Il faut le savoir : Phil n’aime pas les boissons à base de fruits. Le jus d’orange par exemple. Jusque là rien que de très normal, je ne suis pas non plus un fanatique de ce genre de breuvage. A part peut-être, en matière de fruits, la pomme d’amour, autrement dit la tomate dont le jus permet de confectionner mon cocktail de prédilection, dont je vous ai parlé je crois dans une précédente chronique : Le Bloody Marie.
Digressons donc un brin, en plus il fait chaud, ça nous permettra de nous désaltérer.
Deux légendes courent, concernant ce mélange. La première voudrait que son origine se confonde avec Marie Tudor, qu’on surnommait Marie la Sanglante, du fait des atrocités dont elle n’a pas été avare durant son règne vers 1550, contre les protestants. Mais plus certainement, c’est au Harris Bar, à Paris, dans les années 1920 qu’aurait été concocté pour la première fois ce sanglant filtre magique. Il a bien sûr été popularisé par Ernest Hemigway un peu plus tard. Moi-même j’en ai fait une consommation plus qu’honorable lors de mon séjour Tahitien en 1980. J’avais pour voisin de chambre un biologiste, joueur de saxophone, dont le dandisme et le détachement légèrement condescendant faisaient mon admiration. Tous les samedi, nous nous rendions au Grand Hôtel Tahara, près d’Arue, sur la côte nord de l’île. Là nous prenions un petit déjeûner international parmi les jet-set américaine et australienne. C’est également là que Bruno m’a initié à cette étonnante boisson dont la composition rappelle plus la recette de cuisine façon gaspacho que le cocktail sucré style écoeurant.
Il est vrai que le produit est consistant, et que servi dans un bol on aurait une tendance naturelle à utiliser une cuiller pour le consommer. C’était notre anarchisme à nous que de commander cet ovni en plein milieu du pacifique, à rebours de tous les clichés tropicaux, tandis que le peuple se ruait sur les mélanges sirupeux genre planteurs et autres boissons à l’exotisme affiché, Tahiti oblige. Le snobisme a parfois du bon !
Et c’est avec délectation que j’exigeais le flacon de Worcester Sauce, le sel de celeri, et que le jus de tomate soit apporté dans sa bouteille d’origine afin que j’en puisse faire moi-même le dosage. On est con quand on est jeune. Mais bon sang (bloody fucking bastard son of a bitch) qu’est-ce-que c’est bon ! Je ne vois qu’une alternative au Bloody Mary : Un bourbon. Un truc qui vienne du Kentucky ; Sauf bien sûr les trucs qui viennent du Kentucky importé par l’ignoble Colonel Sanders, fondateur de KFC, que je mettrais en trois dans mon Top3 des grandes arnaques du XXè siècle, juste derrière le Père Noël-Coca-Cola, et Ronald McDonald le clown qui fait peur aux enfants. On remarquera que dans les trois cas, ces personnages de légende sont des usurpateurs : le « colonel » n’a jamais dépassé le grade de deuxième classe, le père-noël est un chômeur fin de droit qu’on a affublé en rouge pour servir d’homme sandwich à une boisson gazeuse, et ronald est un succédanée de Bozzo le Clown, dont l’interprète avait été engagé par MacDonald (qui n’appartenait d’ailleurs déjà plus aux frères fondateurs) dans les années 60.
Bon, enfin bref, je sens que je m’emporte, moi dont, en temps normal, la zénitude le dispute au calme le plus olympien, dans un contexte de paix intérieure chimiquement induite. Me revient à l’esprit certaine conversation politique de samedi dernier, au décours d’un repas d’ailleurs fort bon de coquillages crustacés et autres mollusques, quelque part près du pont de la lune, où je défendis avec véhémence ma vision sociale de l’imposition à géométrie peu variable de ce qu’il est convenu d’appeler la classe moyenne. Notons au passage que si l’on interroge n’importe quel smicard, il est persuadé d’en faire partie, ce qui en dit long sur le regard que le français porte sur lui-même, un peu dans la même ligne d’ailleurs que ses réponses aux sondages sur les habitudes sexuelles. Elles mettent en lumière des performances absolument époustouflantes de ce toujours moyen français, qui supposent une activité pluri-quotidienne dont la démographie nationale ne reflète pas la réalité, ceci dans le cadre d’une fidélité revendiquée par les femmes, dans les valeurs d’un mariage dont on sait à quel point il peut « lisser » les plus farouches volontés. Je ne parle pas, évidemment, de volontés exceptionnelles, celles qui font l’admiration de tous, hein mon Jésou ? Mais enfin je pose la question, si les hommes déclarent baiser à tout va, et si les femmes sont fidèles, on se dit qu’il y a un petit hiatus dans la réalité, non ?
