C'est fou comme on croit connaître les gens. On les côtoie depuis des dizaines d'années, Il semble qu'il n'y ait plus rien à apprendre et que leurs secrets les plus intimes nous soient connus. Et pourtant, fortuitement, alors qu'on ne s'y attend pas, on révèle une pépite de leur personnalité, ou de leur passé. Et tout soudain on se dit qu'on vit avec des inconnus finalement, dont on ne perçoit que la surface polie du miroir d'eux même qu'ils veulent bien nous présenter afin qu'on y regarde l'image qu'on a bien voulu y trouver, celle qui fait écho à nos propres représentations, confirme le bien fondé de notre jugement et valorise notre égo à travers eux.
Exemple : Lolo. Comme généralement le mercredi soir, nous allons la chercher avant de nous rendre chez les Fabre. Nous avons l'habitude de causer de tout et de rien sur le trajet, quand nous ne révisons pas les titres sur CD des chansons du groupe. Là, Lolo nous apprend que la chienne d’Elodie, Rixie, a subi « la totale » et ne pourra plus avoir de chiots. Ce qui au delà de la maternité qui sera désormais refusés à l'animal, risque d'occasionner un sérieux manque à gagner, quelques exemplaires de la future portée ayant même été par avance proposés à la précommande. Ce qui nous amène à parler de l'autre chienne, l'espincheuse, celle qui ressemble à un fennec. Lolo trouve qu'elle ressemble plutôt à une renarde. Et elle se met à évoquer un souvenir d'enfance, très prégnant dans sa mémoire, celui de Fleurette, l'animal de compagnie de son adolescence. Cette renarde a été ramenée clandestinement d'Afrique par un parent, qui l'a passée en fraude, endormie, dans une poche de sa veste. Déjà les conditions de l'introduction de cet animal sur le territoire ne sont pas banales mais Lolo nous conte combien cette renarde est devenue comme un animal de compagnie, dont le comportement familier rappelait celui d'un chat. Fleurette était parfaitement apprivoisée, et dormait avec sa jeune Maîtresse. « Dormait » n'est pas tout à fait le verbe exact car le petit animal avait des habitudes nocturnes et passait ses nuits à faire un foin de tous les diables, tentant de gratter le sol de la chambre afin d'y creuser son terrier, ou d'y trouver quelque rongeur. Mais ce qui fait la magie de ce récit, c'est que fleurette jappait quand elle avait peur. Or, comme cette peur animale était sans objet visible, Lolo en conçut la certitude que Fleurette aboyait aux fantômes de la nuit. En quelque sorte, par ses avertissements, elle prévenait Lolo et la protégeait par la même occasion de toute manifestation surnaturelle. Cela me ramène tout soudain à une image sortie du plus profond de l'inconscient de mon enfance, dont je ne m'étais pas souvenu depuis des dizaines d'années je pense.
Quand j'avais sept ans, j'habitais avec mes parents une villa dans les hauteurs d'Aubagne, en haut de la « pente du gaz », ainsi nommée en référence à l’usine à gaz qui en occupait jadis le site. Vous connaissez cette bourgade bien sûr comme le théâtre des aventures du jeune Marcel Pagnol, au travers des récits qui nous ont promenés dans les collines du Garlaban. Nous logions à l'étage. Le rez-de chaussée était occupé par un immense garage, et une buanderie attenante. Comme souvent à l'époque, la buanderie était équipée d'un lavoir. Au vu de mon âge, il me semblait gigantesque. Dans la pénombre de la pièce éclairée par un unique soupirail, il était bâti contre le mur près de la porte, inquiétant, avec ses deux bacs d'eau noire profonde et dormante et glaciale tel un lac d’écosse. Le soir mon père, avant le dîner me demandait régulièrement d'aller à la buanderie afin d'y prendre une bouteille de vin. J'étais déjà très imaginatif, et émotif de surcroit. Pour gagner la buanderie, il fallait descendre un escalier abrupt aux marches étroites, éclairé la nuit par un mur de pavés de verre, qui sous l'éclairage nocturne projetaient des rayons de lumière crue découpant des rectangles déformés vers les abysses sombres, en bas. J'étais mort de trouille quand il me fallait l’emprunter. Je me souviens que je prenais avec moi mon ami de l'époque, un dalmatien gonflable qui couinait quand on pressait sur ses flancs. Il était le consolateur, le confident, le rempart de mes frayeurs. Je le prenais dans les bras, il était aussi grand que moi. Je descendais en serrant les fesses et en chantonnant pour me donner du courage. Arrivé dans la buanderie, j'ouvrais du bout des doigts la porte de la buanderie. Bien sûr la porte grinçait. Je n'osais me retourner, je sentais une présence maléfique derrière moi, mais je savais que si j'osais tourner la tête pour y faire face, l'autre monstre, celui de la buanderie, en profiterait pour me sauter dessus. Aussi pour passer la porte de la buanderie, je me protégeais la tête avec le dalmatien « Pongo » en le portant un peu comme le berger de la crèche porte l'agneau de l'année. Cependant, avant d'arriver au casier à bouteilles, il me fallait longer le lavoir dont je ne pouvais m'empêcher de contempler la surface sombre. J'étais fasciné par l'immobilité de l'eau. Sa noire profondeur me remplissait de terreur. Et j'imaginais qu'au fond se tapissait une créature pire encore que les monstres de cauchemar tant redoutés. Une fois la bouteille attrapée, je prenais mes jambes à mon cou, courant comme un dératé. Pongo tressautait sur mes épaules, et couinait au rythme de mes sauts de cabri. Je remontais l'escalier quatre à quatre, et j'atteignais enfin la cuisine, haletant, en nage, le cœur battant à cent à l'heure ! J'ai la certitude que mon père prenait un petit plaisir à me voir remonter ainsi de l'expédition dans les catacombes de la maison. Je pense que dans son esprit ça forgeait mon caractère. J'avais eu le malheur de lui confier que j'avais peur de descendre seul à la buanderie.
