Session d’enregistrement très intéressante à plus d’un titre, à laquelle nous avons participé ce dimanche soir.
Mais l’évènement majeur de la soirée fut l’annonce par Lolo de la naissance au terme de douze heures de travail et dix minutes d’efforts, de sa petite fille Jeanne, 47 cm, 3,9 Kg, brune aux sourcils blonds et au teint frais dont vous avez pu admirer la frimousse dans ces colonnes. La fierté et la joie de « Mémère » comme notre pianiste aime se faire appeler désormais illuminaient son visage ; c’était un spectacle très rafraîchissant. Nous bûmes d’ailleurs à la pause le verre de l’amitié autour d’une coupe de champagne et d’un saucisson du Chambon tout à fait raccord avec notre dernier titre « Tout est Bon Dans le Cochon ».
Par ailleurs, en contraste avec notre retenue de Vendredi, cette séance fut beaucoup plus enlevée et dense, chacun ayant décidé de faire taire ses inhibitions et de mordre à pleines dents dans le steack du rock. Tout au long de cette session qui dura cinq heures (de 17 à 22h) nous enchaînâmes les titres, recommençant avec opiniâtreté chacun d’eux jusqu’à relative satisfaction. Lolo décida de laisser de coté sa partie piano pour la reprendre lors du travail de postproduction, avec les chœurs, certains solos de guitare et des reprises de voix et d’harmonica.
Vers 22h, avec la satisfaction du devoir accomplis et un dernier enregistrement –inespéré- centré sur le « Cochon » plutôt encourageant malgré notre peu d’expérience sur ce titre, nous débranchâmes les instruments pour assister selon les termes de Jako à une « écoute critique ».
Et c’est vraiment là que les choses devinrent intéressantes !
Car on toucha deux sujets sensibles : Les choix esthétiques et la sociologie des groupes.
En effet Jako nous diffusa les titres en privilégiant la piste dévolue au chant. « Ma » piste en quelque sorte. Déjà auparavant j’avais longuement discuté avec l’ingé-son de mon travail sur la voix. Jako avait noté que j’y mettais beaucoup d’effets, se demandant si c’était à mon insu ou bien si c’était volontaire. Je lui expliquai que j’étais en pleine expérimentation sur mes possibilités vocales, recherchant le point d’équilibre qui me permettrait d’aborder de manière confortables les berges (étroites) de mon spectre vocal dans les graves et les aigus mais aussi des approches différentes : voix de gorge ou de ventre, voix mélodique ou plus roque, vibrato, tempo. Tout cela transparaissait dans mon interprétation, obscurcissant la lisibilité de l’ensemble. Pour faire simple : il ne comprenait pas toujours ce que je chantais. Vous me direz : on ne comprend de toute façon déjà pas toujours ce que tu écris !
Ici un petit aparté : j’imaginai déjà les commentaires de Jésou, m’interrogeant malicieusement sur la possibilité, outre la voix de gorge et de ventre, de tenter la « voix de cul » qui pourrait s’avérer plus intelligible en définitive. Parce que les blagues de cul du Jésou ne sont pas comme on pourrait le croire de simples gaudrioles, mais plutôt des coups de pieds de recentrage propres à remettre les idées en place quand elles commencent à trop s’élever dans l’abstraction un peu pédante.
Je me justifiai de ces observations critiques en arguant de partis-pris esthétiques, et dissertai sur la nécessité relative d’être toujours compris à la première écoute, citant tel ou tel artiste, reconnu et insoupçonnable d’amateurisme, posant parfois des difficultés de décryptage. Nombre de chanteurs ne s’embarrassent pas de ces contraintes et privilégient l’expression plutôt que la compréhension. Avec des trémolos dans la voix je plaidai pour un rock lyrique, gothique, flamboyant, exhibitionniste dont le chanteur serait le porte-drapeau, dans la grande lignée des rockstars des années 70. Jako fut obligé de tempérer mon enthousiasme, m’invitant à plus de sobriété et de retenue, et à un message plus dépouillé.
Je pris note de ses remarques et décidai secrètement d’en tenir compte pour les prises additionnelles de voix futures.