J’imagine que dans le milieu bourgeois (vous avez remarqué que n’importe quel représentant de la classe moyenne est persuadé de faire au moins partie de la petite bourgeoisie ?) ce genre de sondage ne recueille que peu d’échos, « trop d’intérêts sont en jeu » expliquerait certain. De toute façon le mariage n’y est pas fondé sur une vulgaire notion d’amour réciproque mais plutôt sur un rapprochement d’intérêts bien compris, organisé au cœur de l’adolescence par des parents attentifs, au cours de rassemblements aux contours balisés, formatés, ne laissant de manière insidieuse, à l’insu des intéressés même, aucune place au hasard ni au brassage pluriculturel et encore moins au multi-ethnisme. Ici au moins, l’assenceur social fonctionne à plein régime !
Cette diatribe se justifierait si je passais sous silence le défaut de ma cuirasse.. Rocker CGTiste, il se trouve que ma chef m’a inscrit par ailleurs au « Club des Amis de Sarkosy d’Avignon » ce sera bon pour ta carrière hospitalière m’a-t-elle expliqué ! On voit bien au travers de ce grand écart que je suis parfaitement dans le moule, et que si je dénonce le système, en bon nanti moyen que je suis, j’en profite sans vergogne, et même avec un cynisme qui laisse réveuse la partie de moi qui réfléchit !
Quoi qu’il en soit, donnons acte à Phil de son dégout pour le fruit. Cependant je ne peux cautionner son aversion pour la Mirabelle, la Quetche, et la Grappa. Outre que des carences alimentaires graves pourraient en résulter, ce sont là des fruits irréprochables, de grande tenue, dont on a opportunément conservé l’arôme intact dans une macération dont la distillation alcoolique a su fixer les principes actifs au long d’années de vieillessement. Ce n’est pas faire honneur au travailleur de la terre que d’en bouder la production. Enfin c’est ce que je pense.
Dès lors, (j’adore cette expression, les discours et les rapports d’énarques en sont truffés, ça fait très professionnel, en tout cas ça a beaucoup plus de gueule que « donc », ou « par conséquent », bien que j’aie un petit faible pour « désormais » dont le coté fataliste parle à ma mélancolie naturelle).
Dès lors, donc, (ah ah ), nous goutâmes avec application les différentes bouteilles de Jésou avant de nous engouffrer dans l’antre des possibles musicaux, la crytpique Salle Jim Morrison.
A ce stade que dire de plus qui n’ait déjà été interprété, disséqué, exploré, examiné au microscope électronique de notre objective rigueur, dont nous n’ayons pas disserté longuement au cours des pauses qui jalonnent nos rencontres, qui n’ait enfin fait l’objet d’une analyse critique et attentive des tenants et des aboutissants pour déboucher sur un constat amer mais concret ? Nous ne sommes pas prêts !
Oh bien sûr, nous connaisons désormais (« dès lors » ne marche pas bien dans ce cas) une petite dizaine de chansons, que nous interprétons vaillament. J’ai cependant l’impression que ce que nous avons gagné en technique, matériel compris, nous l’avons un peu perdu en spontanéité. C’est normal, pour jouer ensemble, nous avons dû redécouvrir les règles d’une interprétation de groupe. Ces règles sont immuables à ce stade : pour jouer ensemble, il faut que chacun sache ce que l’autre doit faire, et tous sont en droit d’attendre que chacun s’y plie.
C’est donc carré, et relativement propre.
En même temps pourquoi se flageller ? Je pense sincèrement que c’est un nouveau stade de notre croissance. Un nouveau plateau. On apprend doucement à vivre ensemble au sein du groupe. Chacun d’entre nous progresse dans sa pratique, et très souvent les couacs rencontrés ne sont que les effets d’une expérimentation. Nous testons nos possibilités, pour le meilleur et pour le pire. Les répètes sont faites aussi pour ça.
