vendredi 30 mai 2008
Quand Lolo Conte Fleurette
C'est fou comme on croit connaître les gens. On les côtoie depuis des dizaines d'années, Il semble qu'il n'y ait plus rien à apprendre et que leurs secrets les plus intimes nous soient connus. Et pourtant, fortuitement, alors qu'on ne s'y attend pas, on révèle une pépite de leur personnalité, ou de leur passé. Et tout soudain on se dit qu'on vit avec des inconnus finalement, dont on ne perçoit que la surface polie du miroir d'eux même qu'ils veulent bien nous présenter afin qu'on y regarde l'image qu'on a bien voulu y trouver, celle qui fait écho à nos propres représentations, confirme le bien fondé de notre jugement et valorise notre égo à travers eux.
Exemple : Lolo. Comme généralement le mercredi soir, nous allons la chercher avant de nous rendre chez les Fabre. Nous avons l'habitude de causer de tout et de rien sur le trajet, quand nous ne révisons pas les titres sur CD des chansons du groupe. Là, Lolo nous apprend que la chienne d’Elodie, Rixie, a subi « la totale » et ne pourra plus avoir de chiots. Ce qui au delà de la maternité qui sera désormais refusés à l'animal, risque d'occasionner un sérieux manque à gagner, quelques exemplaires de la future portée ayant même été par avance proposés à la précommande. Ce qui nous amène à parler de l'autre chienne, l'espincheuse, celle qui ressemble à un fennec. Lolo trouve qu'elle ressemble plutôt à une renarde. Et elle se met à évoquer un souvenir d'enfance, très prégnant dans sa mémoire, celui de Fleurette, l'animal de compagnie de son adolescence. Cette renarde a été ramenée clandestinement d'Afrique par un parent, qui l'a passée en fraude, endormie, dans une poche de sa veste. Déjà les conditions de l'introduction de cet animal sur le territoire ne sont pas banales mais Lolo nous conte combien cette renarde est devenue comme un animal de compagnie, dont le comportement familier rappelait celui d'un chat. Fleurette était parfaitement apprivoisée, et dormait avec sa jeune Maîtresse. « Dormait » n'est pas tout à fait le verbe exact car le petit animal avait des habitudes nocturnes et passait ses nuits à faire un foin de tous les diables, tentant de gratter le sol de la chambre afin d'y creuser son terrier, ou d'y trouver quelque rongeur. Mais ce qui fait la magie de ce récit, c'est que fleurette jappait quand elle avait peur. Or, comme cette peur animale était sans objet visible, Lolo en conçut la certitude que Fleurette aboyait aux fantômes de la nuit. En quelque sorte, par ses avertissements, elle prévenait Lolo et la protégeait par la même occasion de toute manifestation surnaturelle. Cela me ramène tout soudain à une image sortie du plus profond de l'inconscient de mon enfance, dont je ne m'étais pas souvenu depuis des dizaines d'années je pense.
Quand j'avais sept ans, j'habitais avec mes parents une villa dans les hauteurs d'Aubagne, en haut de la « pente du gaz », ainsi nommée en référence à l’usine à gaz qui en occupait jadis le site. Vous connaissez cette bourgade bien sûr comme le théâtre des aventures du jeune Marcel Pagnol, au travers des récits qui nous ont promenés dans les collines du Garlaban. Nous logions à l'étage. Le rez-de chaussée était occupé par un immense garage, et une buanderie attenante. Comme souvent à l'époque, la buanderie était équipée d'un lavoir. Au vu de mon âge, il me semblait gigantesque. Dans la pénombre de la pièce éclairée par un unique soupirail, il était bâti contre le mur près de la porte, inquiétant, avec ses deux bacs d'eau noire profonde et dormante et glaciale tel un lac d’écosse. Le soir mon père, avant le dîner me demandait régulièrement d'aller à la buanderie afin d'y prendre une bouteille de vin. J'étais déjà très imaginatif, et émotif de surcroit. Pour gagner la buanderie, il fallait descendre un escalier abrupt aux marches étroites, éclairé la nuit par un mur de pavés de verre, qui sous l'éclairage nocturne projetaient des rayons de lumière crue découpant des rectangles déformés vers les abysses sombres, en bas. J'étais mort de trouille quand il me fallait l’emprunter. Je me souviens que je prenais avec moi mon ami de l'époque, un dalmatien gonflable qui couinait quand on pressait sur ses flancs. Il était le consolateur, le confident, le rempart de mes frayeurs. Je le prenais dans les bras, il était aussi grand que moi. Je descendais en serrant les fesses et en chantonnant pour me donner du courage. Arrivé dans la buanderie, j'ouvrais du bout des doigts la porte de la buanderie. Bien sûr la porte grinçait. Je n'osais me retourner, je sentais une présence maléfique derrière moi, mais je savais que si j'osais tourner la tête pour y faire face, l'autre monstre, celui de la buanderie, en profiterait pour me sauter dessus. Aussi pour passer la porte de la buanderie, je me protégeais la tête avec le dalmatien « Pongo » en le portant un peu comme le berger de la crèche porte l'agneau de l'année. Cependant, avant d'arriver au casier à bouteilles, il me fallait longer le lavoir dont je ne pouvais m'empêcher de contempler la surface sombre. J'étais fasciné par l'immobilité de l'eau. Sa noire profondeur me remplissait de terreur. Et j'imaginais qu'au fond se tapissait une créature pire encore que les monstres de cauchemar tant redoutés. Une fois la bouteille attrapée, je prenais mes jambes à mon cou, courant comme un dératé. Pongo tressautait sur mes épaules, et couinait au rythme de mes sauts de cabri. Je remontais l'escalier quatre à quatre, et j'atteignais enfin la cuisine, haletant, en nage, le cœur battant à cent à l'heure ! J'ai la certitude que mon père prenait un petit plaisir à me voir remonter ainsi de l'expédition dans les catacombes de la maison. Je pense que dans son esprit ça forgeait mon caractère. J'avais eu le malheur de lui confier que j'avais peur de descendre seul à la buanderie.
Oui je sais, on est de nouveau très loin du rocknroll, et de son vecteur UFR. Mais comme vous le savez, notre activité est finalement assez routinière, avec sa litanie hebdomadaire de répètes dont on pourrait croire à première vue qu’elles ont été ronéotypée, c'est-à-dire mal photocopiées, un peu comme les mauvaises copies que nous filait la corpo de la fac pour rattraper les cours séchés pour cause de babyfoot. Pas vraiment à l’image de l’original, un peu pâles et baveuses, écrites à la main, bref très artisanales à l’instar de nos appropriations approximatives des standards du rock.
En ce sens cette répète du mercredi ne déroge pas à la tradition par sa forme, bien que le fond en soit un peu différent.
Ainsi buvons-nous le café en attendant Pierrot, puis un whisky léger pour lui permettre d’arriver. Nous faisons le débriefing de la fête à kéké, dont le bilan est très positif. Chacun y va de sa petite anecdote, de son commentaire. J’apprends ainsi que l’avocat qui m’avait pris sous son aile protectrice lors de cette soirée est le mari d’Irène, copine de tennis de Catherine. Le gars travaille beaucoup en Guadeloupe et a fait le voyage exprès pour Pascal. Entre autres informations de première nécessité, Phil nous précise que j’étais vert, et Pierrot blanc peu après le moment où paraît-il une substance douteusement licite circula. Mais peut-on accorder du crédit aux propos de quelqu’un qui passa un long moment avec MM Lejeune et Isenberg, c'est-à-dire accoudé au bar ?
Semble-t-il également, un édile de Redessan réclame notre présence à la fête de la musique le 21 juin. Information à mettre au conditionnel pour l’instant. Voici pour les nouvelles brèves.
Par ailleurs j’ai définitivement adopté le M58 béta de Pierrot qui profite bien des nouveaux réglages de la sono. Le son en est clair et nonobstant le récurent problème du rapport voix/instruments pas toujours équilibré, ça procure un grand confort. A ce propos, une petite parenthèse : Pascou a décidé de jouer ce soir sur le rapport basse/ le reste du monde, avec un bonheur inégal. Je profite du fait que les instruments et les voix sont regroupés sur la mixette de l’ampli de scène pour faire une prise de son de notre marathon. Cela nous permet de quantifier la durée de notre tour. Il nous faut ainsi trente trois minutes pour boucler 9 chansons. Nous laisserons de coté Marre, ACDC et Kravitz. Odile interprète en solo ce dernier. Ce n’est pas terrible globalement, mais c’est prometteur. On sent qu’il y a un fort potentiel ! Le gros progrès, c’est que je ne chante plus dessus. C’est un peu comme une pièce en rénovation, on vient de décoller le papier à fleurs, il reste encore celui à rayures, mais on devine que si on gratte encore on arrivera au plâtre. Ensuite il ne restera plus qu’à reboucher les trous et passer un bon enduit, de préférence de couleur unie, claire, c’est le plus simple. Et puis ça va avec tout. D’ailleurs pour Kravitz, moins on en rajoutera pardessus la voix et la batterie, et mieux ça vaudra ! Par ailleurs, et c’est un miracle, l’enregistreur a fonctionné. Le résultat là aussi est plus que perfectible, mais on sent bien que c’est juste une question de réglages et que cette manière de capter le son, directement sur l’ampli, donnera de bien meilleurs résultats qu’à partir des micros d’ambiance.
L’apprentissage continue donc. Par la méthode expérimentale échecs/réussites. Pas la plus rapide, mais riche d’enseignements.
Exemple : Lolo. Comme généralement le mercredi soir, nous allons la chercher avant de nous rendre chez les Fabre. Nous avons l'habitude de causer de tout et de rien sur le trajet, quand nous ne révisons pas les titres sur CD des chansons du groupe. Là, Lolo nous apprend que la chienne d’Elodie, Rixie, a subi « la totale » et ne pourra plus avoir de chiots. Ce qui au delà de la maternité qui sera désormais refusés à l'animal, risque d'occasionner un sérieux manque à gagner, quelques exemplaires de la future portée ayant même été par avance proposés à la précommande. Ce qui nous amène à parler de l'autre chienne, l'espincheuse, celle qui ressemble à un fennec. Lolo trouve qu'elle ressemble plutôt à une renarde. Et elle se met à évoquer un souvenir d'enfance, très prégnant dans sa mémoire, celui de Fleurette, l'animal de compagnie de son adolescence. Cette renarde a été ramenée clandestinement d'Afrique par un parent, qui l'a passée en fraude, endormie, dans une poche de sa veste. Déjà les conditions de l'introduction de cet animal sur le territoire ne sont pas banales mais Lolo nous conte combien cette renarde est devenue comme un animal de compagnie, dont le comportement familier rappelait celui d'un chat. Fleurette était parfaitement apprivoisée, et dormait avec sa jeune Maîtresse. « Dormait » n'est pas tout à fait le verbe exact car le petit animal avait des habitudes nocturnes et passait ses nuits à faire un foin de tous les diables, tentant de gratter le sol de la chambre afin d'y creuser son terrier, ou d'y trouver quelque rongeur. Mais ce qui fait la magie de ce récit, c'est que fleurette jappait quand elle avait peur. Or, comme cette peur animale était sans objet visible, Lolo en conçut la certitude que Fleurette aboyait aux fantômes de la nuit. En quelque sorte, par ses avertissements, elle prévenait Lolo et la protégeait par la même occasion de toute manifestation surnaturelle. Cela me ramène tout soudain à une image sortie du plus profond de l'inconscient de mon enfance, dont je ne m'étais pas souvenu depuis des dizaines d'années je pense.
Quand j'avais sept ans, j'habitais avec mes parents une villa dans les hauteurs d'Aubagne, en haut de la « pente du gaz », ainsi nommée en référence à l’usine à gaz qui en occupait jadis le site. Vous connaissez cette bourgade bien sûr comme le théâtre des aventures du jeune Marcel Pagnol, au travers des récits qui nous ont promenés dans les collines du Garlaban. Nous logions à l'étage. Le rez-de chaussée était occupé par un immense garage, et une buanderie attenante. Comme souvent à l'époque, la buanderie était équipée d'un lavoir. Au vu de mon âge, il me semblait gigantesque. Dans la pénombre de la pièce éclairée par un unique soupirail, il était bâti contre le mur près de la porte, inquiétant, avec ses deux bacs d'eau noire profonde et dormante et glaciale tel un lac d’écosse. Le soir mon père, avant le dîner me demandait régulièrement d'aller à la buanderie afin d'y prendre une bouteille de vin. J'étais déjà très imaginatif, et émotif de surcroit. Pour gagner la buanderie, il fallait descendre un escalier abrupt aux marches étroites, éclairé la nuit par un mur de pavés de verre, qui sous l'éclairage nocturne projetaient des rayons de lumière crue découpant des rectangles déformés vers les abysses sombres, en bas. J'étais mort de trouille quand il me fallait l’emprunter. Je me souviens que je prenais avec moi mon ami de l'époque, un dalmatien gonflable qui couinait quand on pressait sur ses flancs. Il était le consolateur, le confident, le rempart de mes frayeurs. Je le prenais dans les bras, il était aussi grand que moi. Je descendais en serrant les fesses et en chantonnant pour me donner du courage. Arrivé dans la buanderie, j'ouvrais du bout des doigts la porte de la buanderie. Bien sûr la porte grinçait. Je n'osais me retourner, je sentais une présence maléfique derrière moi, mais je savais que si j'osais tourner la tête pour y faire face, l'autre monstre, celui de la buanderie, en profiterait pour me sauter dessus. Aussi pour passer la porte de la buanderie, je me protégeais la tête avec le dalmatien « Pongo » en le portant un peu comme le berger de la crèche porte l'agneau de l'année. Cependant, avant d'arriver au casier à bouteilles, il me fallait longer le lavoir dont je ne pouvais m'empêcher de contempler la surface sombre. J'étais fasciné par l'immobilité de l'eau. Sa noire profondeur me remplissait de terreur. Et j'imaginais qu'au fond se tapissait une créature pire encore que les monstres de cauchemar tant redoutés. Une fois la bouteille attrapée, je prenais mes jambes à mon cou, courant comme un dératé. Pongo tressautait sur mes épaules, et couinait au rythme de mes sauts de cabri. Je remontais l'escalier quatre à quatre, et j'atteignais enfin la cuisine, haletant, en nage, le cœur battant à cent à l'heure ! J'ai la certitude que mon père prenait un petit plaisir à me voir remonter ainsi de l'expédition dans les catacombes de la maison. Je pense que dans son esprit ça forgeait mon caractère. J'avais eu le malheur de lui confier que j'avais peur de descendre seul à la buanderie.
Oui je sais, on est de nouveau très loin du rocknroll, et de son vecteur UFR. Mais comme vous le savez, notre activité est finalement assez routinière, avec sa litanie hebdomadaire de répètes dont on pourrait croire à première vue qu’elles ont été ronéotypée, c'est-à-dire mal photocopiées, un peu comme les mauvaises copies que nous filait la corpo de la fac pour rattraper les cours séchés pour cause de babyfoot. Pas vraiment à l’image de l’original, un peu pâles et baveuses, écrites à la main, bref très artisanales à l’instar de nos appropriations approximatives des standards du rock.
En ce sens cette répète du mercredi ne déroge pas à la tradition par sa forme, bien que le fond en soit un peu différent.
Ainsi buvons-nous le café en attendant Pierrot, puis un whisky léger pour lui permettre d’arriver. Nous faisons le débriefing de la fête à kéké, dont le bilan est très positif. Chacun y va de sa petite anecdote, de son commentaire. J’apprends ainsi que l’avocat qui m’avait pris sous son aile protectrice lors de cette soirée est le mari d’Irène, copine de tennis de Catherine. Le gars travaille beaucoup en Guadeloupe et a fait le voyage exprès pour Pascal. Entre autres informations de première nécessité, Phil nous précise que j’étais vert, et Pierrot blanc peu après le moment où paraît-il une substance douteusement licite circula. Mais peut-on accorder du crédit aux propos de quelqu’un qui passa un long moment avec MM Lejeune et Isenberg, c'est-à-dire accoudé au bar ?
Semble-t-il également, un édile de Redessan réclame notre présence à la fête de la musique le 21 juin. Information à mettre au conditionnel pour l’instant. Voici pour les nouvelles brèves.
Par ailleurs j’ai définitivement adopté le M58 béta de Pierrot qui profite bien des nouveaux réglages de la sono. Le son en est clair et nonobstant le récurent problème du rapport voix/instruments pas toujours équilibré, ça procure un grand confort. A ce propos, une petite parenthèse : Pascou a décidé de jouer ce soir sur le rapport basse/ le reste du monde, avec un bonheur inégal. Je profite du fait que les instruments et les voix sont regroupés sur la mixette de l’ampli de scène pour faire une prise de son de notre marathon. Cela nous permet de quantifier la durée de notre tour. Il nous faut ainsi trente trois minutes pour boucler 9 chansons. Nous laisserons de coté Marre, ACDC et Kravitz. Odile interprète en solo ce dernier. Ce n’est pas terrible globalement, mais c’est prometteur. On sent qu’il y a un fort potentiel ! Le gros progrès, c’est que je ne chante plus dessus. C’est un peu comme une pièce en rénovation, on vient de décoller le papier à fleurs, il reste encore celui à rayures, mais on devine que si on gratte encore on arrivera au plâtre. Ensuite il ne restera plus qu’à reboucher les trous et passer un bon enduit, de préférence de couleur unie, claire, c’est le plus simple. Et puis ça va avec tout. D’ailleurs pour Kravitz, moins on en rajoutera pardessus la voix et la batterie, et mieux ça vaudra ! Par ailleurs, et c’est un miracle, l’enregistreur a fonctionné. Le résultat là aussi est plus que perfectible, mais on sent bien que c’est juste une question de réglages et que cette manière de capter le son, directement sur l’ampli, donnera de bien meilleurs résultats qu’à partir des micros d’ambiance.
L’apprentissage continue donc. Par la méthode expérimentale échecs/réussites. Pas la plus rapide, mais riche d’enseignements.
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chronique,
compte-rendu
jeudi 29 mai 2008
mercredi 28 mai 2008
J-3
Cette Photo de la célèbre guitare de Jazz semi acoustique Wasburn J3 pour vous rapeler que dans trois jours....
