très roboratif qui fut comme une ode aux sucres lents et nous laissa un peu pantelants.

C’est vers ce moment que Philou nous rejoignit et que dans un joyeux babil nous laissâmes agréablement le temps filer, heureux d’être ensemble et de partager ce moment d’intimité avant que les premiers arrivants ne viennent briser cet instant de grâce éphémère et ne sonnent par là-même le début des hostilités…

Mais ceci est une autre histoire….

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