Oui je sais, on est de nouveau très loin du rocknroll, et de son vecteur UFR. Mais comme vous le savez, notre activité est finalement assez routinière, avec sa litanie hebdomadaire de répètes dont on pourrait croire à première vue qu’elles ont été ronéotypée, c'est-à-dire mal photocopiées, un peu comme les mauvaises copies que nous filait la corpo de la fac pour rattraper les cours séchés pour cause de babyfoot. Pas vraiment à l’image de l’original, un peu pâles et baveuses, écrites à la main, bref très artisanales à l’instar de nos appropriations approximatives des standards du rock.
En ce sens cette répète du mercredi ne déroge pas à la tradition par sa forme, bien que le fond en soit un peu différent.
Ainsi buvons-nous le café en attendant Pierrot, puis un whisky léger pour lui permettre d’arriver. Nous faisons le débriefing de la fête à kéké, dont le bilan est très positif. Chacun y va de sa petite anecdote, de son commentaire. J’apprends ainsi que l’avocat qui m’avait pris sous son aile protectrice lors de cette soirée est le mari d’Irène, copine de tennis de Catherine. Le gars travaille beaucoup en Guadeloupe et a fait le voyage exprès pour Pascal. Entre autres informations de première nécessité, Phil nous précise que j’étais vert, et Pierrot blanc peu après le moment où paraît-il une substance douteusement licite circula. Mais peut-on accorder du crédit aux propos de quelqu’un qui passa un long moment avec MM Lejeune et Isenberg, c'est-à-dire accoudé au bar ?
Semble-t-il également, un édile de Redessan réclame notre présence à la fête de la musique le 21 juin. Information à mettre au conditionnel pour l’instant. Voici pour les nouvelles brèves.
Par ailleurs j’ai définitivement adopté le M58 béta de Pierrot qui profite bien des nouveaux réglages de la sono. Le son en est clair et nonobstant le récurent problème du rapport voix/instruments pas toujours équilibré, ça procure un grand confort. A ce propos, une petite parenthèse : Pascou a décidé de jouer ce soir sur le rapport basse/ le reste du monde, avec un bonheur inégal. Je profite du fait que les instruments et les voix sont regroupés sur la mixette de l’ampli de scène pour faire une prise de son de notre marathon. Cela nous permet de quantifier la durée de notre tour. Il nous faut ainsi trente trois minutes pour boucler 9 chansons. Nous laisserons de coté Marre, ACDC et Kravitz. Odile interprète en solo ce dernier. Ce n’est pas terrible globalement, mais c’est prometteur. On sent qu’il y a un fort potentiel ! Le gros progrès, c’est que je ne chante plus dessus. C’est un peu comme une pièce en rénovation, on vient de décoller le papier à fleurs, il reste encore celui à rayures, mais on devine que si on gratte encore on arrivera au plâtre. Ensuite il ne restera plus qu’à reboucher les trous et passer un bon enduit, de préférence de couleur unie, claire, c’est le plus simple. Et puis ça va avec tout. D’ailleurs pour Kravitz, moins on en rajoutera pardessus la voix et la batterie, et mieux ça vaudra ! Par ailleurs, et c’est un miracle, l’enregistreur a fonctionné. Le résultat là aussi est plus que perfectible, mais on sent bien que c’est juste une question de réglages et que cette manière de capter le son, directement sur l’ampli, donnera de bien meilleurs résultats qu’à partir des micros d’ambiance.
L’apprentissage continue donc. Par la méthode expérimentale échecs/réussites. Pas la plus rapide, mais riche d’enseignements.
vendredi 30 mai 2008
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