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photos
mardi 27 mai 2008
Champagne Pour Tout Le Monde, et Anchoïade Pour les Autres V2.1
J’ai vraiment le sentiment, à 18h ce samedi, que le cauchemar recommence. L’installation ne pose plus de problèmes particuliers, nous sommes rodés maintenant, et en 20 minutes chrono tout est en place. Cependant, où qu’on positionne les Baffles, pourtant montées sur leur pied magique, le larsen se met de la partie. Et pire que ça, le son de mon micro est détestable. Un son de tonneau, confus, qui ne parvient pas en outre à se faire entendre au milieu des instruments. La catastrophe. Le découragement. Le sentiment qu’une malédiction ancienne pèse sur le groupe et que jamais nous ne jouerons dans des conditions acceptables. Dans une dernière tentative, nous mettons les enceintes très en avant de la scène. Là nous éliminons le Larsen. Et puis, j’écoute la voix d’Odile au travers de son M58 béta : elle est claire, bien définie. La mort dans l’âme, je dois reconnaître une évidence : malgré ses fonctionnalités HF, mon micro n’est pas adapté. Je me souviens alors que le « mauvais micro » de Pierrot, celui qu’il avait ramené du mythique Delirium d’Avignon, est aussi un Shure M58 bêta. Je l’essaye : c’est le miracle ! Et ça m’énerve. Si ça se trouve j’ai plombé nos prestations à cause de mon amour immodéré pour ce micro HF. Comment peut-on faire preuve d’aveuglement à ce point ? C’est surprenant comme à la lumière du présent on réécrit le passé. Soudain j’ai l’impression que tout s’éclaire. Oh et puis merde, il n’y avait pas que ce facteur, nous sommes confrontés à de multiples problèmes, nous venons d’en isoler un, et basta ! Et surtout, surtout… je ne veux aucune réflexion ! La répétition qui suit est un pur bonheur. Malgré le fait que je doive chanter un peu au jugé, Philou notre responsable technique d’un soir nous confirme que notre son est bon. Après un an et demi de galère, nous commençons à maîtriser notre matériel ! Tout vient à point à qui sait attendre.
Nous répétons le titre d’Au bonheur des dames. Kéké ne le sait pas, qui nous écoute, mais ce morceau sera le support de la chanson des filles qui vont défiler tout à l’heure. Pascou en a écrit les paroles. Nous avons répété mercredi dernier à la SJM. Pour des raisons de confidentialité je n’ai pas pu en parler bien sûr. Ce fut un moment très drôle de « coacher » ces jeunes femmes dans la folle cohue de ce soir là. Carole notamment a eu beaucoup de mal à prononcer "photoshop", et nous étions suspendu à ses lèvres au moment fatidique alors qu'invariablement elle prononçait "shop-photo". Finalement elle a réalisé l'exploit, dans une explosion de vivats. Je ne sais pas pourquoi, à présent ça me rappelle la blague des deux femmes, qui discutent des petites bizarreries de leur mari. L'un des deux aime bien les gâteries. Mais la pauvre Dame ne sait pas bien comment s'y prendre. Jusqu'ici leurs pratiques ont été plutôt conventionnelles et limitées à la stricte observance des canons de l'église en matière de reproduction sexuée. Sa copine un peu plus délurée lui dit : au moment de pratiquer ta "bonne manière", tu prononces le mot Honolulu. La semaine suivante, lors de la réunion mensuelle du club du livre, la copine demande : alors, ça c'est bien passé ? et la Dame dit : ne m'en parles pas ! on a passé le dimanche à l'hosto. Je ne me rappelais plus très bien le mot magique, et comme mon mari est de l'Aude, j'ai dit : Carcassone !
J’ai assisté aussi à la répétition générale du défilé de mode, chez les Isenberg. Quelle inventivité ! Toutes ces dames un peu gênée dans un premier temps, prenaient des poses de mannequins, et s’enhardissaient devant le « jury » que nous formions Jérôme, Pascou, François et moi. Quel dommage que Pascal n’ait pu voir ça. La soirée saucisse qui suivit le défilé conclut de fort belle manière cette réunion placée sous le signe de l’hilarité. Toutes ces dames ont de réels talents d’actrices. Elles ont pris plaisir je crois, à laisser libre court à leurs fantasmes les plus secrets pour leur kéké d’amour.
Mais revenons à la soirée qui nous intéresse. En attendant les invités, nous testons les sandwiches et canapés : nous donnons à Catherine le feu vert : excellente nourriture. De la même manière, dans un souci de me mettre doucement en condition, je teste un des exemplaires du William Peel mis à disposition au bar, et servi avec gentillesse par Benjamin : très correct ! Le temps de nous habiller pour la circonstance, la foule afflue déjà.
Incroyable le monde que connaît le Kéké ! Pas loin de 200 personnes se pressent sous un ciel menaçant. De toutes origines, issus des milieux du tennis, de la clientèle, sélectionnées parmi les visiteuses médicales, sans compter ses différents groupes d’amis, tous se mêlent, se découvrent, échangent, aidés en cela par le champagne qui coule littéralement à flots. Je m’aperçois que jusqu’à cet anniversaire, Pascal a cloisonné ses relations, et qu’en la circonstance il a décidé de les mettre en contact. Pari risqué, surtout en regard de notre aversion pour les trous du cul de tous poils. Nous sommes capables de tout quand nous nous sentons aux abois. Pascal le sait, il a pris le risque.
Au cours de la soirée, ce sont 105 des 120 bouteilles prévues qui passent de vie à trépas pour le plus grand bonheur de tous. Malgré la fraîcheur ambiante, la chaleur gagne les invités et une noria s’installe entre le bar et les groupes, grâce à la courtoise efficacité de Benjamin et ses copains. Qui dit que la jeunesse française est à la dérive ? Quand on voit ces jeunes, on ne peut que reprendre espoir. Ces jeunes là, les décideurs de demain, sont d’une gentillesse émouvante.
Je suis tranquille, je sais que quoi qu’il arrive ma retraite est garantie ; ils ne nous abandonneront pas ! Mais pour l’heure ce n’est pas ma retraite qui me préoccupe le plus. Je prends plaisir à croiser mes amis et des inconnus tout au long de pérégrinations sur les chemins incertains qui me conduisent à travers les rassemblements. Je me sens comme le marin solitaire qui croise d’îles en îles, et jette l’ancre quelques instants au grès du hasard de cette carte maritime informelle qui se dessine ce soir. Pas d’écueils, rien que de tranquilles anses où mouiller en toute sécurité, amené là par quelque alizé, ou un courant amical.
Je rencontre ainsi Vincent, arrivé il y a une heure à peine d’un périple VTT en Bulgarie, accompagné d’une amie rencontrée lors de la féria. Les Unit venus s’encanailler pour l’occasion, les Creach, arrivés de Narbonne, Nele (17 septembre 1957), Les Thevenon, et en attendant que Nantana n'arrive jusqu'à moi, j'ai le plaisir de saluer Alain D. Je discute longuement avec Malvina, la nièce de Catherine ; elle est notaire à Bellegarde, son mari finit ses études de médecine. Nous parlons musique et spectacle. Cette jeune femme, parallèlement à sa carrière, danse le hip hop et se produit comme nous dans de petits spectacles. Complicité d’artiste. Nous échangeons sur le plaisir de se produire en public, sur le stress qui monte, sur la nécessité de contrôler sa soif afin de ne pas être débordé par un début d’ivresse. Je parle un long moment avec La Fan, Pascale. J’en apprends plus sur son parcours, sur sa vie, sur ce qu’elle aime. Et je poursuis ainsi mon tour de soirée, évacuant mon stress en paroles jusqu’au moment du défilé des amies de Kéké. Je suis certains qu’il était loin de s’attendre à tel spectacle !
François Lejeune en est le Monsieur Loyal. Il a revêtu pour la circonstance une splendide veste de smoking en soie blanche et parements noirs. Il a fière allure lorsqu’il présente une à une les modèles de ce défilé décalé. La belle plante, celle qui a des heures de vol, le cageot, la cochonne, le thon, la bien roulée, la cruche, la bonne du curé, la casse-bonbons, la grosse vache, le boudin, la grenouille de bénitier, se présentent tour à tour dans une allée centrale ménagée entre deux rangs serrés de convives. Au terme de leur prestation, chacune dépose une offrande aux pieds d’un kéké hilare : une boite de thon, un cactus, une jarretière en saucisson etc..
Elles sont sur l’estrade sous les applaudissements des invités. Sous les coups de baguette de Phil le K, Pierrot entame le rif d’Oh les filles. Par groupes de deux, elles chantent le texte que Pascou a écrit. Grand moment ! Les UFR prennent le relais quelques minutes après, tandis que la pianiste les rejoint sous des ovations. Les titres s’enchaînent. Le public s’amuse, il danse, il reprend les refrains. Je me sens bien, le son n’a jamais été aussi bon (ou moins pire !). Alain, à mi-parcours nous rejoint, et c’est une joie de le retrouver avec nous. Il n’a pas oublié les refrains. Nous jouons tous nos titres à part Highway et Kravitz. Avec Oh les filles nous aurons donc interprété onze morceaux. A la fin, après le rappel, nous nous enlaçons, nous sommes heureux.
La représentation terminée nous démontons les instruments pour libérer la place. Fin de la tension, mission accompli. J’ai une soif terrible, et je lance à la cantonade, dans le micro (qu’est-ce que c’est utile un micro dans ces circonstances !) je boirais bien quelque chose ! Dans les 20 secondes trois filles (dont la Fan) m’apportent un verre : quel pied ! Un gars dont je ne me souviens plus le prénom s’empare du micro. Il pérore durant un bon quart d’heure alors que nous affairons tout autour. Il affirme avoir oublié le papier qu’il avait écrit pour la circonstance. Il me semble un peu « à l’ouest », il s’embrouille, répète plusieurs fois le malheur du papier oublié, intime à l’assistance de faire silence, promet qu’il a de grande chose à dire. Philou à coté de lui ne sait comment s’emparer de son micro pour le faire taire. Finalement je débranche la prise de l’ampli : fin du discours ! Kéké heureux nous certifie que c’était là notre meilleur concert. Nos amis musiciens nous confirment que c’était bien et qu’il ne faut pas lâcher. C’est bon de passer entre les gens, d’être reconnu et de recevoir des commentaires, des félicitations. Deux personnes affirment être fans de ma voix. Merde alors, moi qui ne supporte pas ma propre image, comment quelqu’un peut il aimer ma voix ? ca procure un sentiment étrange, une petite fierté. François m’aborde. Selon lui j’ai la voix de Little Bob Story. Le nain du blues ! Une corde de plus à mon arc ! Au moins ma voix ne laisse pas indifférent, tant on lui cherche des équivalents, même les plus improbables.
Le reste de la soirée se perd un peu dans de brumeuses sensations, je continue mon tour des conversations, et je rate du coup la remise des cadeaux. Kéké, dans un nuage, regarde à peine le paquet qu’on lui tend, il le fait tomber lourdement : il s’agit de l’imprimante ! Il ne pense pas à l’ouvrir, dommage, dedans il y avait une antique imprimante. J’aurais aimé voir sa tête s’il l’avait découverte. Le saut en parachute, quelques mots : c’est fini pour les cadeaux. Ca c’est fait ! The show must go on. De mon coté je rencontre Dieu en compagnie de Florence et Lise. Je ne sais plus très bien de quoi il est question, mais c’est mon moment mystique. En général dans les soirées j’ai deux grands moments : le mystique, et le quart d’heure allemand. Il ne me semble pas avoir récité la Lorelei ce soir. Durant un long moment je suis pris en amitié par un avocat. La sono tonitrue ses décibels, je n’entends rien, je suis au bar, un whisky atterrit dans ma main tandis que Maitre Collard continue à me faire ses confidences. Moment d’intimité privilégié entre hommes. Des choses importantes, des vérités définitives sont dites, qui sans doute constituent une avancée importante dans la pensée philosophique du siècle. Hélas, je n’en comprends pas un mot. Le malheureux ne sait pas qu’il me parle à ma mauvaise oreille et que je n’ai pas la plus petite idée de ce qu’il me raconte. En revanche je ne veux pas le décevoir, je déploie donc toute mon énergie à montrer mon approbation. Au moyen d’une suite d’onomatopées savamment distillées, j’entretiens l’illusion afin qu’il puisse me délivrer son vibrant message d’espoir. Une jeune femme brune mignonne prend le relais. Cette fois je l’entends clairement, nous sommes un peu lus loin des enceintes. Elle me parle longuement, et je suis en phase avec elle. Ce qu’elle dit me parait frappé au coin du bon sens. Bon, elle tangue bien un peu alors qu’elle me parle sur le ton de la confidence, mais comme de mon coté j’accuse un léger roulis, nos frêles esquifs naviguent de concert un moment. De quoi avons-nous parlé ? Confidentiel défense ! Pour être plus sincère, je n’en ai plus aucun souvenir. Et je continue à déambuler. Kéké a pris les choses en mains coté sono. Il a préparé toute une playlist de titres. Ils me plaisent bien ces morceaux. Je réalise que c’est normal, il les a puisés parmi les dix mille titres que je lui avait passés quelques jours auparavant. Je monte sur la piste de danse. Je me lance dans des improvisations de déhanchements, de mouvements de bras et de jambes. Ceux-là même qui ont fait ma réputation. La musique m’envahit, le rythme me prend, je danse, d’autre corps m’entourent, on bouge à l’unisson. J’aperçois mon kéké hilare assis devant son ordi, une cigarette à la bouche, un verre à la main(où l’inverse, à moins que ce ne soit une cigarette dans le verre et une main dans la bouche !). Putain quelle soirée ! J’ai soif je m’approche du bar. Le gentil jeune homme, ah oui, c’est Benjamin, me reconnait. Il ne me demande rien. Il sait désormais que pour moi c’est boisson ambrée avec un glaçon dedans. Je sors. La fraîcheur de l’air me revigore. Il me semble que je progresse vers un îlot de buissons, vers les voitures, je marque mon territoire tout autour en contemplant les étoiles dans le ciel de plomb vaguement luminescent des lumières de Lunel au loin, et traversé d'éclairs qui déchirent l'espace dans des craquements sinistres. Je remarque que certaines étoiles sont très lumineuses.
Zut, c'est pas des étoiles, ce sont les yeux des hiboux, des centaines de hiboux qui me regardent en clignant de leurs grand yeux scintillants. effrayés par une harde de chauves-souris, ils s'envolent lourdement. le spectacle de la faune nocturne est fascinant. Je ne savais pas qu'il y avait une colonie de hiboux dans ce coin. Quant aux chyroptères suceurs de sang, je les chasse en criant des imprécations. Je suis bien ; mes idée à cet instant sont étrangement claires. Il me semble à cet instant précis que je suis sur le point de percer le Mystère de l'Univers. Tout devient limpide,l'alpha et l'oméga vont s'unir et me livrer leur secret, je vais enfin apréhender le Grand Tout, ne plus faire qu'un avec lui, je suis certain que même le mode d'emploi de la machine à laver, et son programme éco à 4O degrés avec essorage rotatif alterné pour défroisser le linge sont à portée de main.
Je chasse quelques roussettes retardataires qui couinent nerveusement en virant sur l'aile avant de disparaitre dans les frondaisons inquiétantes. sales bêtes !
Je me tiens maintenant sous l’une des deux marquises qui ont été dressées à l’entrée de l’étable. Devant, de nombreux noctambules sont encore assis aux tables. Ca discute, je me mêle aux conversations. Telle une boule de flipper percutant aléatoirement les plots élastiques qui s’allument dans la nuit, je suis comme projeté par quelque joueur de bar cosmique qui frapperait frénétiquement les boutons pour me renvoyer toujours plus loin, toujours plus fort. A grand coups de pelvis, il tente d’imprimer à ma trajectoire des directions insensées, je file, je rebondis, je plonge, je suis rattrapé in extremis par l’une des deux gâchettes et renvoyé dans les limbes du flipper tout en haut. Je fais péter le score, les seins de la danseuse à demi nue sur le tableau électrique s’allument : extraballe ! J’atterris. La danseuse se tient en face de moi. Mais je la reconnais : C’est Valou ! Elle est aussi joyeuse que moi, elle me tend la main. Elle m’entraine sur l’estrade. Nous faisons un rock, il me semble que ça joue « j’aime regarder les filles ». On danse un moment, je la raccompagne vers Hubert. Allez on rentre maintenant ! Non, je veux rester : c’est la fête des mères après tout, j’ai le droit de faire ce que je veux. Je les abandonne et repars pour de nouvelles aventures, encore des conversations improbables, encore des sauts périlleux sur la piste. Quelle soirée. Je m’approche de la sono : merde, personne. Le kéké a quitté le navire, il n’y a plus personne à la barre. Le bateau ivre prend l’eau, une mièvrerie s’est glissée dans la playlist, branle-bas de combat tout le monde sur le pont. Il faut faire quelque chose. Je prends mon courage à deux mains et me glisse dans la peau du DJ. Je choisis les titres qui me plaisent. Je me sens en connexion avec les danseurs, il me semble anticiper ce dont ils ont besoin, je devine leur souhaits, je devance leurs envies, je veux qu’ils s’éclatent. Les titres se succèdent, c’est l’osmose parfaite, je sens qu’on va faire péter la baraque. Mais nom de dieu, quelle soif. A mon tour, je saute du navire, non sans l’avoir mis en pilotage automatique avant de partir. Je rame jusqu’au bar. Une fois n’est pas coutume, je demande un verre de Perrier. Ca fait du bien, je me pose un peu, je contemple l’espace autour de moi. Les rangs se sont clairsemés, il doit être tard. Je me dirige vers la mangeoire. Elle n’a jamais si bien porté son nom ! Je débusque des parts de gâteau. J’ai une dalle ! J’en mange deux ou trois d’affilée. Après le sucré, le salé, : je m’aperçois qu’il y avait de l’anchoïade. Je me précipite sur les champignons et le chou-fleur, je les trempe dans la sauce : c’est divin, j’en mange des kilos. Et après ça continue, encore et toujours, la piste, le bar, les conversations, les sorties… Il ne reste plus qu’une dizaine de jeunes, Odile s’est couchée il y a une demi-heure. Le dernier carré. Le Kéké est retourné aux manettes, il fait danser les derniers fêtards. Je me joins à eux. Quelle soirée. Il est 6 heures du matin, dehors l’aube tente de pointer sous les nuages et la pluie.
Je rentre ; dans la chambre tout le monde dort. Tandis que je me prends les pieds dans mon pantalon et chute dans un relatif silence, Odile me demande si ça va. Si ça va ? Mais je suis le roi du monde ce soir…
et je sombre dans le néant.
