lundi 11 janvier 2010
Pourquoi Un Titre Dépasse Rarement Les Trois Minutes
J’ai retrouvé dans nos archives familiales ce portrait, une huile sur toile dans le style orientaliste très en vogue dans la seconde décennie du XXème siècle. La ressemblance avec Odile est pour le moins troublante. Cependant il s’agit d’un portrait de la grand-mère de notre choriste. Interrogée à ce sujet, Odile me raconta qu’en effet dans sa jeunesse, Eugénie Bertheau fille d’un prospère viticulteur de Castrie, avait été chanteuse dans un ensemble musical d’avant-garde.
Montée à Paris pour y faire ses humanités au Lycée Louis Legrand, elle rencontra un groupe de jeunes gens, des américains, noirs et blancs, issus de la grande bourgeoisie de la Nouvelle Orléans, du monde diplomatique, ainsi que le propre fils de Thomas Edison, le célèbre inventeur. Elle fréquentait également un français, Charles Cros, futur promoteur du phonographe. Au cours de soirées mouvementées, cette joyeuse bande s’adonnait à toutes sortes d’improvisations musicales échevelées à partir des rythmes blues, country et dixieland qui se codifiaient dans leur patrie d’origine.
Avec ses amis, loin des standards boulevardiers en vogue et de la chanson réaliste qui tenaient le haut du pavé, elle expérimenta les technologies naissantes de l’amplification électrique. On la voit ici poser devant le jeune Toulouse Lautrec, qui était encore dans la ligne académique dominante, avant de se tourner vers l’affiche, la caricature et la description picturale du monde de la nuit parisienne.
La scène se situe dans la chambre du jeune Edison, qui a ramené dans ses malles des inventions de son père. On voit sur le sofa ce qui préfigure le micro moderne, et sur la droite, surmonté de sa tétrode, le tout premier amplificateur à lampe, alimenté au premier plan par une pile du professeur Volta.
La pile ne pouvait délivrer sa puissance que durant trois minutes. C’est la raison pour laquelle les ritournelles fortement rythmées qu’entonnait Eugénie ne pouvaient dépasser la fatidique limite des trois minutes.
C’est du fait de cette contrainte technique que date, quasiment immuable, le fameux « format radio », le titre de trois minutes dont Eugénie Bertheau fut la pionnière.
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