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mercredi 29 août 2012

De L'Annulation In Extremis d'Un Concert


L’été se termine doucettement. Les uns et les autres sont partis, puis revenus de leurs lieux de vacances, et ont repris leurs activités quotidiennes. Le cycle de la vie se perpétue, la succession des saisons en rythme le déroulement sur un tempo de plus en plus rapide à ma perception cinquantenaire. Ainsi de nouvelles olympiades se sont déroulées renvoyant dans les limbes de l’histoire sportive les jeux de Pékin dont j’avais le sentiment qu’elles s’étaient déroulées hier.

On aura vu James Bond escorter Elisabeth jusqu’à son hélicoptère avant qu’elle ne saute en parachute au dessus du stade et Paul McCartney peiner pour donner encore l’illusion qu’il est un éternel adolescent à soixante dix ans. Nos athlètes ont « tout donné » et ont « tout lâché » et sont tombés sur de « sacrés clients », éléments de langages bien rodés. Consolation des perdants à défaut d’accrocher la troisième marche du podium. Moisson standard de médailles faisant la part belle à des disciplines confidentielles , plaisantes au demeurant, comme par exemple ce match Allemagne-Brésil de beach volley. Emotions, pleurs, joies... ces évènements ont accompagné mes vacances d’août comme un contrepoint à la nature environnante qui m’apaisait.
Deux Armstrong ont fait la Une : l’un s’est dopé, l’autre est mort. Ce dernier rappelant à ma mémoire ce soir de juillet 69 ou bouche bée je voyais en direct l’histoire s’inscrire. Je me suis pris à rêver d'un gosse du XVème siècle les yeux écarquillés devant  l'image tremblotante de l’accostage sur une côte insulaire des caraïbes d’un certain Colomb.. "One step for man, one génocide for mankind" aurait prophétisé le grand homme la voix étrangement lointaine et déformée, ponctuée par les bips de transmission.

Un président normal s’est reposé à Brégançon s’attachant à s’inscrire en négatif sur l’image présidentielle déjà jaunie de son prédécesseur qui jetsettait à quelques kilomètres.
Mais pour moi l’évènement majeur de cet été est beaucoup plus personnel : Ma studiomobile, mon camion rutilant et son légendaire pare-vachettes chromé, mon Pajero Sport Mitsubishi et ses deux tonnes deux de puissance brute ne sont plus. Victime d’une paralysie fulgurante du système de transmission après treize ans d’existence. Cette machine somptueuse qu’un Botero aurait pu fixer sur une toile a rejoint pour quelques centaines d’euros le paradis des 4*4. Abandonnée sur le parking d’un garagiste, vendu à l’encan, bradée, reniée. Je me faisais l’effet d’un sinistre traitre. On ne partage la vie d’une telle monture durant dix ans sans éprouver une tristesse navrée pour ce compagnon irréprochable de nos joies et des nos peines. « Le camion » faisait partie de la famille ! A la place, nous avons jeté notre dévolu (à quoi ça ressemble un dévolu ?) sur un petit gabarit plein de fraîcheur, un petit SUV du pauvre en livrée sombre et tendance, vif et malin, et surtout d’une incroyable sobriété. Un Sandero Stepway. La dame de chez Dacia nous a accueillis comme des princes arabes, nous offrant mille petites choses pour nous remercier de notre choix, jusqu’à une bouteille de champagne que nous avons bue en amoureux en contemplant au soir déclinant le village des Justes enchâssé de verdure sur les hauteurs de la Loire. Muni d'une blue touffe, et d'un lecteur MP3 de série, nul doute que ce nouveau studiomobile m'aidera dans mes répètes routières...

Pendant ce temps la pianiste, le leader et le batteur V1.0 on parcouru à moto les lacets alpins Suisse et Italien.
Le Carré s’est retiré dans ses terres, le Bassiste n’est pas allé à Amsterdam ; Le Barde a compté ses chiens, quant au saxophoniste j’ai perdu la trace de ses pérégrinations estivales.

Sur le plan musical des UFR, puisqu’en l’occurrence c’est un peu ce qui nous intéresse dans cette tribune, après la réussite du dernier opus du Family Tour « Solex Edition », un défi nous était lancé par Eric M. Il nous voulait absolument pour la célébration de l’anniversaire de son mariage avec Lydie, qu’il associait à ses cinquante ans révolus et son nouveau status de grand-père (saluons la venue au monde de Louane).

Sur le principe nous avions donné notre accord pour un petit concert. Mais il y avait un problème de taille : Le Carré serait absent pour la date prévue : le 25 août. Comme Jérôme I, l’homme à principe (d’Eisenberg), avait participé au bœuf qui avait fait suite à ce fameux concert Solex, nous lui avions proposé de remplacer Phil. Jérôme, un peu hésitant au départ nous avait donné son accord. Il nous restait un mois –quatre répètes- pour nous mettre en ordre de marche. Pour ne pas trop compliquer les choses nous avions initialement décidé de reprendre la playlist du concert Solex : une douzaine de titres. Elle était éprouvée, faisait la part belle aux reprises et donc selon nous conviendrait parfaitement à un public hétérogène en terme de provenance, d’âge et de culture musicale.