Nous répétons le titre d’Au bonheur des dames. Kéké ne le sait pas, qui nous écoute, mais ce morceau sera le support de la chanson des filles qui vont défiler tout à l’heure. Pascou en a écrit les paroles. Nous avons répété mercredi dernier à la SJM. Pour des raisons de confidentialité je n’ai pas pu en parler bien sûr. Ce fut un moment très drôle de « coacher » ces jeunes femmes dans la folle cohue de ce soir là. Carole notamment a eu beaucoup de mal à prononcer "photoshop", et nous étions suspendu à ses lèvres au moment fatidique alors qu'invariablement elle prononçait "shop-photo". Finalement elle a réalisé l'exploit, dans une explosion de vivats. Je ne sais pas pourquoi, à présent ça me rappelle la blague des deux femmes, qui discutent des petites bizarreries de leur mari. L'un des deux aime bien les gâteries. Mais la pauvre Dame ne sait pas bien comment s'y prendre. Jusqu'ici leurs pratiques ont été plutôt conventionnelles et limitées à la stricte observance des canons de l'église en matière de reproduction sexuée. Sa copine un peu plus délurée lui dit : au moment de pratiquer ta "bonne manière", tu prononces le mot Honolulu. La semaine suivante, lors de la réunion mensuelle du club du livre, la copine demande : alors, ça c'est bien passé ? et la Dame dit : ne m'en parles pas ! on a passé le dimanche à l'hosto. Je ne me rappelais plus très bien le mot magique, et comme mon mari est de l'Aude, j'ai dit : Carcassone !
J’ai assisté aussi à la répétition générale du défilé de mode, chez les Isenberg. Quelle inventivité ! Toutes ces dames un peu gênée dans un premier temps, prenaient des poses de mannequins, et s’enhardissaient devant le « jury » que nous formions Jérôme, Pascou, François et moi. Quel dommage que Pascal n’ait pu voir ça. La soirée saucisse qui suivit le défilé conclut de fort belle manière cette réunion placée sous le signe de l’hilarité. Toutes ces dames ont de réels talents d’actrices. Elles ont pris plaisir je crois, à laisser libre court à leurs fantasmes les plus secrets pour leur kéké d’amour.
Mais revenons à la soirée qui nous intéresse. En attendant les invités, nous testons les sandwiches et canapés : nous donnons à Catherine le feu vert : excellente nourriture. De la même manière, dans un souci de me mettre doucement en condition, je teste un des exemplaires du William Peel mis à disposition au bar, et servi avec gentillesse par Benjamin : très correct ! Le temps de nous habiller pour la circonstance, la foule afflue déjà.
Incroyable le monde que connaît le Kéké ! Pas loin de 200 personnes se pressent sous un ciel menaçant. De toutes origines, issus des milieux du tennis, de la clientèle, sélectionnées parmi les visiteuses médicales, sans compter ses différents groupes d’amis, tous se mêlent, se découvrent, échangent, aidés en cela par le champagne qui coule littéralement à flots. Je m’aperçois que jusqu’à cet anniversaire, Pascal a cloisonné ses relations, et qu’en la circonstance il a décidé de les mettre en contact. Pari risqué, surtout en regard de notre aversion pour les trous du cul de tous poils. Nous sommes capables de tout quand nous nous sentons aux abois. Pascal le sait, il a pris le risque.
Au cours de la soirée, ce sont 105 des 120 bouteilles prévues qui passent de vie à trépas pour le plus grand bonheur de tous. Malgré la fraîcheur ambiante, la chaleur gagne les invités et une noria s’installe entre le bar et les groupes, grâce à la courtoise efficacité de Benjamin et ses copains. Qui dit que la jeunesse française est à la dérive ? Quand on voit ces jeunes, on ne peut que reprendre espoir. Ces jeunes là, les décideurs de demain, sont d’une gentillesse émouvante.
Je suis tranquille, je sais que quoi qu’il arrive ma retraite est garantie ; ils ne nous abandonneront pas ! Mais pour l’heure ce n’est pas ma retraite qui me préoccupe le plus. Je prends plaisir à croiser mes amis et des inconnus tout au long de pérégrinations sur les chemins incertains qui me conduisent à travers les rassemblements. Je me sens comme le marin solitaire qui croise d’îles en îles, et jette l’ancre quelques instants au grès du hasard de cette carte maritime informelle qui se dessine ce soir. Pas d’écueils, rien que de tranquilles anses où mouiller en toute sécurité, amené là par quelque alizé, ou un courant amical.
Je rencontre ainsi Vincent, arrivé il y a une heure à peine d’un périple VTT en Bulgarie, accompagné d’une amie rencontrée lors de la féria. Les Unit venus s’encanailler pour l’occasion, les Creach, arrivés de Narbonne, Nele (17 septembre 1957), Les Thevenon, et en attendant que Nantana n'arrive jusqu'à moi, j'ai le plaisir de saluer Alain D. Je discute longuement avec Malvina, la nièce de Catherine ; elle est notaire à Bellegarde, son mari finit ses études de médecine. Nous parlons musique et spectacle. Cette jeune femme, parallèlement à sa carrière, danse le hip hop et se produit comme nous dans de petits spectacles. Complicité d’artiste. Nous échangeons sur le plaisir de se produire en public, sur le stress qui monte, sur la nécessité de contrôler sa soif afin de ne pas être débordé par un début d’ivresse. Je parle un long moment avec La Fan, Pascale. J’en apprends plus sur son parcours, sur sa vie, sur ce qu’elle aime. Et je poursuis ainsi mon tour de soirée, évacuant mon stress en paroles jusqu’au moment du défilé des amies de Kéké. Je suis certains qu’il était loin de s’attendre à tel spectacle !
François Lejeune en est le Monsieur Loyal. Il a revêtu pour la circonstance une splendide veste de smoking en soie blanche et parements noirs. Il a fière allure lorsqu’il présente une à une les modèles de ce défilé décalé. La belle plante, celle qui a des heures de vol, le cageot, la cochonne, le thon, la bien roulée, la cruche, la bonne du curé, la casse-bonbons, la grosse vache, le boudin, la grenouille de bénitier, se présentent tour à tour dans une allée centrale ménagée entre deux rangs serrés de convives. Au terme de leur prestation, chacune dépose une offrande aux pieds d’un kéké hilare : une boite de thon, un cactus, une jarretière en saucisson etc..
Elles sont sur l’estrade sous les applaudissements des invités. Sous les coups de baguette de Phil le K, Pierrot entame le rif d’Oh les filles. Par groupes de deux, elles chantent le texte que Pascou a écrit. Grand moment ! Les UFR prennent le relais quelques minutes après, tandis que la pianiste les rejoint sous des ovations. Les titres s’enchaînent. Le public s’amuse, il danse, il reprend les refrains. Je me sens bien, le son n’a jamais été aussi bon (ou moins pire !). Alain, à mi-parcours nous rejoint, et c’est une joie de le retrouver avec nous. Il n’a pas oublié les refrains. Nous jouons tous nos titres à part Highway et Kravitz. Avec Oh les filles nous aurons donc interprété onze morceaux. A la fin, après le rappel, nous nous enlaçons, nous sommes heureux.
La représentation terminée nous démontons les instruments pour libérer la place. Fin de la tension, mission accompli. J’ai une soif terrible, et je lance à la cantonade, dans le micro (qu’est-ce que c’est utile un micro dans ces circonstances !) je boirais bien quelque chose ! Dans les 20 secondes trois filles (dont la Fan) m’apportent un verre : quel pied ! Un gars dont je ne me souviens plus le prénom s’empare du micro. Il pérore durant un bon quart d’heure alors que nous affairons tout autour. Il affirme avoir oublié le papier qu’il avait écrit pour la circonstance. Il me semble un peu « à l’ouest », il s’embrouille, répète plusieurs fois le malheur du papier oublié, intime à l’assistance de faire silence, promet qu’il a de grande chose à dire. Philou à coté de lui ne sait comment s’emparer de son micro pour le faire taire. Finalement je débranche la prise de l’ampli : fin du discours ! Kéké heureux nous certifie que c’était là notre meilleur concert. Nos amis musiciens nous confirment que c’était bien et qu’il ne faut pas lâcher. C’est bon de passer entre les gens, d’être reconnu et de recevoir des commentaires, des félicitations. Deux personnes affirment être fans de ma voix. Merde alors, moi qui ne supporte pas ma propre image, comment quelqu’un peut il aimer ma voix ? ca procure un sentiment étrange, une petite fierté. François m’aborde. Selon lui j’ai la voix de Little Bob Story. Le nain du blues ! Une corde de plus à mon arc ! Au moins ma voix ne laisse pas indifférent, tant on lui cherche des équivalents, même les plus improbables.
Le reste de la soirée se perd un peu dans de brumeuses sensations, je continue mon tour des conversations, et je rate du coup la remise des cadeaux. Kéké, dans un nuage, regarde à peine le paquet qu’on lui tend, il le fait tomber lourdement : il s’agit de l’imprimante ! Il ne pense pas à l’ouvrir, dommage, dedans il y avait une antique imprimante. J’aurais aimé voir sa tête s’il l’avait découverte. Le saut en parachute, quelques mots : c’est fini pour les cadeaux. Ca c’est fait ! The show must go on. De mon coté je rencontre Dieu en compagnie de Florence et Lise. Je ne sais plus très bien de quoi il est question, mais c’est mon moment mystique. En général dans les soirées j’ai deux grands moments : le mystique, et le quart d’heure allemand. Il ne me semble pas avoir récité la Lorelei ce soir. Durant un long moment je suis pris en amitié par un avocat. La sono tonitrue ses décibels, je n’entends rien, je suis au bar, un whisky atterrit dans ma main tandis que Maitre Collard continue à me faire ses confidences. Moment d’intimité privilégié entre hommes. Des choses importantes, des vérités définitives sont dites, qui sans doute constituent une avancée importante dans la pensée philosophique du siècle. Hélas, je n’en comprends pas un mot. Le malheureux ne sait pas qu’il me parle à ma mauvaise oreille et que je n’ai pas la plus petite idée de ce qu’il me raconte. En revanche je ne veux pas le décevoir, je déploie donc toute mon énergie à montrer mon approbation. Au moyen d’une suite d’onomatopées savamment distillées, j’entretiens l’illusion afin qu’il puisse me délivrer son vibrant message d’espoir. Une jeune femme brune mignonne prend le relais. Cette fois je l’entends clairement, nous sommes un peu lus loin des enceintes. Elle me parle longuement, et je suis en phase avec elle. Ce qu’elle dit me parait frappé au coin du bon sens. Bon, elle tangue bien un peu alors qu’elle me parle sur le ton de la confidence, mais comme de mon coté j’accuse un léger roulis, nos frêles esquifs naviguent de concert un moment. De quoi avons-nous parlé ? Confidentiel défense ! Pour être plus sincère, je n’en ai plus aucun souvenir. Et je continue à déambuler. Kéké a pris les choses en mains coté sono. Il a préparé toute une playlist de titres. Ils me plaisent bien ces morceaux. Je réalise que c’est normal, il les a puisés parmi les dix mille titres que je lui avait passés quelques jours auparavant. Je monte sur la piste de danse. Je me lance dans des improvisations de déhanchements, de mouvements de bras et de jambes. Ceux-là même qui ont fait ma réputation. La musique m’envahit, le rythme me prend, je danse, d’autre corps m’entourent, on bouge à l’unisson. J’aperçois mon kéké hilare assis devant son ordi, une cigarette à la bouche, un verre à la main(où l’inverse, à moins que ce ne soit une cigarette dans le verre et une main dans la bouche !). Putain quelle soirée ! J’ai soif je m’approche du bar. Le gentil jeune homme, ah oui, c’est Benjamin, me reconnait. Il ne me demande rien. Il sait désormais que pour moi c’est boisson ambrée avec un glaçon dedans. Je sors. La fraîcheur de l’air me revigore. Il me semble que je progresse vers un îlot de buissons, vers les voitures, je marque mon territoire tout autour en contemplant les étoiles dans le ciel de plomb vaguement luminescent des lumières de Lunel au loin, et traversé d'éclairs qui déchirent l'espace dans des craquements sinistres. Je remarque que certaines étoiles sont très lumineuses.
Zut, c'est pas des étoiles, ce sont les yeux des hiboux, des centaines de hiboux qui me regardent en clignant de leurs grand yeux scintillants. effrayés par une harde de chauves-souris, ils s'envolent lourdement. le spectacle de la faune nocturne est fascinant. Je ne savais pas qu'il y avait une colonie de hiboux dans ce coin. Quant aux chyroptères suceurs de sang, je les chasse en criant des imprécations. Je suis bien ; mes idée à cet instant sont étrangement claires. Il me semble à cet instant précis que je suis sur le point de percer le Mystère de l'Univers. Tout devient limpide,l'alpha et l'oméga vont s'unir et me livrer leur secret, je vais enfin apréhender le Grand Tout, ne plus faire qu'un avec lui, je suis certain que même le mode d'emploi de la machine à laver, et son programme éco à 4O degrés avec essorage rotatif alterné pour défroisser le linge sont à portée de main.
Je chasse quelques roussettes retardataires qui couinent nerveusement en virant sur l'aile avant de disparaitre dans les frondaisons inquiétantes. sales bêtes !
Je me tiens maintenant sous l’une des deux marquises qui ont été dressées à l’entrée de l’étable. Devant, de nombreux noctambules sont encore assis aux tables. Ca discute, je me mêle aux conversations. Telle une boule de flipper percutant aléatoirement les plots élastiques qui s’allument dans la nuit, je suis comme projeté par quelque joueur de bar cosmique qui frapperait frénétiquement les boutons pour me renvoyer toujours plus loin, toujours plus fort. A grand coups de pelvis, il tente d’imprimer à ma trajectoire des directions insensées, je file, je rebondis, je plonge, je suis rattrapé in extremis par l’une des deux gâchettes et renvoyé dans les limbes du flipper tout en haut. Je fais péter le score, les seins de la danseuse à demi nue sur le tableau électrique s’allument : extraballe ! J’atterris. La danseuse se tient en face de moi. Mais je la reconnais : C’est Valou ! Elle est aussi joyeuse que moi, elle me tend la main. Elle m’entraine sur l’estrade. Nous faisons un rock, il me semble que ça joue « j’aime regarder les filles ». On danse un moment, je la raccompagne vers Hubert. Allez on rentre maintenant ! Non, je veux rester : c’est la fête des mères après tout, j’ai le droit de faire ce que je veux. Je les abandonne et repars pour de nouvelles aventures, encore des conversations improbables, encore des sauts périlleux sur la piste. Quelle soirée. Je m’approche de la sono : merde, personne. Le kéké a quitté le navire, il n’y a plus personne à la barre. Le bateau ivre prend l’eau, une mièvrerie s’est glissée dans la playlist, branle-bas de combat tout le monde sur le pont. Il faut faire quelque chose. Je prends mon courage à deux mains et me glisse dans la peau du DJ. Je choisis les titres qui me plaisent. Je me sens en connexion avec les danseurs, il me semble anticiper ce dont ils ont besoin, je devine leur souhaits, je devance leurs envies, je veux qu’ils s’éclatent. Les titres se succèdent, c’est l’osmose parfaite, je sens qu’on va faire péter la baraque. Mais nom de dieu, quelle soif. A mon tour, je saute du navire, non sans l’avoir mis en pilotage automatique avant de partir. Je rame jusqu’au bar. Une fois n’est pas coutume, je demande un verre de Perrier. Ca fait du bien, je me pose un peu, je contemple l’espace autour de moi. Les rangs se sont clairsemés, il doit être tard. Je me dirige vers la mangeoire. Elle n’a jamais si bien porté son nom ! Je débusque des parts de gâteau. J’ai une dalle ! J’en mange deux ou trois d’affilée. Après le sucré, le salé, : je m’aperçois qu’il y avait de l’anchoïade. Je me précipite sur les champignons et le chou-fleur, je les trempe dans la sauce : c’est divin, j’en mange des kilos. Et après ça continue, encore et toujours, la piste, le bar, les conversations, les sorties… Il ne reste plus qu’une dizaine de jeunes, Odile s’est couchée il y a une demi-heure. Le dernier carré. Le Kéké est retourné aux manettes, il fait danser les derniers fêtards. Je me joins à eux. Quelle soirée. Il est 6 heures du matin, dehors l’aube tente de pointer sous les nuages et la pluie.
Je rentre ; dans la chambre tout le monde dort. Tandis que je me prends les pieds dans mon pantalon et chute dans un relatif silence, Odile me demande si ça va. Si ça va ? Mais je suis le roi du monde ce soir…
et je sombre dans le néant.
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samedi 24 mai 2008
vendredi 23 mai 2008
Une Pièce Cryptique
Il est toujours difficile de rendre compte de ce qui se passe lors de l’une de nos répétitions. Il y a une partie travail bien sûr, mais il y a aussi beaucoup d’informel, de petites phrases, des remarques, des commentaires sur l’actualité, un peu de gossips comme disent les anglais, et bien sur du cul, bien que l’arrivée d’éléments féminins dans le groupe ait quelque peu édulcoré nos propos machistes. Délicat donc de narrer de manière exhaustive une séance tant chacune d’entre elle est à la fois différente et semblable à l’une des cent autres.
Voici toutefois une petite synthèse de ce qui aurait pu se dire ce dernier mercredi soir en la SJM.
Tandis-que le rideau rouge monte, on découvre un décor de théâtre, à l’intérieur, reconstitué à l’identique, le matériel de musique installé s’étale dans les espaces laissés libres par les musiciens et les meubles et bibelots entreposés là. On reconnait la mythique salle Jim Morrison.
Tout le monde s’affaire. Il y a des conversations simultanées. On reconnait les protagonistes des UFR. Ce sont des acteurs. Le casting a été long, qui a permis de sélectionner des comédiens très ressemblants.
Bon les mecs, tout le monde est là ou quoi ? Paris Bordeaux le mans. Essai micro, un, deux.
Bruits de doigts sur le micro, raclements de gorge. Lampée de boisson ambrée.
On y va ou quoi ?
Essai guitare, roulement de caisse claire, ajustement de charleyston, on ajuste le siège.
Une profonde et basse vibration retentit dans l’air et fait vibrer les objets tout autour.
C’est quoi le premier morceau ?
Bête de scène
Hein ?
BETE DE SCENE !
‘Tin vous êtes vraiment des cruches, ça fait des semaines qu’on commence comme ça. Ca devrait être su !
Ça roumègue un peu et ça démarre :
On dit de moi que je chante fôôô on dit qu’j’suis pas bôôôôôoooo. Etc.
Bon, c’était correct, non ?
Ouais.. un peu rapide je crois. Allez on la refait.
Tu es sur que tu es accordé Pascou ? Ca sonne bizarre.