Lors de l’écoute critique, focalisée cruellement sur la partie chant, pour revenir au propos initial, je reçus une première salve de remarque de la part de « mémère » à l’encontre du refrain de Marre (Ouuuuuuh je défaille…) jugé approximatif. Puis dans la foulée on stoppa le Train de la Vie dans une courbe du refrain, peu avant le pont. Pendant que les passagers s’ébrouaient sur le ballast, Lolo, décidément en verve, me fit compter les boggies du dernier vers d’un couplet : « Tu ne voulais pas de cage ». C’est marrant comme un simple pied peut enflammer l’assistance. Selon certains, il y avait trop de pieds par rapport aux notes. J’aurais dû chanter « Tu n’voulais pas de cage ». On ergota longuement, sur l’aspect méridional de mon chant, je défendis mes positions en citant Etienne Daho (j’étais aux abois), j’invoquais l’abeas corpus et le cinquième amendement, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, j’interpellai même Jako sur la justesse de mon interprétation.
Le pauvre assistait à notre échange aigre-doux avec le placide détachement mêlé de curiosité de celui qui en a vu bien d’autres derrière cette console et attendant que la fièvre retombe. Il me donna cependant quitus de mon refrain, qui n’allait pas à l’encontre des canons musicaux usuels. On convînt que « pourquoi pas » mais qu’il n’empêchait que ça heurtait l’oreille. Cependant : « Je ne devais pas le prendre mal, il ne s’agissait pas d’une attaque contre ma personne, mais plutôt d’une critique d’ordre technique, laquelle devait être acceptée ».
Ces arguments me firent sourire, car c’était ceux-là même que je servais à certains de mes agents, en entretien d’évaluation. «Tu vois Machine, tu n’es pas en faute, d’ailleurs on n’est pas dans une notion de bien ou de mal, mais plutôt d’évaluation constructive, et surtout ne le prend pas pour toi, ça n’est pas ta personnalité qui est en cause, mais plutôt la piètre efficacité du déodorant que tu utilises, qui ne protège pas tes collègues de la violente odeur d’aisselles que tu dégages à ton insu ».
Mais je crois que c’est l’approche de Pierrot qui m’a interpelée : Lui faisant remarquer que c’était Ma manière de chanter et qu’après tout mon avis valait autant que certains autres, surtout parmi les non-chanteurs, il me répondit « oui, mais au final on est un groupe ». En effet, me dis-je, il a raison. Même si à titre personnel je ne partage pas leur vision, je me dois de me plier à l’avis de la majorité, bon grès mal grès. Ce n’est pas « Mitch et Son orchestre », c’est « UFR ».
« D’ailleurs, si tu as des critiques à formuler sur tel ou tel de tes partenaires, tu es libre de les exprimer également », ajouta Lolo. Sauf qu’en ce qui me concerne, je n’ai pas cette liberté, j’en suis incapable, je ne m’en sens pas le droit. Chacun a sa manière de jouer, qui m’agrée plus ou moins, je ne me sens aucune légitimité pour intervenir dans son travail. Vivre et laisser vivre en quelque sorte. Mais ce n’est pas avec cette philosophie qu’on pérennise un groupe.
Et je me suis pris à évoquer le nombre de couleuvres que chacun d’entre nous avale pour continuer à avancer ensemble, petites blessures, petits renoncements, petits choix à contrecœur, petites concession, petites colères contre soi-même parce qu’on ne peut pas faire mieux, qu’on est au maximum de ses possibilités, et que la progression est lente et laborieuse, et sans cesse remise en question.
Mais en fait je pense que le plus difficile c’est de créer un morceau, de le porter le temps de sa gestation, de le façonner à son image, puis de le livrer en pâture à d’autres interprètes, et chaque jour le voir transformé, adapté, dénaturé et petit à petit s’éloigner de sa forme initiale.
Du coup mes problèmes existentiels s’estompent, pour faire place au respect pour celui qui accepte au nom d’une certaine idée de partage, de supporter cette trahison permanente, alors qu’il aurait tout aussi bien pu faire cela tout seul.
Pour conclure, à la fin de notre discussion, je me posai la question « pourquoi ce débat sur mon interprétation à ce moment précis ? »
Après un temps de réflexion je pense avoir trouvé un élément de réponse :
Je crois qu’aucun d’entre nous n’avait entendu ma voix depuis deux ans !
lundi 25 janvier 2010
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4 commentaires:
tu sais ce qu elle vous dit mémère??????
tu sais ce qu elle vous dit mémère??????
tu sais ce qu elle vous dit mémère??????
Ben, vu qu'elle a tendance à bégayer, mémère, ça risque de prendre du temps, quand elle va nous le dire... ah la la, le parkinson, c'est tellement triste...
Tiens, au fait ça me fait penser : Et Pépère, comment il va ?!
c'est toujours ok pour les 900 CD ?
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