Nous avons donc abordé la première répète assez confiants, la fleur au fusil en quelque sorte. C’était pour nous une formalité qui permettrait à chacun de maintenir son niveau de préparation et à tous d’intégrer rapidement dans l’équipe un nouvel élément.

C’était sans compter avec le caractère fondamental de l’élément en question : la batterie, c'est-à-dire la colonne vertébrale du groupe, qui marque le tempo, auquel chaque musicien se réfère. Phil nous a habitué à un luxe musical auquel nous ne faisons plus attention tant il nous parait évident : la régularité. Même lorsque nous déchiffrons un nouveau morceau, si nous tâtonnons pour trouver les accords ou le bon phrasé, c’est pour nous une évidence que Le Carré n’aura aucun problème. On démarre, il est là, il fait son job, avec discrétion, efficacement et une petite lueur primesautière dans les regards qu'il coule en lousdé à notre pianiste. Il ne rate jamais une mesure, il a la patience d’un iguane guettant son repas sur un rocher ensoleillé, il sait nous recadrer quand notre « sensibilité artistique » nous entraîne dans des voies sans issues. Il est le roc sur lequel nous édifions nos constructions musicales, il résiste aux tempêtes, inoxydable,  à l’épreuve de toutes les agressions possibles. Et puis nous avons construit notre travail autour de lui, il connait chacun de nos travers, il sait nos limites, nous savons les siennes, il anticipe nos bavures. Et force a été de constater qu’en son absence : nous ne savions plus jouer ! Car sa « musique » est dans nos têtes, nos automatismes sons construits autour de son toucher de baguettes.

Jérôme est un excellent batteur. C’est un batteur de jazz. Durant des années sa pratique a tourné autour du swing. Il ne « connait » pas la grosse caisse, et ne bat pas à plus de 90 bpm là où nos discutables pratiques nous entraînent vers des moyennes de 140. Il est imaginatif, inspiré, avec une sorte de folie intermittente très roborative. Il nous propose un univers passionnant, mais qui se superpose difficilement à celui du rock, binaire, qui marque lourdement les temps, et laisse peu de place à la sensibilité. Le message est volontairement appauvri, ce qui nous arrange foutrement bien, et il ne laisse aucune place à l’improvisation qui constitue l’essence même du jazz.
Surtout : Jérôme ne connait pas notre répertoire. Pour lui, il n’était pas question de réviser mais tout simplement de découvrir. En trois répètes. Alors qu’il nous faut en moyenne un mois pour répéter UN SEUL morceau ! Nous avons rapidement compris que nous devions rapprocher nos visions, adapter nos titres et que cela prendrait du temps. Et nous avons réalisé que le temps nécessaire à cette collaboration, nous ne l’avions pas. Même en réduisant la playlist, même en choisissant les morceaux les plus facilement transposables, d’autant qu’en cette période de vacances les uns et les autres n’étaient jamais tous présents simultanément.

Il fallait donc réapprendre une dizaine de titres en deux ou trois séances, et même en créer un nouveau : Le Blues Du Dentiste ! (et encore, dans notre gloutonnerie nous avions aussi pressenti le Gigolo de Luis Prima.. mais là on a dit : halte au feu !) On a tenté de croire à cette utopie durant quinze jours, basculant tour à tour entre deux antipodes, deux attitudes, l’une bravache : « On le fait (quand même) ! » et l’autre résignée : « On n’y va pas ! ». Portés par le désir de faire plaisir à Eric, nous avons nié l’évidence jusqu’au dernier moment, tentant par tous les moyens de trouver un remède à notre impréparation, espérant qu’un Deus Ex Machina descendrait des cintres pour sauver notre aventure en perdition. Et puis tout de même, au décours de la dernière répète et d’une nuit d’insomnie, il nous a fallu convenir que décidément ce n’était pas possible et qu’en l’état nous avions réunis toutes les conditions pour nous casser la gueule, nous vautrer en beauté, et surtout en public !

On voulait bien passer sur beaucoup de choses, mais l’amour propre : No Way !

En bref : On l’a pas fait.

Pardon à Eric et à Jérôme, mais c’est aussi ça la vie d’un groupe : avoir le courage de dire non quand il le faut.

En plus pour la soirée d’Eric, personne n’y a perdu au change : Il y avait deux excellents DJ qui ont animé la fête de bout en bout. Dommage qu’il m’ait pris l’envie de chanter à un moment donné. Heureusement ce fut court.

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