Euh Mitch, tu serais pas un peu casse-bombons ? Ma basse c’est une Fender de chez Fender, elle ne peut pas être désaccordée. Je l’ai réglée sur l’horloge atomique de l’université d’Heidelberg, elle est au La 440.
C’est quoi après ?
Merde ! Pierrot, ça devrait être su. Après c’est Jumping.
Ah oui c’est vrai..
I was boôôoorn in a crossfiiiiire huricane…
Ahhh pas mal non ?
Oui, peut-être un peu lent ?
On la refait plus rapide ?
Et qu’est ce que tu faisais Jésou, à jouer accroupi devant ton ampli ?
‘Tin Michel, je m’entends pas !
Ouais, et puis les voix sont trop fortes. Et puis elles sont bizarres, on dirait une hôtesse de l’air qui parle dans son micro juste avant que l’avion se crache.
Hmmmm, une hôtesse de l’air. Si possible avec quelques heures de vol, Tu te souviens Jésou, dans l’avion du Canada ? Quant on a passé six heures dans la cambuse des stewards à fumer et écluser les mominettes de whisky ?
Ouais, et que Philou est sorti de l’avion avec ses bottes de motoneigistes enfilées sur le mauvais pied !
Ah le con ! Il était bourré comme un boudin antillais !
Oh les mecs, on y retourne, parce que c’est pas là que ça touche, y en a encore 10 derrière.
D’ailleurs c’est quoi Après.
Merde Pierrot tu fais chier ! C’est Protest.
Ah oui c’est vrai.
JE PROTESTE JE CONTESTE……
Elle était pas mal celle-là, bien rythmée..
Ouais, ça allait. Mais Pascou tu es obligé de pincer tes cordes comme ça ?
Bah moi je sais pas, j’ai toujours fait comme ça.
Ouais ben justement, à ce propos, si tu pouvais changer…
Allez on enchaîne, on mollit pas.
…Ca serait pas l’heure de la pause ?
Tu rigoles on n’a fait que trois chansons.
Je sais pas ce qui se passe ce soir, j’ai l’impression qu’on se traîne.
Lampée de boisson ambrée. On s’assoit le temps que Pierre montre à Pascou un nouvel arrangement.
Tu vois tu mets ton gros doigt sur cette corde là, comme ça. Mi La Si, tu te souviendras ?
Allez Ecolosong
Hein ?
ECOLOSOOOONG.
Ah ok, j’avais entendu « grosse cochonne »
Oooooooh Jésou.
Quoi les filles, avec mes tampax dans les oreilles j’entends rien.
(pop)
Qu’est-ce que tu dis ?
Rien Pierrot, continue à trafique ta pédale.
BroôôOOOOOOOOOooïïïïïnnnnnnnnnng
Là tu es trop fort maintenant Pierrot.
Moi je t’entends pas à la batterie, tu as changé les piles récemment ?
C’est toi qui devrais changer les piles de ton sonotone !
Hein ?
(Gammes de piano en fond. la petite musique de nuit. Lolo aime bien la jouer façon rock, mais en valse)
Lolo, il est pas un peu fort ton piano ?
Je sais pas j’entends rien avec l’ampli de Pierrot et la voix de Michel couvre tout.
Bon, on va baisser
(geste factice de la main des guitaristes).
C’est mieux comme ça ?
(Regards entendus, mimique dubitative du batteur)
Ah ouais, ça change tout !
Bon, si on faisait la pause ?
Ouais, ouvre la fenêtre.
Odile monte sur un coussin, glisse, se rattrape de justesse à la poignée d’une fenêtre, se hisse, et d’un laborieux rétablissement escalade une pile de cassettes et de bouquins. Elle ouvre. L’air s’engouffre, balayant dans son sillage des volutes de fumée. On commence à s’apercevoir dans les trouées.
Ah tu étais à ma droite Pascou ? Je te croyais de l’autre coté.
Non, non.
Mais c’était à qui alors le manche que je sentais entre mes fesses ?
Euh, Odile, c’était pas un manche.
Je prends mon tabac, et je me prépare une cigarette. Je l’aime bien roulée. Je suis à la recherche de la cigarette parfaite comme le surfer poursuit la vague mythique.
Merde Mitch, fais attention !
Quoi, qu’est-ce-qu’il y a ?
Ben tu viens encore de m’arracher mon câble !
Où ça ?
Là par terre, le jack en or de ma pédale.
Aussi, tu as vu où tu la pose ta pédale ? Elle est en plein milieu, où est-ce que tu veux que je marche, y a de tout partout avec vos bidules !
Bon on y retourne ?
Ouais refermez la fenêtre.
Qu’est-ce qu’on joue maintenant ?
Prout Mary !
Allez c’est parti.
Moi j’en peux plus de jouer toujours la même chose, ça doit faire trois cent fois que je la chante celle-là. On pourrait pas changer un peu ?
Bah, on va puiser dans le folklore français si tu veux… pourquoi pas Annie Cordy, tata yoyo ?
Non, mieux : La Bonne du Curé !
Ah oui, la bonne du curé façon ACDC.
Oui je verrais bien lolo et Odile en bonnes du curé, en train de hurler dans le micro. Ca dépoussiérerait un peu !
Allez, Prout Mary.
Tac, tac, tac, (bruits de métronome des baguettes).
Leeeeft a good job in the cityyyyyyy….
Bon, ça c’est fait. C’était pas un peu rapide ?
Oui, on a pris le TGV pour celle-là.
On était pressé comme des lavements.
Tu es la poétesse du groupe Lolo.
Bon, c’est quoi après ?
Nouillorque.
Hein ?
NOUILLORQUE !
Donne ton micro à Odile, on l’entend pas.
Ben c’es sur qu’avec les boules Quies dans les oreilles, ça facilite pas les choses.
Un jour j’irai à New York avec toi…….
Odile, tu progresses à chaque fois.
Merci mon Pascou.
Eh, si je vous gène, je peux sortir !
Ben justement puisque tu en parles Mitch, Ca nous ferait du bien à tous.
Ouais et ben je vais le faire, et vous verrez ça va vous faire drôle. Vous ferez des prières pour que je revienne.
C’est ça : dans la paix du christ !
Pascou, pour un mécréant, je trouve que tu deviens mystique, une vraie grenouille de bénitier !
Moi ça me dérange pas si le bénitier est rempli de boisson ambrée.
Ah c’est sur qu’une bénédiction au whisky, ça a une autre gueule.
En attendant, ça serait bien que quelqu’un en ramène un cageot ou deux, de whisky, parce que à l’allure ou vous le torchez, acheter une bouteille à la fois c’est pas rentable !
Eh Jésou, traite-nous d’alcoolique tant que tu y es !
Merde Mitch, tu as encore failli marcher sur mon fil.
Non, mais n’importe quoi, regarde où j’ai mis le pied. C’était à plusieurs centimètres. Moi je suis coincé entre le manche de ta basse, le lutrin d’Odile et la table aux apéritifs. Je joue à moitié plié en deux.
Bon, on avance. On reste concentré. C’est quoi après ?
Whatever.
C’est sur, c’était pas Spam avant ?
Non, on a changé la dernière fois, on devait aller crescendo jusqu’à whatever, et retomber tranquillement jusqu’à Kravitz.
Euh d’ailleurs Mitch, il faut qu’on reparle de Kravitz.
Quoi Kravitz ? Moi je me suis pas crevé le cul pendant trois mois pour qu’on arrête Kravitz, je vous préviens.
Bon, de toute façon c’est la peine de s’énerver sur ça. Kravitz, Highway et Marre de toute façon on les jouera pas. Ils sont trop frais, on n’est pas prêt. On n’arrive jamais à les terminer correctement.
Si une fois il me semble qu’on a pas trop mal fini Marre.
Oui, un heureux hasard.
Pas du tout, c’est le talent et l’expérience qui ont parlé.
En ce moment, il s’agirait de la mettre en veilleuse plutôt, parce que coté talent et tout ça, je vous signale qu’on massacre CONSCIENCIEUSEMENT.
Ben tu vois, on a au moins ce talent.
Bon on fait quoi alors ?
Allez, Spam.
Euh, Pierrot, le Mi ça correspond bien à A en anglais ?
Non ! A c’est La. Mi c’est E. Pascou, tu vas pas nous refaire le coup du Delirium ?
Non j’ai pas assez bu pour ça, ah, ah, ah, ah, ah !
Spam !
Jésou, dans sa bulle, se concentre sur Lenny Kravitz et révise la partie piano à la guitare.
Qu’est-ce qu’on joue ?
SPAM !
Ah oui, tout le monde est prêt ? On le joue rapide ou lent ?
On le joue bien lourd en tous cas.
Allez donne le rythme Phil.
Tac, tac, tac.
Le matin je me lève, au petit déjeuner…
Là c’était bon, non ?
C’était pas un poil trop lent ?
Moi j’aime bien quand c’est bien lourd.
Oui mais là c’était pas lourd, c’était pesant.
Moi je dis plus rien ! Vous le jouez comme vous voulez, je suivrai.
Quand c’est lent comme ça j’ai l’impression qu’on fait du rock rural. Je vois les cultures de maïs, et les grosses vaches dans les champs. Avec le tracteur embourbé jusqu’au essieux pas loin.
On en est où là, qu’est-ce qu’il reste ?
Euh.. Bah y a ACDC, Caroline, Kravitz et Marre.
Si on se faisait « Marre » vite fait sur le gaz ?
Ok
Tout le monde est prêt ?
On fait quoi alors ?
MARRE, Pierrot.
Allez c’est parti !
Tiens ce matin le soleil était plein…
….. Oxygèneuuuuuuuuuuuuh ! rhââââ !
Faut que je boive un petit coup, j’ai la gorge toute desséchée, et j’ai mon polype qui me titille.
On peut dire que tu en prends soin de ton polype.
Oui ça doit être un sacré polype vu ce que tu écluses.
Mais c’est toujours le même verre depuis le début !
Ah ben c’est sûr, par contre à l’intérieur, il y a un fort turn over.
Je peux pas te dire pour le turn over, je dirais en tous cas que là dedans il y a un fort goût de malt !
On m'otera pas de l'idée non plus qu'il ya de la pomme là-dedans !
Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a aut'chose. Ça serait pas dès fois de la betterave, hein ?
Si, y'en a aussi.
Ah ça, on dira ce qu'on voudra : c'est une boisson d'homme.
Oui, c'est du brutal !
J'ai connu une polonaise que ça a rendu aveugle !
Eh les tontons flingueurs du rock, on s'y remet un peu ou on fait de la filmographie ?
Le whisky ça ne peut pas me faire de mal, en plus c’est recommandé par des sommités médicales. Ça nettoie les artères. C’est fait rien qu’avec des belles plantes des montagnes d’Ecosse.
Ben puisque t’es désaltéré on peut se faire Caroline Alors ?
Oui, en levrette !
Ooooh, Jésou.
On se ferait pas une petite pause avant ?
Non allez, on boucle le truc, et après on fait le break.
Bon ben : Caroline alors.
Et on met la gomme hein ?
Oui, la dernière fois il était un peu lent.
If you want tooooo tun me on to….
Ouah, c'était pas mal non ?
Oui, juste rapide comme il fallait.
Oui, Mitch par contre, à la fin pendant le refrain, y a eu du larsen. C’est ton micro encore, tu l’aurais pas monté sans nous le dire ? On aurait dit une corne de brume.
Ou la sirène des pompiers.
Tiens au fait vous savez ce que c’est une Sirène ?
Vas-y, dis toujours ?
Ben une sirène c’est mi femme mi-thon !
Très fin vraiment !
Ouais, encore un truc de mec.
Ohhhh les filles, si on peut pas rigoler un peu..
ben moi j'en ai une aussi, tiens :
Les mecs c'est comme le chewing-gum, au début c'est bon, mais après sa colle!
Euh, Odile, c'est nul ta blague !
Le rideau tombe alors que le groupe entame Highway to hell dans une discordance de conversations de rires et d’instruments….
Pour ceux que ça intéresse : les vrais dialogues d'Audiard dans la scène de la cuisine tirée des Tontons flingueurs.
Voici toutefois une petite synthèse de ce qui aurait pu se dire ce dernier mercredi soir en la SJM.
Tandis-que le rideau rouge monte, on découvre un décor de théâtre, à l’intérieur, reconstitué à l’identique, le matériel de musique installé s’étale dans les espaces laissés libres par les musiciens et les meubles et bibelots entreposés là. On reconnait la mythique salle Jim Morrison.
Tout le monde s’affaire. Il y a des conversations simultanées. On reconnait les protagonistes des UFR. Ce sont des acteurs. Le casting a été long, qui a permis de sélectionner des comédiens très ressemblants.
Bon les mecs, tout le monde est là ou quoi ? Paris Bordeaux le mans. Essai micro, un, deux.
Bruits de doigts sur le micro, raclements de gorge. Lampée de boisson ambrée.
On y va ou quoi ?
Essai guitare, roulement de caisse claire, ajustement de charleyston, on ajuste le siège.
Une profonde et basse vibration retentit dans l’air et fait vibrer les objets tout autour.
C’est quoi le premier morceau ?
Bête de scène
Hein ?
BETE DE SCENE !
‘Tin vous êtes vraiment des cruches, ça fait des semaines qu’on commence comme ça. Ca devrait être su !
Ça roumègue un peu et ça démarre :
On dit de moi que je chante fôôô on dit qu’j’suis pas bôôôôôoooo. Etc.
Bon, c’était correct, non ?
Ouais.. un peu rapide je crois. Allez on la refait.
Tu es sur que tu es accordé Pascou ? Ca sonne bizarre.
Euh Mitch, tu serais pas un peu casse-bombons ? Ma basse c’est une Fender de chez Fender, elle ne peut pas être désaccordée. Je l’ai réglée sur l’horloge atomique de l’université d’Heidelberg, elle est au La 440.
C’est quoi après ?
Merde ! Pierrot, ça devrait être su. Après c’est Jumping.
Ah oui c’est vrai..
I was boôôoorn in a crossfiiiiire huricane…
Ahhh pas mal non ?
Oui, peut-être un peu lent ?
On la refait plus rapide ?
Et qu’est ce que tu faisais Jésou, à jouer accroupi devant ton ampli ?
‘Tin Michel, je m’entends pas !
Ouais, et puis les voix sont trop fortes. Et puis elles sont bizarres, on dirait une hôtesse de l’air qui parle dans son micro juste avant que l’avion se crache.
Hmmmm, une hôtesse de l’air. Si possible avec quelques heures de vol, Tu te souviens Jésou, dans l’avion du Canada ? Quant on a passé six heures dans la cambuse des stewards à fumer et écluser les mominettes de whisky ?
Ouais, et que Philou est sorti de l’avion avec ses bottes de motoneigistes enfilées sur le mauvais pied !
Ah le con ! Il était bourré comme un boudin antillais !
Oh les mecs, on y retourne, parce que c’est pas là que ça touche, y en a encore 10 derrière.
D’ailleurs c’est quoi Après.
Merde Pierrot tu fais chier ! C’est Protest.
Ah oui c’est vrai.
JE PROTESTE JE CONTESTE……
Elle était pas mal celle-là, bien rythmée..
Ouais, ça allait. Mais Pascou tu es obligé de pincer tes cordes comme ça ?
Bah moi je sais pas, j’ai toujours fait comme ça.
Ouais ben justement, à ce propos, si tu pouvais changer…
Allez on enchaîne, on mollit pas.
…Ca serait pas l’heure de la pause ?
Tu rigoles on n’a fait que trois chansons.
Je sais pas ce qui se passe ce soir, j’ai l’impression qu’on se traîne.
Lampée de boisson ambrée. On s’assoit le temps que Pierre montre à Pascou un nouvel arrangement.
Tu vois tu mets ton gros doigt sur cette corde là, comme ça. Mi La Si, tu te souviendras ?
Allez Ecolosong
Hein ?
ECOLOSOOOONG.
Ah ok, j’avais entendu « grosse cochonne »
Oooooooh Jésou.
Quoi les filles, avec mes tampax dans les oreilles j’entends rien.
(pop)
Qu’est-ce que tu dis ?
Rien Pierrot, continue à trafique ta pédale.
BroôôOOOOOOOOOooïïïïïnnnnnnnnnng
Là tu es trop fort maintenant Pierrot.
Moi je t’entends pas à la batterie, tu as changé les piles récemment ?
C’est toi qui devrais changer les piles de ton sonotone !
Hein ?
(Gammes de piano en fond. la petite musique de nuit. Lolo aime bien la jouer façon rock, mais en valse)
Lolo, il est pas un peu fort ton piano ?
Je sais pas j’entends rien avec l’ampli de Pierrot et la voix de Michel couvre tout.
Bon, on va baisser
(geste factice de la main des guitaristes).
C’est mieux comme ça ?
(Regards entendus, mimique dubitative du batteur)
Ah ouais, ça change tout !
Bon, si on faisait la pause ?
Ouais, ouvre la fenêtre.
Odile monte sur un coussin, glisse, se rattrape de justesse à la poignée d’une fenêtre, se hisse, et d’un laborieux rétablissement escalade une pile de cassettes et de bouquins. Elle ouvre. L’air s’engouffre, balayant dans son sillage des volutes de fumée. On commence à s’apercevoir dans les trouées.
Ah tu étais à ma droite Pascou ? Je te croyais de l’autre coté.
Non, non.
Mais c’était à qui alors le manche que je sentais entre mes fesses ?
Euh, Odile, c’était pas un manche.
Je prends mon tabac, et je me prépare une cigarette. Je l’aime bien roulée. Je suis à la recherche de la cigarette parfaite comme le surfer poursuit la vague mythique.
Merde Mitch, fais attention !
Quoi, qu’est-ce-qu’il y a ?
Ben tu viens encore de m’arracher mon câble !
Où ça ?
Là par terre, le jack en or de ma pédale.
Aussi, tu as vu où tu la pose ta pédale ? Elle est en plein milieu, où est-ce que tu veux que je marche, y a de tout partout avec vos bidules !
Bon on y retourne ?
Ouais refermez la fenêtre.
Qu’est-ce qu’on joue maintenant ?
Prout Mary !
Allez c’est parti.
Moi j’en peux plus de jouer toujours la même chose, ça doit faire trois cent fois que je la chante celle-là. On pourrait pas changer un peu ?
Bah, on va puiser dans le folklore français si tu veux… pourquoi pas Annie Cordy, tata yoyo ?
Non, mieux : La Bonne du Curé !
Ah oui, la bonne du curé façon ACDC.
Oui je verrais bien lolo et Odile en bonnes du curé, en train de hurler dans le micro. Ca dépoussiérerait un peu !
Allez, Prout Mary.
Tac, tac, tac, (bruits de métronome des baguettes).
Leeeeft a good job in the cityyyyyyy….
Bon, ça c’est fait. C’était pas un peu rapide ?
Oui, on a pris le TGV pour celle-là.
On était pressé comme des lavements.
Tu es la poétesse du groupe Lolo.
Bon, c’est quoi après ?
Nouillorque.
Hein ?
NOUILLORQUE !
Donne ton micro à Odile, on l’entend pas.
Ben c’es sur qu’avec les boules Quies dans les oreilles, ça facilite pas les choses.
Un jour j’irai à New York avec toi…….
Odile, tu progresses à chaque fois.
Merci mon Pascou.
Eh, si je vous gène, je peux sortir !
Ben justement puisque tu en parles Mitch, Ca nous ferait du bien à tous.
Ouais et ben je vais le faire, et vous verrez ça va vous faire drôle. Vous ferez des prières pour que je revienne.
C’est ça : dans la paix du christ !
Pascou, pour un mécréant, je trouve que tu deviens mystique, une vraie grenouille de bénitier !
Moi ça me dérange pas si le bénitier est rempli de boisson ambrée.
Ah c’est sur qu’une bénédiction au whisky, ça a une autre gueule.
En attendant, ça serait bien que quelqu’un en ramène un cageot ou deux, de whisky, parce que à l’allure ou vous le torchez, acheter une bouteille à la fois c’est pas rentable !
Eh Jésou, traite-nous d’alcoolique tant que tu y es !
Merde Mitch, tu as encore failli marcher sur mon fil.
Non, mais n’importe quoi, regarde où j’ai mis le pied. C’était à plusieurs centimètres. Moi je suis coincé entre le manche de ta basse, le lutrin d’Odile et la table aux apéritifs. Je joue à moitié plié en deux.
Bon, on avance. On reste concentré. C’est quoi après ?
Whatever.
C’est sur, c’était pas Spam avant ?
Non, on a changé la dernière fois, on devait aller crescendo jusqu’à whatever, et retomber tranquillement jusqu’à Kravitz.
Euh d’ailleurs Mitch, il faut qu’on reparle de Kravitz.
Quoi Kravitz ? Moi je me suis pas crevé le cul pendant trois mois pour qu’on arrête Kravitz, je vous préviens.
Bon, de toute façon c’est la peine de s’énerver sur ça. Kravitz, Highway et Marre de toute façon on les jouera pas. Ils sont trop frais, on n’est pas prêt. On n’arrive jamais à les terminer correctement.
Si une fois il me semble qu’on a pas trop mal fini Marre.
Oui, un heureux hasard.
Pas du tout, c’est le talent et l’expérience qui ont parlé.
En ce moment, il s’agirait de la mettre en veilleuse plutôt, parce que coté talent et tout ça, je vous signale qu’on massacre CONSCIENCIEUSEMENT.
Ben tu vois, on a au moins ce talent.
Bon on fait quoi alors ?
Allez, Spam.
Euh, Pierrot, le Mi ça correspond bien à A en anglais ?
Non ! A c’est La. Mi c’est E. Pascou, tu vas pas nous refaire le coup du Delirium ?
Non j’ai pas assez bu pour ça, ah, ah, ah, ah, ah !
Spam !
Jésou, dans sa bulle, se concentre sur Lenny Kravitz et révise la partie piano à la guitare.
Qu’est-ce qu’on joue ?
SPAM !
Ah oui, tout le monde est prêt ? On le joue rapide ou lent ?
On le joue bien lourd en tous cas.
Allez donne le rythme Phil.
Tac, tac, tac.
Le matin je me lève, au petit déjeuner…
Là c’était bon, non ?
C’était pas un poil trop lent ?
Moi j’aime bien quand c’est bien lourd.
Oui mais là c’était pas lourd, c’était pesant.
Moi je dis plus rien ! Vous le jouez comme vous voulez, je suivrai.
Quand c’est lent comme ça j’ai l’impression qu’on fait du rock rural. Je vois les cultures de maïs, et les grosses vaches dans les champs. Avec le tracteur embourbé jusqu’au essieux pas loin.
On en est où là, qu’est-ce qu’il reste ?
Euh.. Bah y a ACDC, Caroline, Kravitz et Marre.
Si on se faisait « Marre » vite fait sur le gaz ?
Ok
Tout le monde est prêt ?
On fait quoi alors ?
MARRE, Pierrot.
Allez c’est parti !
Tiens ce matin le soleil était plein…
….. Oxygèneuuuuuuuuuuuuh ! rhââââ !
Faut que je boive un petit coup, j’ai la gorge toute desséchée, et j’ai mon polype qui me titille.
On peut dire que tu en prends soin de ton polype.
Oui ça doit être un sacré polype vu ce que tu écluses.
Mais c’est toujours le même verre depuis le début !
Ah ben c’est sûr, par contre à l’intérieur, il y a un fort turn over.
Je peux pas te dire pour le turn over, je dirais en tous cas que là dedans il y a un fort goût de malt !
On m'otera pas de l'idée non plus qu'il ya de la pomme là-dedans !
Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a aut'chose. Ça serait pas dès fois de la betterave, hein ?
Si, y'en a aussi.
Ah ça, on dira ce qu'on voudra : c'est une boisson d'homme.
Oui, c'est du brutal !
J'ai connu une polonaise que ça a rendu aveugle !
Eh les tontons flingueurs du rock, on s'y remet un peu ou on fait de la filmographie ?
Le whisky ça ne peut pas me faire de mal, en plus c’est recommandé par des sommités médicales. Ça nettoie les artères. C’est fait rien qu’avec des belles plantes des montagnes d’Ecosse.
Ben puisque t’es désaltéré on peut se faire Caroline Alors ?
Oui, en levrette !
Ooooh, Jésou.
On se ferait pas une petite pause avant ?
Non allez, on boucle le truc, et après on fait le break.
Bon ben : Caroline alors.
Et on met la gomme hein ?
Oui, la dernière fois il était un peu lent.
If you want tooooo tun me on to….
Ouah, c'était pas mal non ?
Oui, juste rapide comme il fallait.
Oui, Mitch par contre, à la fin pendant le refrain, y a eu du larsen. C’est ton micro encore, tu l’aurais pas monté sans nous le dire ? On aurait dit une corne de brume.
Ou la sirène des pompiers.
Tiens au fait vous savez ce que c’est une Sirène ?
Vas-y, dis toujours ?
Ben une sirène c’est mi femme mi-thon !
Très fin vraiment !
Ouais, encore un truc de mec.
Ohhhh les filles, si on peut pas rigoler un peu..
ben moi j'en ai une aussi, tiens :
Les mecs c'est comme le chewing-gum, au début c'est bon, mais après sa colle!
Euh, Odile, c'est nul ta blague !
Le rideau tombe alors que le groupe entame Highway to hell dans une discordance de conversations de rires et d’instruments….
Pour ceux que ça intéresse : les vrais dialogues d'Audiard dans la scène de la cuisine tirée des Tontons flingueurs.
Quart de Siècle et Paranoia
La répétition de ce soir coïncide avec notre anniversaire de mariage. Le quart de siècle, carrément ! J'ai acheté un bouquet de fleur, débouché une bouteille de champagne, que nous sifflons allègrement à deux. Tandis que je bois à cet événement, je repars 25 ans en arrière. C'était la Feria. Et la veille au soir de l'échange de nos vœux, j'avais fait une bamboula à tout casser avec les Unit. Je me souviens que Domi déchaînée dansait frénétiquement sur les tables du Napo avec sa copine Chantal, la demi-sœur de Nimeño II. Domi aimait s'amuser à l'époque. Son Jean Jacques et elle traversaient les soirées comme deux Jetsetters. Depuis elle a une famille, des enfants, des responsabilités. Pas comme nous, noctambules impénitents.
C'est donc pour une bonne cause, celle de la de commémoration que nous arrivons en retard chez les Fabre. Le groupe est déjà là depuis un moment. Un excellent dessert à la crème de marron au trois quart boulotée nous tend ses arômes subtils et ses sapides textures. J'y plonge sans complexe une cuiller déjà sucée.. Hmmm que c'est bon ! Il me semble reconnaître le parfum de Sylvie. Lolita Lempika je pense. Elle en dépose toujours quelques gouttes dans ce sillon étroit qui sépare de si belle manière les formes galbées de son buste parfait mis en valeur par un vêtement admirablement décolleté dont l'étoffe chatoyante semble respirer au rythme des mouvements de ses deux poumons. A part cet événement majeur, rien de bien original, si ce n'est une succession processionnaire de tubes anciens et de compositions régionales dont l'ancienneté et le nombre restreint, qui tiendrait dans deux boites d'œufs extra-coque, atteste sinon de notre vitalité artistique, du moins de notre opiniâtre obstination à type d'acharnement dans l'enterrement de première classe frisant le trouble obsessionnel compulsif. Citons au passage un florilège des appréciations lapidaires qui accompagnent notre interprétation de « I'll be waiting » :
A chier
Lamentable
Pitoyable
Nul
Bizarrement, comme chacun me regarde en y allant de son commentaire, j'ai comme l'impression de focaliser sur moi toute l'inimitié du groupe pour cette chanson. C'est pas gagné pour le slow. C'est pas gagné non plus pour le duo de charme. En y réfléchissant, ils ont plus que raison. C'est merdique, on n'y arrivera pas ! Sauf...... Sauf si..... Sauf si Odile le chante toute seule. Ça peut marcher. Du fond de ma parano, je ne peux m'empêcher de penser que ça fait trois mois que le reste du groupe retient son souffle en espérant que je finirai par comprendre. Je les imagine, grattant, battant, pianotant, crispés sur leurs instruments, un rictus bienveillant aux lèvres, et je surprends leurs regards qui se croisent, et leurs yeux qui clignent désespérément dans le morse des musiciens : Putain, c'est quand qu'il va comprendre ? Et l'autre : J'en peux plus, encore une fois comme ça et je m'écrase les doigts dans la portière de la voiture, et ce dernier, entre deux battements de cymbales : Mais à quoi j'ai pensé quand j'ai proposé ce titre ? Je suis maudit ! Et celle-ci : Je le supporte déjà depuis 25 ans, mais si je dois l'écouter chanter « en plus », moi je rends mon tablier ! Ouais, c'est ça, bon sang mais c'est bien sur ! Parfois je surprend Odile au téléphone, elle dit des trucs en chuchotant, et puis quand je rentre dans la pièce, elle raccroche brusquement en marmonnant des excuses fantaisistes du style « c'était encore pour la boucherie Sanzot » ou « c'était mon amant ». Mais j'ai bien compris leur petit manège, ils complotent dans mon dos, j'en suis sur, ils s'appellent constamment, ils disent des horreurs sur mon compte, genre : il arrive plus à chanter, et il boit et je suis sur qu'il fume des trucs pas catholiques en plus, et patati et patata, et quand j'arrive dans la SJM je vois bien ce qui se passe, je sens bien que le silence s'installe, un silence gêné, pesant, ils font semblant d'astiquer leur manche ou la peau de leur caisse, ou de passer leurs touches à l'encaustique, mais je vois bien ce qui se passe, je suis pas fou quand même, je sais lire dans leur tête, de toute façon je sais pertinemment que je suis la dernière roue de la charrette et que je compte pour du beurre, bon sang, quand je pense que j'étais naïf à ce point, que je croyais qu'ils avaient de l'estime pour moi mais en fait ils me détestent, je sens leur haine souffler sur moi comme un feu brûlant venu de l'enfer, ils ne supporte pas que j'aie du talent, c'est pour ça qu'ils ne veulent plus qu'on passe sur scène, bien sur, je comprends maintenant, sur scène le public n'a d'yeux que pour moi, ils me vénèrent ils m'adulent, le public il le sait LUI ce que je vaux, il sait que je porte ce groupe à bouts de bras, et que sans moi tout se casserait la gueule, ils ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont de m'avoir dans le groupe, ils ne me méritent pas et c'est grâce à moi qu'on est passé dans le journal, avec ce commentaire si élogieux, eh oui les mecs, tout ça c'est ma victoire, je supporte toute la pression, surtout ne pas craquer, surtout ne pas leur montrer que j'ai déjoué leur plan machiavélique, et leur coups tordus, mais oui, mais qu'est ce que je peux être con ! Ils en avaient marre de mon succès je leur fais de l'ombre, et c'est pour ça qu'ils ont essayé de m'assassiner la voix à coups de ACDC en me faisant recommencer le morceaux 10 fois de suite, et puis le complot continue, ils me balance le Kravits dans les gencives, tiens prends ça le chanteur, débrouille-toi avec Lenny et sa voix de tarlouze, ah ah qu'est ce qu'on rigole, regarde-le se débattre dans la mélasse sirupeuse du kravitz, mon Dieu c'est pas possible comment j'ai pu être aveugle à ce point, j'avais toutes les preuves sous les nez, et j'ai pas senti l'odeur fétide de la trahison derrière cette cordialité de façade, ils m'en veulent tous, je suis incompris, les artistes comme moi ne peuvent pas être compris, les médiocres ont peur d'un type comme moi qui leur étale leurs limites sous les yeux, oui c'est ça je leur mets le nez dans leur... non je ne m'abaisserai pas à leur montrer à quel point ils m'ont fait du mal, surtout ne rien montrer, digne, je dois rester digne, je suis un seigneur, un shogun, je suis le samouraï du rock, mon micro est un sabre, il est tranchant comme la lame d'un rasoir forgé dans le plus pur acier de Tolède, ils ne doivent s'apercevoir de rien, ah ils veulent me virer, je vais attendre, comme le cobra prêt à bondir et sauter à la gorge du fakir qui croyait le dompter, tel le tigre tapi derrière un buisson dans la savane africaine s'apprêtant à égorger la gazelle sournoise rhâââââââââââââââââââ ! Qu'est ce que ça fait du bien, de cracher enfin son venin !
Une soirée sans histoires sinon, rien d'époustouflant, un son parfois déconcertant, mais sans larsen, et ça, ça n'a pas de prix. Vivement que cette période de scène se termine, et qu'on puisse se remettre au travail. Pierrot a rencontré Jako, ce dernier attend qu'on lui apporte de la matière, des compos pour mettre en route le prochain CD.
C'est tellement bon de savoir que le groupe fonctionne, et que des liens puissants se sont noués entre tous, basés sur la confiance, le respect. Pas de langue de bois, de la franchise, et cette complicité simple qui nous unit. Mais il ne pouvait en être autrement : des esprits équilibrés, forts, des vies saines, et une amitié indéfectible en sont les piliers.
Dans la paix du Christ !
C'est donc pour une bonne cause, celle de la de commémoration que nous arrivons en retard chez les Fabre. Le groupe est déjà là depuis un moment. Un excellent dessert à la crème de marron au trois quart boulotée nous tend ses arômes subtils et ses sapides textures. J'y plonge sans complexe une cuiller déjà sucée.. Hmmm que c'est bon ! Il me semble reconnaître le parfum de Sylvie. Lolita Lempika je pense. Elle en dépose toujours quelques gouttes dans ce sillon étroit qui sépare de si belle manière les formes galbées de son buste parfait mis en valeur par un vêtement admirablement décolleté dont l'étoffe chatoyante semble respirer au rythme des mouvements de ses deux poumons. A part cet événement majeur, rien de bien original, si ce n'est une succession processionnaire de tubes anciens et de compositions régionales dont l'ancienneté et le nombre restreint, qui tiendrait dans deux boites d'œufs extra-coque, atteste sinon de notre vitalité artistique, du moins de notre opiniâtre obstination à type d'acharnement dans l'enterrement de première classe frisant le trouble obsessionnel compulsif. Citons au passage un florilège des appréciations lapidaires qui accompagnent notre interprétation de « I'll be waiting » :
A chier
Lamentable
Pitoyable
Nul
Bizarrement, comme chacun me regarde en y allant de son commentaire, j'ai comme l'impression de focaliser sur moi toute l'inimitié du groupe pour cette chanson. C'est pas gagné pour le slow. C'est pas gagné non plus pour le duo de charme. En y réfléchissant, ils ont plus que raison. C'est merdique, on n'y arrivera pas ! Sauf...... Sauf si..... Sauf si Odile le chante toute seule. Ça peut marcher. Du fond de ma parano, je ne peux m'empêcher de penser que ça fait trois mois que le reste du groupe retient son souffle en espérant que je finirai par comprendre. Je les imagine, grattant, battant, pianotant, crispés sur leurs instruments, un rictus bienveillant aux lèvres, et je surprends leurs regards qui se croisent, et leurs yeux qui clignent désespérément dans le morse des musiciens : Putain, c'est quand qu'il va comprendre ? Et l'autre : J'en peux plus, encore une fois comme ça et je m'écrase les doigts dans la portière de la voiture, et ce dernier, entre deux battements de cymbales : Mais à quoi j'ai pensé quand j'ai proposé ce titre ? Je suis maudit ! Et celle-ci : Je le supporte déjà depuis 25 ans, mais si je dois l'écouter chanter « en plus », moi je rends mon tablier ! Ouais, c'est ça, bon sang mais c'est bien sur ! Parfois je surprend Odile au téléphone, elle dit des trucs en chuchotant, et puis quand je rentre dans la pièce, elle raccroche brusquement en marmonnant des excuses fantaisistes du style « c'était encore pour la boucherie Sanzot » ou « c'était mon amant ». Mais j'ai bien compris leur petit manège, ils complotent dans mon dos, j'en suis sur, ils s'appellent constamment, ils disent des horreurs sur mon compte, genre : il arrive plus à chanter, et il boit et je suis sur qu'il fume des trucs pas catholiques en plus, et patati et patata, et quand j'arrive dans la SJM je vois bien ce qui se passe, je sens bien que le silence s'installe, un silence gêné, pesant, ils font semblant d'astiquer leur manche ou la peau de leur caisse, ou de passer leurs touches à l'encaustique, mais je vois bien ce qui se passe, je suis pas fou quand même, je sais lire dans leur tête, de toute façon je sais pertinemment que je suis la dernière roue de la charrette et que je compte pour du beurre, bon sang, quand je pense que j'étais naïf à ce point, que je croyais qu'ils avaient de l'estime pour moi mais en fait ils me détestent, je sens leur haine souffler sur moi comme un feu brûlant venu de l'enfer, ils ne supporte pas que j'aie du talent, c'est pour ça qu'ils ne veulent plus qu'on passe sur scène, bien sur, je comprends maintenant, sur scène le public n'a d'yeux que pour moi, ils me vénèrent ils m'adulent, le public il le sait LUI ce que je vaux, il sait que je porte ce groupe à bouts de bras, et que sans moi tout se casserait la gueule, ils ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont de m'avoir dans le groupe, ils ne me méritent pas et c'est grâce à moi qu'on est passé dans le journal, avec ce commentaire si élogieux, eh oui les mecs, tout ça c'est ma victoire, je supporte toute la pression, surtout ne pas craquer, surtout ne pas leur montrer que j'ai déjoué leur plan machiavélique, et leur coups tordus, mais oui, mais qu'est ce que je peux être con ! Ils en avaient marre de mon succès je leur fais de l'ombre, et c'est pour ça qu'ils ont essayé de m'assassiner la voix à coups de ACDC en me faisant recommencer le morceaux 10 fois de suite, et puis le complot continue, ils me balance le Kravits dans les gencives, tiens prends ça le chanteur, débrouille-toi avec Lenny et sa voix de tarlouze, ah ah qu'est ce qu'on rigole, regarde-le se débattre dans la mélasse sirupeuse du kravitz, mon Dieu c'est pas possible comment j'ai pu être aveugle à ce point, j'avais toutes les preuves sous les nez, et j'ai pas senti l'odeur fétide de la trahison derrière cette cordialité de façade, ils m'en veulent tous, je suis incompris, les artistes comme moi ne peuvent pas être compris, les médiocres ont peur d'un type comme moi qui leur étale leurs limites sous les yeux, oui c'est ça je leur mets le nez dans leur... non je ne m'abaisserai pas à leur montrer à quel point ils m'ont fait du mal, surtout ne rien montrer, digne, je dois rester digne, je suis un seigneur, un shogun, je suis le samouraï du rock, mon micro est un sabre, il est tranchant comme la lame d'un rasoir forgé dans le plus pur acier de Tolède, ils ne doivent s'apercevoir de rien, ah ils veulent me virer, je vais attendre, comme le cobra prêt à bondir et sauter à la gorge du fakir qui croyait le dompter, tel le tigre tapi derrière un buisson dans la savane africaine s'apprêtant à égorger la gazelle sournoise rhâââââââââââââââââââ ! Qu'est ce que ça fait du bien, de cracher enfin son venin !
Une soirée sans histoires sinon, rien d'époustouflant, un son parfois déconcertant, mais sans larsen, et ça, ça n'a pas de prix. Vivement que cette période de scène se termine, et qu'on puisse se remettre au travail. Pierrot a rencontré Jako, ce dernier attend qu'on lui apporte de la matière, des compos pour mettre en route le prochain CD.
C'est tellement bon de savoir que le groupe fonctionne, et que des liens puissants se sont noués entre tous, basés sur la confiance, le respect. Pas de langue de bois, de la franchise, et cette complicité simple qui nous unit. Mais il ne pouvait en être autrement : des esprits équilibrés, forts, des vies saines, et une amitié indéfectible en sont les piliers.
Dans la paix du Christ !
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mardi 20 mai 2008
Où On Aurait Pu Parler d'Alice Sapritch
Cela fait deux séances que Lolo ne vient pas. Ca n’est pas très professionnel ! La première fois elle a été excusée puisque ça se passait un samedi après-midi et qu’elle travaillait. La seconde en revanche est plus contestable. En effet l’excuse invoquée fut une indigestion par empiffrage aux nems de chez le Dragon qui Dort, officine culinaire vietnamo-laotienne bien connue sur Nîmes pour le caractère éminemment calorique des mets proposés sur sa carte. Le laotien d’origine vietnamienne ne connait pas le wok et sa salutaire cuisson sans graisses végétales. Au contraire un savant mélange d’huiles d’arachide et de cacahuète mille fois recyclées confère à ses préparations cette lourdeur incomparable qui fait sa réputation d’ulcérateur d'estomac et d’équarisseur du foie. Certains producteurs Gascons l’utilisent illégalement pour le gavage des oies. Pour l’exportation. Ca donne un foie très gras, qui va bien sur la vodka. Idéal pour les pays froids.
Ajoutons que ce pêcher de gloutonnerie de notre « clavier » fit suite à une intempérance majeure lors de la féria, aggravée encore par de multiples et copieux repas tout au long des festivités. Lorsque je l’appelai pour la prévenir de mon passage chez elle afin, comme toutes les semaines, de la faire profiter du confort cossu de ma petite 107, c’est donc d’une petite voix de fillette coupable qu’elle se déroba.
J’eu beau la menacer du Pascou, comme jadis on invoquait le père fouettard pour forcer les enfants à plus de discipline : rien n’y fit.
C’est une fois de plus sans notre pianiste que la répète se déroula donc impasse des Climatites en la célèbre SJM.
Lors de la montée des marches (de la terrasse) nous rejoignîmes le reste de la bande qui désormais, en ces belles soirées printanières prend ses quartiers à l’extérieur. Dans le joyeux brouhaha Fabrien, accompagné du charivari des enfants qui tels des moineaux sur l’esplanade picorant les miettes de pains, tentaient de piller le monstrueux sac de soixante dix kilos de KitKat goût crème fraîche apporté par le Pounet, nous aperçûmes deux cartons allongés, dont l’un ouvert, était déjà orphelin de son contenu. Ce dernier étalait sa majestueuse verticalité non loin de là, contre la balancelle, théâtre séculaires d’ébats passionnés dont la narration torride ferait paraître le Satiricon de Petrone comme une aimable bluette pour pensionnaire prépubère du pensionnat des filles de la légion d’honneur.
A l’instar d’un noir obélisque, culminant sur un trépied rappelant le train d’atterrissage du LEM aux heures glorieuses de la NASA triomphante,
se découpait sur le ciel crépusculaire traversé de cirrus indolents aux couleurs chaudes, un mat à coté duquel la mâle hampe de Zeus elle-même eût prêté à lazzis et quolibets. L’ultrabassiste l’avait fait : l’après-midi même il avait acquis deux Pieds télescopiques ad hoc chez Monsieur Milonga pour surélever nos enceintes de scène afin de les éloigner de l’habituel le zone de transit des larsens dévastateurs. Ambiance de liesse. On bénit les pieds, on les fit coulisser, on s’extasia, on loua l’initiative, on sabla le coca light dans lequel on trempa, en guise d’offrande propiatoire quelques KitKats échappés de l’holocauste jumelle. On aurait pu aussi faire une omelette, les dieux adorent ce genre d’offrande. Surtout les Dieux de la maison, les Lares. Mais tout de même de l’omelette aux Lares, c’est un peu comme des cèpes aux cochons, faut pas exagérer non plus.
Voila, voila. Ca c’est fait !
Dans la Salle nous installâmes illico les dispositifs, juchant au sommet les enceintes. La hauteur modeste du plafond manqua de nous empêcher la manœuvre, mais en définitive, après quelques ajustements mineurs, et une fois enfilé les mats dans les orifices culiers idoines des baffles, nous pûmes avec fierté, et un léger recul, contempler notre Œuvre. Et nous vîmes que c’était bien. Ca avait de la gueule, ça en jetait. Mais pour autant que le plumage nous satisfasse, allions nous retrouver dans le ramage les bienfaits esthétiques de l’achat du Pascou ?
Après quelques réglages de principe, et les premières mesures jouées : Le pied ! Plus un seul Larsen. Une écoute aérée, épurée, à la limite de la limpidité. Les pieds étaient au son ce que la station d’épuration est à l’eau du Gardon : Nécessaires ! Alors là j’étais scotché.. Un an et demi de déboires acoustiques et tout soudain, deux accessoires me réconciliaient avec la sonorisation. C’était même presque trop. A l’heure où j’écris ces lignes, je ne parviens pas à m’expliquer le phénomène par lequel le fait de surélever les haut-parleurs d’un mètre peut résoudre des problèmes de boucles sonores. C’est magique, Un mystère plus insondable encore que celui des femmes-fontaine. Pourtant cette dernière énigme ne laisse pas d’interroger une communauté médicale plus que perplexe ! Mais nous nous écartons du sujet.
Bien sûr les conditions audio s’était améliorées, indéniablement. C’est avec un plaisir renouvelé que nous jouâmes. A tel point qu’au comble du bonheur, à la pause, Pierrot s’exclama : Folcoche ! Interloqués nous le regardâmes. Oui les amis, je crois qu’on est Folcoche confirma-t-il. C'est-à-dire ? lui demanda Jésou. Ben oui s’énerva le Leader Maximo, on est Folcoche quoi, On est hyper au point ! Comme dirait Hervé Bazin… conclut-il lourdement, afin de s’assurer que nous avions bien compris.
Il est comme ça Pierrot, volontiers didactique, un brin condescendant parfois. Mais plein d’humour.
Ajoutons que ce pêcher de gloutonnerie de notre « clavier » fit suite à une intempérance majeure lors de la féria, aggravée encore par de multiples et copieux repas tout au long des festivités. Lorsque je l’appelai pour la prévenir de mon passage chez elle afin, comme toutes les semaines, de la faire profiter du confort cossu de ma petite 107, c’est donc d’une petite voix de fillette coupable qu’elle se déroba.
J’eu beau la menacer du Pascou, comme jadis on invoquait le père fouettard pour forcer les enfants à plus de discipline : rien n’y fit.
C’est une fois de plus sans notre pianiste que la répète se déroula donc impasse des Climatites en la célèbre SJM.
Lors de la montée des marches (de la terrasse) nous rejoignîmes le reste de la bande qui désormais, en ces belles soirées printanières prend ses quartiers à l’extérieur. Dans le joyeux brouhaha Fabrien, accompagné du charivari des enfants qui tels des moineaux sur l’esplanade picorant les miettes de pains, tentaient de piller le monstrueux sac de soixante dix kilos de KitKat goût crème fraîche apporté par le Pounet, nous aperçûmes deux cartons allongés, dont l’un ouvert, était déjà orphelin de son contenu. Ce dernier étalait sa majestueuse verticalité non loin de là, contre la balancelle, théâtre séculaires d’ébats passionnés dont la narration torride ferait paraître le Satiricon de Petrone comme une aimable bluette pour pensionnaire prépubère du pensionnat des filles de la légion d’honneur.
A l’instar d’un noir obélisque, culminant sur un trépied rappelant le train d’atterrissage du LEM aux heures glorieuses de la NASA triomphante,
se découpait sur le ciel crépusculaire traversé de cirrus indolents aux couleurs chaudes, un mat à coté duquel la mâle hampe de Zeus elle-même eût prêté à lazzis et quolibets. L’ultrabassiste l’avait fait : l’après-midi même il avait acquis deux Pieds télescopiques ad hoc chez Monsieur Milonga pour surélever nos enceintes de scène afin de les éloigner de l’habituel le zone de transit des larsens dévastateurs. Ambiance de liesse. On bénit les pieds, on les fit coulisser, on s’extasia, on loua l’initiative, on sabla le coca light dans lequel on trempa, en guise d’offrande propiatoire quelques KitKats échappés de l’holocauste jumelle. On aurait pu aussi faire une omelette, les dieux adorent ce genre d’offrande. Surtout les Dieux de la maison, les Lares. Mais tout de même de l’omelette aux Lares, c’est un peu comme des cèpes aux cochons, faut pas exagérer non plus.
Voila, voila. Ca c’est fait !
Dans la Salle nous installâmes illico les dispositifs, juchant au sommet les enceintes. La hauteur modeste du plafond manqua de nous empêcher la manœuvre, mais en définitive, après quelques ajustements mineurs, et une fois enfilé les mats dans les orifices culiers idoines des baffles, nous pûmes avec fierté, et un léger recul, contempler notre Œuvre. Et nous vîmes que c’était bien. Ca avait de la gueule, ça en jetait. Mais pour autant que le plumage nous satisfasse, allions nous retrouver dans le ramage les bienfaits esthétiques de l’achat du Pascou ?
Après quelques réglages de principe, et les premières mesures jouées : Le pied ! Plus un seul Larsen. Une écoute aérée, épurée, à la limite de la limpidité. Les pieds étaient au son ce que la station d’épuration est à l’eau du Gardon : Nécessaires ! Alors là j’étais scotché.. Un an et demi de déboires acoustiques et tout soudain, deux accessoires me réconciliaient avec la sonorisation. C’était même presque trop. A l’heure où j’écris ces lignes, je ne parviens pas à m’expliquer le phénomène par lequel le fait de surélever les haut-parleurs d’un mètre peut résoudre des problèmes de boucles sonores. C’est magique, Un mystère plus insondable encore que celui des femmes-fontaine. Pourtant cette dernière énigme ne laisse pas d’interroger une communauté médicale plus que perplexe ! Mais nous nous écartons du sujet.
Bien sûr les conditions audio s’était améliorées, indéniablement. C’est avec un plaisir renouvelé que nous jouâmes. A tel point qu’au comble du bonheur, à la pause, Pierrot s’exclama : Folcoche ! Interloqués nous le regardâmes. Oui les amis, je crois qu’on est Folcoche confirma-t-il. C'est-à-dire ? lui demanda Jésou. Ben oui s’énerva le Leader Maximo, on est Folcoche quoi, On est hyper au point ! Comme dirait Hervé Bazin… conclut-il lourdement, afin de s’assurer que nous avions bien compris.
Il est comme ça Pierrot, volontiers didactique, un brin condescendant parfois. Mais plein d’humour.
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dimanche 18 mai 2008
L'oeil de Micromégas, Le Verbe de Phil le K
Soirée difficile pour moi que celle des retrouvailles du mercredi, juste après la folie de la feria. Vous le savez je tente dans ces colonnes d’exprimer l’intime vérité de ce qui peut se passer dans la tête d’un chanteur, fût-il de basse caste, et au-delà de rendre compte de notre progression. Je privilégie l’aspect « sociologique » de notre aventure, et j’aime m’attacher aux relations qui la sous-tendent. J’observe avec le plus grand intérêt le jeu complexe des interactions au sein d’un groupe. Tel Micromégas dans le compte philosophique de Voltaire, premier E.T. qui explorait avant Einstein les mystères de la relativité, je porte parfois (avec la plus grande tendresse) un regard entomologiste sur mes contemporains. Pour cela j’utilise les outils modernes mis à ma disposition par une société de la consommation opiniâtre à produire mille dispositifs d’enregistrements d’évènements sonores et visuels. J’ai employé tous les supports, depuis quarante ans, accumulant une masse d’archives disparates dont certaines d’ailleurs ne me sont plus accessibles, par le fait que l’appareil pour les restituer n’existe plus.
Ce qui en dit long au demeurant sur la pérennité de la mémoire collective. Dans mille ans, On en saura plus sur la civilisation Egyptienne ou les techniques de chasse de l’homme de Cro-Magnon, que sur les modes de vie de l’homme du XXIè siècle. L’encodage de l’information sur la pierre est certes rustique, mais quasiment indestructible, ce qui est loin d’être le cas des signes gravés sur le disque ferromagnétique d’une disquette 3 pouces ¼ d’un pc des années 80.
Ce n’est pas un hasard si je suis passionné de communication et utilise tous les dispositifs possibles pour mettre en boite les évènements que j’ai traversés depuis mon premier instamatic lorsque j’avais sept ans. Par ailleurs j’ai depuis longtemps pris conscience de l’aspect dérisoire de cette quête de la trace, de ce désir vain de marquer les jalons des évènements passés. Car dans cette course folle j’engrange des instants, par le biais de documents de tous types, dont la succession constitue une masse telle d’informations qu’il me faudrait une autre vie pour les passer en revue au risque de ne plus vivre l’instant présent qu’en spectateur.
A titre d’anecdote je me souviens d’un voyage que nous avons fait dans les années 80 avec les Jean en Yougoslavie. J’avais avec moi un équipement de « vidéo légère » un des tout premiers de ce type. Je portais en permanence sur mon dos huit kilos de matériel. J’ai vu mes vacances en noir et blanc durant trois semaines : au travers du viseur de ma volumineuse caméra. Un regard biaisé sur la réalité, dont je n’ai eu la restitution colorée que plus tard au retour, au travers des images imparfaites de l’écran télé. Trente ans après, ces moments que je n’ai vécus que par le biais d’un artifice technologique, se diluent inexorablement dans le bruit de fond électronique d’une bande bientôt illisible. Inanité de l’instant, volatilité de la mémoire, tentative désespérée de fixer le fugace. On ne peut se fier en définitive qu’à ce qui est inscrit au plus profond de soi et tenter comme Proust de sortir les madeleines du four au bon moment. J’ai parfois le fol espoir que peut-être ces instants figés pourront éclairer ma postérité et qu’ainsi d’autres auront une idée de ce que l’ancêtre vivait. Un désir d’éternité en quelque sorte. Une illusion bien sûr. La crainte de plus en plus prégnante de la fin qui se rapproche, et de la futilité du présent sous l’éclairage incertain du futur que je sais voué au néant, mécréant que je suis, hermétique aux mystères de la foi et ses sirènes réconfortantes.
Ce brin d’explication pour souligner un fait important : On ne peut pas toujours être témoin. Même extérieur à l’action, l’observateur interfère avec les évènements. Il en subit le contrecoup émotionnel.
Nous étions donc tous réunis ce mercredi soir afin de reprendre le rythme hebdomadaire des répétitions. Celle-ci était importante puisqu’elle faisait suite à une série de concert dont je vous ai narré le déroulement tantôt. Le bilan était bien sûr mitigé. Il y avait eu du bon et du médiocre. La seconde impression dominant dans le ressenti de certains musiciens. Ainsi Phil, dont la pondération est légendaire, avec le calme qui est le sien, sans laisser transparaitre d’émotions excessives, nous fit-il part de son ressenti. Je n’ai pas les termes exacts en tête, mais grosso modo il stigmatisa notre amateurisme, notre précipitation à faire de la scène dans les conditions que nous connaissons. Il utilisa le mot « ridicule ». Nous avions été mauvais ! Je ne sais pourquoi, mais ses paroles, exprimées sans passion, mais présentées comme une évidence eurent sur moi un effet dévastateur. Je voyais notre orchestre à travers son regard, et il était sans complaisance. Le château de cartes que j’avais édifié au grès de ces chroniques, à jouer au groupe de rock, s’écroulait d’un coup sous le souffle acéré de sa critique. Sous l’aiguillon de son verbe, la baudruche se dégonflait mollement en flatulences pitoyables. J’étais comme un gosse, j’avais joué au rocker comme on s’amuse aux cow-boys et aux indiens. J’avais endossé le déguisement du chanteur, j’en avais copié les attitudes et les mots, et tout d’un coup un adulte venait me dire : fin de la partie, on rentre !
Une douche glacé, qui a inondé mon ego et l’a laissé transi, désemparé. Ma splendide assurance, ma certitude que nous étions dans le vrai, mes postures d’artiste, tout cela était balayé, laminé, par deux phrases sobres de notre batteur impassible. Je pris conscience de ce qu’il avait pu se passer dans la tête de ce dernier pour qu’il en arrive à nous dire ça. « Moi je ne joue plus dans ces conditions », confirma-t-il. Moi qui étais arrivé un peu la fleur au fusil, détendu, et plutôt satisfait finalement de nos concerts, je me retrouvai dans un état de noir abattement, en proie à un cafard insondable. Attention, je n’étais pas satisfait par nos concerts en tant que tels. Moi aussi j’avais vécu beaucoup de déception au cours de ces trois soirées marathon. Mais j’avais apprécié l’expérience que ça nous avait apporté. On dit bien que l’expérience est une lanterne qu’on porte dans le dos, qui n’éclaire hélas que le chemin parcouru, mais tout de même, c’était un apprentissage utile à mon sens, et tout n’avait pas été mauvais. Au travers des paroles de Phil le K, tout m’apparaissait soudain sous un jour nouveau, fait d’approximation, d’hésitations, d’à peu près, d’incompétences. J’eu également l’impression que nous n’étions que des « pretenders » comme disent les anglais. Des gens qui font semblant, qui se la jouent, se la pètent, et j’eus cette certitude qu’au final on nous invitait plus pour rigoler un bon coup qu’en tant que musiciens véritables. S’il y a une chose que je ne supporte pas, c’est bien le sentiment d’avoir été ridicule. Plus que tout autre commentaire que l’on pourrait faire sur moi, le pire serait en effet de susciter la moquerie. L’insulte suprême ! Jouer le Con dans le dîner éponyme.
Je compris que si j’en étais blessé, les autres devaient avoir eu la même crainte, les mêmes doutes. J’en conçus une culpabilité. Les avais-je entraînés dans cette voie trop tôt ? Par goût de l’exhibition les avais-je exposés au sarcasme populaire ? C’était une remise en cause du cadre dans lequel j’avais enfermé les UFR, je m’en sentais responsable. Je lançai, pour plaisanter : cette réunion sera donc celle où nous allons annoncer la dissolution du groupe ? Je me remémorai les paroles de François Lejeune, celles aussi de Jérôme Isenberg, racontant les conditions dans lesquelles leur groupe avait implosé. Conditions similaires, où les membres à l’égo démesuré avaient cherché des responsabilités, sans complaisance, dans le travail de l’autre. J’eu la vision de la fin du groupe, dans des conditions un peu minables. Stoppés par l’obstacle nous rendions les armes, incapable de relever le défi, chacun repartant avec ses rancœurs. La vision de l’échec, du gâchis représenté par ces heures perdues à poursuivre un rêve.
Je descendis à la SJM avec un brouillard dans la tête, et c’est avec des gestes mornes que je pris part à la réinstallation du matos. Tout cela ne m’intéressait plus soudain. A quoi bon ? Puisque de toute façon nous étions mauvais ?
Quelques minutes plus tard nous chantions. Et le plaisir du chant, le plaisir d’écouter mes amis dissipa les denses brumes de mon spleen. J’étais remonté sur le cheval, j’étais de nouveau en selle. Et tant pis pour les cons. Je m’amuse. C’est pour ces répètes que je me traîne de semaines en semaines. Se retrouver ensemble, partager des émotions, interpréter, créer. Jouer Ensemble. Le reste n’a pas beaucoup d’importance. Comme tous les groupes, il y a des moments pour la scène, et des moments pour retourner en studio et avancer. Il est temps d’avancer à nouveau.
Comme s'il m'avait écouté, Jésou entama sur sa guitare la mélodie de "I'll be waiting" c'était doux, à des années lumières du jeu de Kravitz, c'était beau, Odile et moi primes plaisir à chanter dessus. Nous étions bien. Nous étions de nouveau ensemble.
Ce qui en dit long au demeurant sur la pérennité de la mémoire collective. Dans mille ans, On en saura plus sur la civilisation Egyptienne ou les techniques de chasse de l’homme de Cro-Magnon, que sur les modes de vie de l’homme du XXIè siècle. L’encodage de l’information sur la pierre est certes rustique, mais quasiment indestructible, ce qui est loin d’être le cas des signes gravés sur le disque ferromagnétique d’une disquette 3 pouces ¼ d’un pc des années 80.
Ce n’est pas un hasard si je suis passionné de communication et utilise tous les dispositifs possibles pour mettre en boite les évènements que j’ai traversés depuis mon premier instamatic lorsque j’avais sept ans. Par ailleurs j’ai depuis longtemps pris conscience de l’aspect dérisoire de cette quête de la trace, de ce désir vain de marquer les jalons des évènements passés. Car dans cette course folle j’engrange des instants, par le biais de documents de tous types, dont la succession constitue une masse telle d’informations qu’il me faudrait une autre vie pour les passer en revue au risque de ne plus vivre l’instant présent qu’en spectateur.
A titre d’anecdote je me souviens d’un voyage que nous avons fait dans les années 80 avec les Jean en Yougoslavie. J’avais avec moi un équipement de « vidéo légère » un des tout premiers de ce type. Je portais en permanence sur mon dos huit kilos de matériel. J’ai vu mes vacances en noir et blanc durant trois semaines : au travers du viseur de ma volumineuse caméra. Un regard biaisé sur la réalité, dont je n’ai eu la restitution colorée que plus tard au retour, au travers des images imparfaites de l’écran télé. Trente ans après, ces moments que je n’ai vécus que par le biais d’un artifice technologique, se diluent inexorablement dans le bruit de fond électronique d’une bande bientôt illisible. Inanité de l’instant, volatilité de la mémoire, tentative désespérée de fixer le fugace. On ne peut se fier en définitive qu’à ce qui est inscrit au plus profond de soi et tenter comme Proust de sortir les madeleines du four au bon moment. J’ai parfois le fol espoir que peut-être ces instants figés pourront éclairer ma postérité et qu’ainsi d’autres auront une idée de ce que l’ancêtre vivait. Un désir d’éternité en quelque sorte. Une illusion bien sûr. La crainte de plus en plus prégnante de la fin qui se rapproche, et de la futilité du présent sous l’éclairage incertain du futur que je sais voué au néant, mécréant que je suis, hermétique aux mystères de la foi et ses sirènes réconfortantes.
Ce brin d’explication pour souligner un fait important : On ne peut pas toujours être témoin. Même extérieur à l’action, l’observateur interfère avec les évènements. Il en subit le contrecoup émotionnel.
Nous étions donc tous réunis ce mercredi soir afin de reprendre le rythme hebdomadaire des répétitions. Celle-ci était importante puisqu’elle faisait suite à une série de concert dont je vous ai narré le déroulement tantôt. Le bilan était bien sûr mitigé. Il y avait eu du bon et du médiocre. La seconde impression dominant dans le ressenti de certains musiciens. Ainsi Phil, dont la pondération est légendaire, avec le calme qui est le sien, sans laisser transparaitre d’émotions excessives, nous fit-il part de son ressenti. Je n’ai pas les termes exacts en tête, mais grosso modo il stigmatisa notre amateurisme, notre précipitation à faire de la scène dans les conditions que nous connaissons. Il utilisa le mot « ridicule ». Nous avions été mauvais ! Je ne sais pourquoi, mais ses paroles, exprimées sans passion, mais présentées comme une évidence eurent sur moi un effet dévastateur. Je voyais notre orchestre à travers son regard, et il était sans complaisance. Le château de cartes que j’avais édifié au grès de ces chroniques, à jouer au groupe de rock, s’écroulait d’un coup sous le souffle acéré de sa critique. Sous l’aiguillon de son verbe, la baudruche se dégonflait mollement en flatulences pitoyables. J’étais comme un gosse, j’avais joué au rocker comme on s’amuse aux cow-boys et aux indiens. J’avais endossé le déguisement du chanteur, j’en avais copié les attitudes et les mots, et tout d’un coup un adulte venait me dire : fin de la partie, on rentre !
Une douche glacé, qui a inondé mon ego et l’a laissé transi, désemparé. Ma splendide assurance, ma certitude que nous étions dans le vrai, mes postures d’artiste, tout cela était balayé, laminé, par deux phrases sobres de notre batteur impassible. Je pris conscience de ce qu’il avait pu se passer dans la tête de ce dernier pour qu’il en arrive à nous dire ça. « Moi je ne joue plus dans ces conditions », confirma-t-il. Moi qui étais arrivé un peu la fleur au fusil, détendu, et plutôt satisfait finalement de nos concerts, je me retrouvai dans un état de noir abattement, en proie à un cafard insondable. Attention, je n’étais pas satisfait par nos concerts en tant que tels. Moi aussi j’avais vécu beaucoup de déception au cours de ces trois soirées marathon. Mais j’avais apprécié l’expérience que ça nous avait apporté. On dit bien que l’expérience est une lanterne qu’on porte dans le dos, qui n’éclaire hélas que le chemin parcouru, mais tout de même, c’était un apprentissage utile à mon sens, et tout n’avait pas été mauvais. Au travers des paroles de Phil le K, tout m’apparaissait soudain sous un jour nouveau, fait d’approximation, d’hésitations, d’à peu près, d’incompétences. J’eu également l’impression que nous n’étions que des « pretenders » comme disent les anglais. Des gens qui font semblant, qui se la jouent, se la pètent, et j’eus cette certitude qu’au final on nous invitait plus pour rigoler un bon coup qu’en tant que musiciens véritables. S’il y a une chose que je ne supporte pas, c’est bien le sentiment d’avoir été ridicule. Plus que tout autre commentaire que l’on pourrait faire sur moi, le pire serait en effet de susciter la moquerie. L’insulte suprême ! Jouer le Con dans le dîner éponyme.
Je compris que si j’en étais blessé, les autres devaient avoir eu la même crainte, les mêmes doutes. J’en conçus une culpabilité. Les avais-je entraînés dans cette voie trop tôt ? Par goût de l’exhibition les avais-je exposés au sarcasme populaire ? C’était une remise en cause du cadre dans lequel j’avais enfermé les UFR, je m’en sentais responsable. Je lançai, pour plaisanter : cette réunion sera donc celle où nous allons annoncer la dissolution du groupe ? Je me remémorai les paroles de François Lejeune, celles aussi de Jérôme Isenberg, racontant les conditions dans lesquelles leur groupe avait implosé. Conditions similaires, où les membres à l’égo démesuré avaient cherché des responsabilités, sans complaisance, dans le travail de l’autre. J’eu la vision de la fin du groupe, dans des conditions un peu minables. Stoppés par l’obstacle nous rendions les armes, incapable de relever le défi, chacun repartant avec ses rancœurs. La vision de l’échec, du gâchis représenté par ces heures perdues à poursuivre un rêve.
Je descendis à la SJM avec un brouillard dans la tête, et c’est avec des gestes mornes que je pris part à la réinstallation du matos. Tout cela ne m’intéressait plus soudain. A quoi bon ? Puisque de toute façon nous étions mauvais ?
Quelques minutes plus tard nous chantions. Et le plaisir du chant, le plaisir d’écouter mes amis dissipa les denses brumes de mon spleen. J’étais remonté sur le cheval, j’étais de nouveau en selle. Et tant pis pour les cons. Je m’amuse. C’est pour ces répètes que je me traîne de semaines en semaines. Se retrouver ensemble, partager des émotions, interpréter, créer. Jouer Ensemble. Le reste n’a pas beaucoup d’importance. Comme tous les groupes, il y a des moments pour la scène, et des moments pour retourner en studio et avancer. Il est temps d’avancer à nouveau.
Comme s'il m'avait écouté, Jésou entama sur sa guitare la mélodie de "I'll be waiting" c'était doux, à des années lumières du jeu de Kravitz, c'était beau, Odile et moi primes plaisir à chanter dessus. Nous étions bien. Nous étions de nouveau ensemble.
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Ci-dessous (cliquer sur l'image) le mail envoyé à Albert Martin pour excuser notre absence à sa soirée du 31 mai.
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samedi 17 mai 2008
Un Message du Garage
nou sabon tou bou ! tu vas bien, toi !
Y avait que 50 l. de punch, 4 l. de pastis, 5 l. d'ouzo, ... autant dire presque rien quoi !
non, j'déconne vive le garage et les Almansa ! (sourtout Catherine )
Jérôme Isenberg
vendredi 16 mai 2008
Toros, Cavaliers, et Femmes
Comme on dit subtilement dans la cavalerie, " Buvons à nos femmes, à nos chevaux, et à ceux qui les montent !"
mercredi 14 mai 2008
La Feria, en Quelques Lignes
J'ai déjà l'impression que cette Feria a duré des siècles, bien que ce ne soit que vendredi.
Depuis le début de la semaine, où les ultimes répétitions ont débuté, les jours se télescopent et j'ai du mal à me remémorer l'enchaînement de nos journées, et surtout de nos nuits. Disons que c'est là un bilan à mi-parcours. La soirée du mercredi a bien sûr été pour nous la plus mémorable, qui fut le témoin de notre triomphe au cinéma Caméra. Une grosse centaine de personnes ont assisté à notre concert. Beaucoup d'amis, de collègues, et de jeunes sympathisants rameutés par nos enfants étaient venus grossir les rangs de nos spectateurs. Il faut le dire, hormis notre sono exécrable, qui comme à l'accoutumée nous obligea à jouer « au jugé », nous primes énormément de plaisir à nous produire devant ce public déjà conquis.
Nous ne le savions pas mais des journalistes de Midi-Libre étaient dans la salle. Ils demandèrent à Mathieu si c'était un canular, puis si le chanteur était dans son état normal ou bien s'il était malade. Néanmoins, ils nous firent l'honneur d'un article, certes ambigu, mais en tous cas bien réel. Si quelqu'un m'avait dit, il y a un an, que notre groupe ferait quasiment la Une pleine page de Midi Libre j'aurais signé des deux mains ! Bon, être qualifié de massacreurs consciencieux n'est pas le meilleur compliment qu'on ai fait au groupe, mais comme le dit l'adage « à cheval donné on ne regarde pas les dents ». D'après Mathieu, le journaliste éberlué répétait à l'envie « c'est énorme ».
Je n'ose croire qu'il y ait pu y avoir quelque once d'ironie dans son propos. Je prends donc ses appréciations comme les compliments d'un connaisseur.
Le plus dur dans ce genre d'exercice, c'est toute la manutention. Porter le matériel, faire les réglages. Puis tout démonter en un temps record, déménager à nouveau, c'est vraiment épuisant. Sans compter qu'une fois le concert plié, il n'y a plus personne. On se retrouve vidé, dans un état un peu mélancolique. Remarquons de plus qu'avant sa prestation le musicien est l'objet de toutes les attentions, alors que dès les dernières notes plaquées, c'est le blues post partum. On est un brin à la dérive, en train de charrier des poids dans l'indifférence générale, organisateurs compris, occupés qu'ils sont à remplir au mieux leur salle. Les musiciens ne les intéressent plus : The show must go on ! A tel point qu'il nous a fallu pleurer pour boire quelque chose après avoir fait place nette dans la salle.
Jeudi midi nous a permis, après une corrida à multi sections auriculo-caudée s(où ont été coupées beaucoup d'oreilles et de queues), de nous retrouver pour le traditionnel repas chez les Thevenon. La bande au complet était rassemblée autour d'un buffet-grillade très agréable. Jean Paul un peu fatigué, laissa à Alain le soin de griller saucisses, calmars et poissons. Ce dont ce dernier s'acquitta avec son habileté coutumière. Nous profitâmes de l'occasion pour briefer Damien sur les techniques de chasse à la fille, la saison battant son plein en cette période de printemps. Comme l'a très justement souligné Jésou : Sur un malentendu, ça peut marcher ! Au cours de l'après-midi je rappelai Mathieu car il nous avait renouvelé son souhait de nous faire animer le début de soirée au Caméra. Avec un enthousiasme mitigée, et une retenue prémonitoire, une partie des musiciens n'était pas très emballée. Le soir il fut convenu de se retrouver à 21h devant la bodéga pour réinstaller le fourbi et faire les essais son. Quant à nous, nous devions rejoindre les Fabre et les Desimeur chez Thibaud. L'emploi du temps ne correspondit pas vraiment à la programmation initiale car à 21 heures nous étions toujours place de la Mairie à attendre les uns et les autres, tandis que Mathieu lui-même promenait en ville et venait nous saluer. je me rassasiai dans l’inervalle d'une remarquable rouille aux trois mollusques (supion, calmar; poulpe). Pierrot et Phil le K durent attendre devant la bodéga Caméra, fermée. De plus au moment de leur ouvrir le local où était entreposé le matos, Mathieu s'aperçut qu'il n'avait pas les clés. Nous allâmes en chercher un double, Philou et moi, chez Foncia.
A partir de là, je crois que ça a commencé à dévisser complètement. D'aucun dirait que c'est parti en couille ! L'installation se fit dans une noria effrénée entre le local et le haut de la salle de cinéma. Il était plus de 22 heures. Un sentiment d'urgence régnait au milieu de l'étalement anarchiques des différents éléments de notre matériel. Dans une improvisation totale et une nervosité palpable nous nous croisions, évitions, télescopions, invectivions, un peu comme les fourmis vaquant à leurs occupations mystérieuse, mais sans l'organisation parfaite qui est la leur hélas. On s'est installés à l'arrache alors que des consommateurs, pour certains des amis, commençaient à rentrer. La pénombre était totale, les organisateurs remarquablement absents ; nous nous sentions seuls et assez mal à l'aise. Bien sûr il ne fut pas question de tenter une quelconque répète, ni même des réglages sérieux. Nous commençâmes sporadiquement, les musiciens entamant l'intro de bête de scène alors que je n'avais pas encore ouvert mon cahier, que j'avais d'ailleurs beaucoup de mal à lire étant donné la sombre obscurité qui étalait son voile sur la salle.
Pourtant, assez miraculeusement, nous trouvâmes une allure de croisière qui nous permit un petit succès durant les cinq premiers morceaux, les gens semblaient contents, certains venaient nous saluer, d'autres dansaient. Je me permis d'aller au milieu de la petite assemblée d'une cinquantaine de personnes. Et puis, je ne sais pas : plusieurs facteurs contribuèrent à transformer cette session en un cauchemar. D'une part les gens commencèrent à partir, d'autre part il y eut des problèmes de son dans le groupe, les guitares se désaccordant. Aucun d'entre nous n'entendait plus l'autre et dans la purée que nous servions désormais aux spectateurs il finit par y avoir trop de grumeaux pour que ce soit viable. Nous étions consternés, nous en avions marre, ce concert tournait au calvaire d'autant que parmi la vingtaine de personnes qui restaient, à mon sens plus pour faire une pause dans leur longue pérégrination, que par réel intérêt, il y avait un groupe de quatre ados, très enthousiastes, mais épouvantablement farcis, qui commencèrent à devenir très remuant, confondant rocknroll et pogo, virevoltant pirouettant, percutant les pieds de nos micros, volubiles, incontrôlables ; je tournais la tête derrière le bar, jetant des regard implorants à la serveuse, Maud, pour qu'elle appelle un ou deux des molosses de couleur (style cane corso, le sourire en moins) avachis à l'entrée afin qu'ils canalisent avec leur gentillesse coutumière l'énergie fécondes des enfultes ébriards. Las nous dûmes boire le calice jusqu'à la lie.
Un des jeunes s'était pris d'amour pour Odile et Lolo, s'approchant dangereusement d'elles. Je crus un moment qu'une émeute allait se déclencher. Je repensais, en interprétant machinalement je ne sais plus quel titre, au film les Blues Brother. Il y a une scène ou les deux compères débarquent dans un bar texan. L'estrade est protégée par un rideau grillagé. L'un des deux frères demande : ça sert à quoi ce truc ? Et le patron luit dit :Vous verrez bien ! Ils commencent leur show. C'est du Rythm and Blues. Les consommateurs, des texans profonds sont attablés. Ils se figent. Ils attendaient du country.. le plan d'après on comprend, en même temps que les Bues Brothers, à quoi sert le grillage : c'est pour arrêter les ustensiles les plus improbables dont l'assistance bombarde les chanteurs. J'aurais aimé qu'il y ait un grillage ! J'étais également dans la situation de cette femme à qui son mari fait l'amour consciencieusement et qui sous les coups de boutoirs, le corps agité de spasmes, entre deux grimaces de douleur, réfléchit aux courses du lendemain, à l'arrosage automatique, à la machine à vider, et à la leçon de danse de la petite le lendemain.. J'étais ailleurs, les autres aussi, mais pas le même ailleurs hélas. Tout ce que nous voulions, dans cette cacophonie désespérée c'était en finir le plus vite possible. Les deux derniers titres furent menés tambour battant. Jamais nous ne les avons interprétés à ce tempo. Les gosse se régalaient, il devaient se croire à une rave partie. Les adultes étaient de marbre. Et sortaient par grappes, nous abandonnant avec le dernier carré des intimes.
Quand nous avons terminé, nous étions vidés. Il m'a fallu encore discuter avec nos fans. L'un d'entre eux voulait absolument que j'annonce au micro que je ne sais quel groupe était the best in the world. Ce que je refusai avec une courtoisie mitigée. Heureusement son copain, miséricordieux, et sans doute moins farci intervint pour me dire « qu'en tous cas, tu avais assuré, mec, et bois un coup de ma sangria » ce que je fis, lâchement, pour qu'ils nous foute enfin la paix. Dix secondes après le dernier accord, le dernier coup de baguettes, on démontait déjà les câbles. En silence. Pour Pierrot c'était le courant qui n'était pas passé avec le public, pour Jésou des problèmes d'amplis les avaient gênés, Phil n'avait entendu personne, Odile avait vu toute la soirée deux types au comptoir en train de se marrer en nous regardant, et lolo ne pensaient qu'à une chose : se casser. Moi une fois de plus ma voix ne passait pas, étouffée, déformée par les enceintes mal placées accrochant le larsen au moindre déplacement. Une soirée de merde. En rangeant nous avions tous le bourdon, et je n'aurais voulu qu'une chose : rentrer chez moi et me coucher. On s'est cassé dans l'indifférence générale, déjà le prochain spectacle « sosies pourris » était sur les starting blocs. Je n'ai même pas eu envie de réclamer une boisson. Nous sommes restés un moment dehors, devant l'ancien magasin de Philou, à fumer une clope, et à dérouler notre rancœur sur le « concert de trop ».
Mais dans ce marécage émotionnel, nous ne nous sommes pas embourbés. Notamment il n'y a pas eu de récriminations faciles dans le genre, la rythmique c'était pourri, la voix merdique, la basse inaudible ou les solos exsangues. Nous avons fait corps, acceptant ce plantage comme une fatalité, un événement quasiment planifié parce que mal préparé. C'est une ratée collective, on a voulu se faire plaisir, et faire plaisir. Ça n'a pas marché ce soir-là. Trop de facteurs, dont certains ne nous étaient pas imputables ont contribué à transformer un plaisir en salle de torture. Par la suite nous avons assisté au début des sosies pourris. J'ai eu l'impression qu'on était dans la continuité dans cette soirée où la médiocrité était érigée en événement décalé et tendance. Je n'ai pas aimé le sentiment que j'ai eu à ce moment, je me suis éclipsé tandis que dans la noirceur crépusculaire de cet instant trash, se déhanchaient pitoyablement des gamines recouvertes de cartons argentés pour simuler la présence improbable des Daft Punk sous les laborieux commentaires d'un présentateur qui tentait d'insuffler une gaîté de pacotille dans ce combat perdu d'avance. Il n'aurait plus manqué pour clôturer cette soirée surréaliste qu'une exhibition de monstres de foires, ou un concours de cris de cochons, ou une compétition de « celui qui mange le plus paella par le nez », bien que j'eusse bien vu la soirée se terminer dans une piscine pour gosse de chez carouf a moitié remplie de boue, par le combat érotique des deux filles de Daft Punk sous les vivat avinés des gosses de notre concert. Après la musique de merde et les sosies misérables, nous aurions pu écrire sur la comédie humaine que n'aurait pas reniée un Zola, au milieu de cette cour des miracles. Par chance ma mère, qui devait assister à cette soirée, n'est pas venue. Je n'aurais pas supporté cette honte supplémentaire.
Las, il faut tirer des enseignements positifs de ce genre d'expérience. D'abord écouter ses copains quand ils disent qu'ils ne sentent pas quelque chose. Dans mon enthousiasme exhibitoire, je serais capable d'accepter n'importe quoi juste pour la griserie d'être en scène. Et puis toujours et encore notre son dont il va tout de même falloir qu'on s'occupe un peu un jour. Hubert nous proposé de faire l'ingé-son. Il est certain que c'est un boulot à part entière, et qu'il est difficile d'être à la fois juge et partie. Même matériellement, il est quasiment impossible de faire des réglages en cours de jeu. Il faut admettre aussi que le public est à la base de tout. Quand le courant passe, même si la prestation est perfectible, comme c'était le cas la veille ou le lendemain, tout va bien. Un sentiment d'euphorie nous gagne. Si nous étions un groupe professionnel, je dirais volontiers qu'après tout il y a un travail à fournir, quelque soit l'auditoire, mais ce n'est pas le cas. On est un groupe de potes, et le but principal, c'est de nous faire plaisir. Ou bien de se faire du blé ! Ce qui serait un bon substitut au plaisir. Mais pour l'instant nous sommes un peu condamnés à ce genre de « contrat ». nous sommes cependant d'accord sur ce dernier point : Plus de concert improvisé, mal ficelé, et dans tous les cas, sans une carotte au bout. Sinon j'ai rencontré des gens heureux de nous avoir écoutés. Même pour cette soirée minable. Les quatre ou cinq premiers titres n'étaient pas si mal, des gens ont apprécié, et ont dansé. Concernant la soirée du mercredi, Jako nous a même accordé un satisfecit. Nous avons la rock attitude. Mais notre son nous dessert, et il ne faudra pas selon ses termes, qu'on se grille par défaut de son. Il faut qu'on règle ce problème. Jako était même prêt à nous prêter sa sono. Vraiment sympa ce gars.
Au final cette soirée, sur laquelle je vous prie de m'en excuser je me suis étalé plus que de rigueur, c'est Odile qui l'a sauvée. Au bord de jeter l’éponge, ma tendre épouse a pris sur elle pour nous entraîner dans les rues et les bodégas afin de nous laver un peu l'esprit avec des images de féria. On a passé un moment chez Pablo. J'ai pu constater avec bonheur que l'interdiction de fumer dans les lieux publics a au moins cet effet positif que l'air est respirable. Les fumeurs respectent plutôt bien l'interdiction, même si ici et là quelque distrait allume sa clope. Pour finir cette soirée, nous avons terminé au Gambrinus où Christophe nous a servi une sangria. La sangria de papa c'est fini d'ailleurs. On te vend une bouteille d'un litre et demi déjà préparée. Plus le droit de fabriquer soi-même sa sangria désormais dans les bodégas. Quand on te vend de la sangria avec des fruits qui flottent, c'est essentiellement cosmétique. Et bien je l'avoue, cette sangria était honnête, ou peut être avais je soif. Une dame passablement imprégnée est même venue à notre table pour nous gratter un verre.
Le vendredi nous avons fait relâche dans la journée, afin de récupérer de la soirée calamiteuse de la veille, du moins dans sa partie « travail ». Je ne cache pas mon inquiétude au sujet de notre dernière représentation chez les Almansa. Les souvenir de la veille sont encore douloureux, et oserai je dire, nous guettons le ciel avec l'espoir qu'un orage salvateur nous délie du contrat moral passé quelques semaines auparavant. Mais si le temps est plutôt lourd, il reste stable et s'améliore même en fin de soirée. C'est donc un peu à reculons que nous arrivons tous devant le « Garage ». Il est noir de monde. Des rubans de sécurité ont été tendus afin de délimiter le carré des musiciens. Tout est déjà
installé, j'ai honte. J'ai l'impression d'être le chanteur qui arrive alors que tout a déjà été réglé. Je décide de m'octroyer un peu de boisson ambrée, celle de ma réserve personnelle qui ne me quitte pas. En effet je ne dérogerai pas de la ligne de conduite que je me suis fixée : pas de mélange, de la modération, même si mes copains, estiment que je sacrifie un peu trop au Bacchus écossais. En aparté je ne peux m'empêcher de penser à cet adage qui parle de regarder midi à sa porte, et de bien balayer devant avant que de porter des jugement hâtifs sur tel ou tel comportement alimentaire supposé. Tout finit par se mettre en place, nous grignotons quelques amuses bouches alors que la foule s'agite. Il semble que le moment approche où elle sera à point.
Changement complet d'ambiance ce soir. Le son est un peu meilleur, on a disposé les enceintes différemment. Toujours des problèmes de micro et de larsen, mais gérables. Du moment que je chante en léger trois quart droit, et que je ne bouge pas du quadrilatère de 50 cm de coté à l'intérieur duquel les ondes sonores protégées par mon corps n'interfèrent pas avec les ampli des instruments et les baffles devant, et bien sur si par ailleurs je chante la tête légèrement de coté, avec si possible le bras bien levé en l'air : ça passe ! La soirée est différente. Il y a une bonne centaine de personnes, rassemblées en une masse compacte. Ils ont envie de s'amuser, et d'écouter. Philou est au premier rang, qui reprend les refrains de nos chansons, Jérôme Isemberg à ses coté observe et surveille le comportement de notre sono et me renseigne en temps réel sur les corrections à effectuer. Même si ce n'est pas encore le concert du siècle, car il véhicule sont lot d'imperfections, il nous apporte tout de même beaucoup de plaisir. Même Odile, qui au départ ne voulait pas chanter, accepte sous la pression de l'auditoire, de reprendre New York en solo. Je vois dans le public des inconnus écouter avec attention, d'autres marquent le rythme, les filles devant reprennent les paroles, une dame me regarde dans les yeux et me sourit largement : il n'en faut pas plus pour me faire oublier les déboires de la veille.
Nous bouclons sans trop de mal notre affaire, sous les applaudissement de sympathie et les vivats d'encouragements de nos aficionados.
Hélas encore, nous cédons à la pression du public et acceptons de reprendre deux chansons. Une fois de plus ce n'était pas un bon choix tactique. Jésou avait raison : on aurait dû les laisser sur leur fin. Mais bon. Ils sont indulgents ce soir, et malgré un final très perfectible, c'est plutôt dans la satisfaction que se termine ce concert de rue.
Ce qui est très agréable ce sont les gens qui viennent après, et nous parlent. Ils ont aimé plutôt nos reprises, ou bien apprécié nos compos, ils évoquent les années 70, leurs souvenirs de boums, parlent matériel, demandent quelles seront nos prochaines dates. Les professionnels, comme Michel Creach ou Jérôme, ou bien François Lejeune sont complices, nous indiquent nos marges de progression, où nous font part de leur satisfecit. On se sent bien. Vidés mais heureux. Comme d'habitude une fois tout débarrassé, il ne reste plus rien à boire ni à manger. Heureusement que j'ai ma réserve personnelle.
Nous terminons joyeusement la soirée au Mano à Mano. La musique est bonne, l'ambiance festive et joyeuse, il y a du monde mais juste ce qu'il faut. Nous nous tenons au bar, et pour une fois je déroge à la règle. Je termine au champagne. Du Deutz tout de même. Un type me prend pour Jean Nouvel, à cause de mon chapeau. Je joue le jeu, lui aussi. Un dialogue un peu surréaliste se noue, avec la complicité d'Isenberg.
Nous reprenons notre procession, direction l'Impérator. La queue est interminable. Jean Paul Thevenon a le temps d'échanger des informations passionnantes avec deux jeunes anglo-saxonnes ; j'apprends ainsi qu'il maîtrise parfaitement la langue de Beckham, ayant passé deux ans à London. Toute cette attente pour rejoindre une partie de la bande. Quand nous entrons, ils sortent. C'en est trop : nous retournons aux voitures. Nous aurions du rester au Mano.
Autre point d'orgue de cette longue feria, le Samedi. Avec Lolo, nous rejoignons les invités des Isenberg au 33 rue de la Biche. Parcours un peu compliqué par une Enciero juste dans ce quartier. Nous y retrouvons les représentant des deux bandes du Kéké. Les Isenberg habitent, au delà d'une toute petite porte ferronée discrète, un superbe terrain arboré en léger espalier, recouvert de pelouse et agrémenté de rhododendrons en pots d'Anduze et de rosiers éclatants, enchâssé entre les hauts murs des maisons mitoyennes, bordé sur son long coté par une vaste « maison de village ». Le gros de la troupe arrive en ordre dispersé après la fin de la corrida du matin. Florence nous a honoré d'un superbe buffet. Je me jette dessus comme les choucas sur le champ de mais. Nous passons un très agréable moment. Je fais des rencontres intéressantes. Notamment un convive m'explique que plus qu'un rock basé sur le massacre consciencieux, notre jeu se comparerait plutôt à une entreprise de démolition. Nous sommes les Volpilières du Rock. J'aime bien l'analogie. Ça me donne une idée de nouveau logo pour le groupe, où pourrait figurer en bonne place une grue de chantier fracassant notre nom en briques façon titre de Ben Uhr. Ensuite une jeune femme noire adorable m'indique que mon anglais mâtiné d'accent nîmois est charmant ! Nous terminons vers 16 heures par une farandole de desserts où figure en bonne place un énorme compotier d'île flottante confectionné par Sylvie et qui me rappelle tant celle que me préparait ma mère dans mon enfance.
Nous rentrons et faisons une petite sieste réparatrice. Mais ce samedi soir, nous décidons de faire relâche. Il faut reposer un peu les muscles.
Le plat de résistance c'est le dimanche soir. Pascou reçoit le Tout-Nîmes chez Philou pour une gigantesque paella. Lolo et lui nous ont confectionné la meilleure paella que j'aie jamais mangée. Un plat prévu pour une soixantaine de personnes. Ce sont 51 convives qui répondent à l'appel du chorizo de la crevette et de la moule entre autres. Ah, tiens, au fait comment va Kéké ? demande candidement Cathou quand elle prend connaissance du nombre de personnes...
L'échantillon d'invités, très éclectique, aurait pu virer au disparate. Il n'en est rien, tout le monde se connaît plus où moins et la sauce prend très vite. Pour aider d'ailleurs, ce sont 33 bouteilles de champagne qui passent de vie à trépas pour le bonheur de tous. Quant à moi, je m'en tiens à mon strict précepte, qui me fut enseigné autrefois par un ancien fêtard : Hubert. Pas de mélanges. Je mange donc ma paella parcimonieusement arrosée de whisky. C'est goûtu !
Mentionnons une programmation musicale vite reprise en mains par Philou, qui permit à une chenille assise de faire passer les corps des femmes de mains en mains jusqu'à notre maître de cérémonie d'un soir, notre Pounet. Signalons aussi la présence colorée du peintre Etchebarria, transfuge temporaire des Landes, venu accrocher ses toiles à la salle « mon espace ». Miguel et son copain Henri, ancien footballeur professionnel devenu espincher de jeunes talents ont contribué à animer cette soirée. N'oublions pas les piliers de bars habituels, le Baou, le Barde, le Leader Maximo, Jérôme et François, Tonton Jacques, Philou, Pascou, Bruno, Phil, Laurent et d'autres dont je ne saluerai jamais assez la volonté d'airain et la constance dans l'acharnement à démontrer qu'en matière de consommation alcoolique ils savent être bien meilleurs que moi ! Quant à moi, j'ai préféré piétiner les plate-bandes du Kéké en allant murmurer à l'oreille de leurs femmes pour une fois. Et je suis loin d'avoir trouvé l'exercice déplaisant ! Si, tout de même, avec Jérôme nous avons longuement développé le thème du principe d'Isenberg, également connu sous le nom de principe d'incertitude. Tu sais où ou quand, mais tu ne peux jamais prédire ou et quand. Bon, nous avons appliqué ce principe à des cas très variés de la vie de tous les jours, et Jérôme a convenu que ce principe allait lui être très utile à l'avenir.
Pour conclure cette soirée, une petite visite au Lulu Bar nous a confirmée que les backrooms étaient toujours à l'étage, près des pipirooms. Nous avons passé une heure dans ce lieu charmant et pittoresque avant de rendre les armes et de nous pieuter enfin vers 5h30 du matin. Odile et moi avons dormi chez l'habitant, rue Carnot. Une légère fringale m'a amené à chercher dans tous les placards un morceau de pain. Les portes étaient opportunément munies de pendentifs métalliques dont la sonorité à type de clochette finit au bout de dix minutes par alerter Lolo malgré le soin que j'avais mis à ne pas faire de bruit. Afin que je cesse mon activité elle me trouva un quignon. Je pus enfin me coucher à mon tour.
Quelle belle Feria !
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