L’apprentissage nous permettra dans le futur de nous affranchir de ce pesant fardeau : surveiller l’autre ; une fois connu le fonctionnement de chacun, et les automatismes intégrés, l’improvisation et donc la spontaniéité reprendront leur place.
Odile a rejoint le groupe. Elle fait, avec Alain, partie des choristes. De plus lors de cette séance nous avons mis en chantier « Les sucettes ». On a tout essayé : Rock rapide, slow. finalement notre version ne sera pas très différente de l’enregistrement initial. Parfois il faut se rendre à l’évidence : S’ils l’ont chanté comme ça, c’était sûrement pas pour rien ! C’est que c’était écrit pour ça. Plus tard, quand nous serons grands, nous pourrons commencer à vraiment nous approprier les titres. Pour l’instant, « jouer propre et carré » c’est déjà pas si mal.
Heureusement les intermèdes n’ont pas manqué, qui nous ont distrait un peu de notre travail. La meute des chiots de Rixie par exemple. Je rappelle aux nombreux ( !) lecteurs, que la progéniture de notre molosse des carpathes se porte à onze rejetons. Dans le lot on compte me semble-t-il, une répartition assez équitable de filles et de garçons, compte-tenu tout de même de l’incertitude qui plane sur l’un d’entre eux : On l’a retrouvé en train de faire une « gâterie » à son frère. Ecarté à dessein, le coquin s’est invariablement rapproché de son frangin pour y retrouver la douce quiétude d’un téton salvateur. Sauf que c’était pas un téton ! Mettons celà sur le compte d’un oedipe mal négocié par un chiot trop rapidement soustrait à l’amour de sa mère. En effet Rixie, malgré un excès de lait, n’a pu nourrir ses enfants du fait d’une mamite foudroyante. On se rappelle que Dario Moreno avait en son temps chanté ce symptôme dans son hit célèbre (repris par Philou beaucoup plus tard) : On l’appelle la mamiiiiiiiite. Il ne faut pas confondre cette inflammation, qui pour douloureuse n’en est pas moins courante, avec la mamite phalloïde qu’on reconnait par l’aspect tres excroissant des tétines de l’animal, qui ressemblent à autant de phallus, rouges avec des pois blancs de surcroi. Haroun Tazieff a rendu compte du phénomène de cette mamite, aussi appelée « tétonite ». En effet le mâle, rendu fou par les phéromones dégagées par la femelle victime de la tétonite, ne peut plus contrôler sa vessie et se met a divaguer dans l’espace proche en urinant abondamment. C’est ce qu’on appelle la dérive des incontinents. Dans le cas de chiennes atteintes de mamites, mais dont les mamelles sont peu gonflées de lait, voire vides, Tazzief décrit ce qu’il appelle la « tétonite des plates » qui associée à la « dérive des incontinents » constitue la base de la vulcanologie canine moderne.
A part ça, nous avons pu participer à un nourrissage ce mercredi soir. Huit bêtes affamées ont attéri sur nos genoux protégés de moletons. Le mien portait un collier de laine gris. Ainsi, moi qui ne rate aucun épisode de Greys Anatomie, j’ai pu admirer à loisir celle de « gris ». Même quand il m’a fait pipi dessus afin de manifester sa reconnaissance. Un réel privilège ! Il est vrai qu’avec huit nourrisses ça va très très vite, un quart d’heure tout au plus pour gaver les fauves. Très interessant, très amusant. Une fois. J’imagine que quand il faut le faire 44 fois en 24 heures, on doit commencer à « sentir la fatigue » !
Mais d’ici quelques mois, une fois tous ces morfales casés dans des familles d’accueil, on en rira !
On pourra toujours chanter « Zavez pas vu Mirza, je cherche partout ce chien » de Nino Ferrer!
lundi 9 juillet 2007
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2 commentaires:
Oh... My... God ! (muahahaha !)
ce commentaire, quasiment disimulé dans la masse pléthorique de mes débordements tapuscrits, m'oblige désormais à remonter le cours du temps de ce blog afin de m'assurer qu'il n'y auait pas d'autres pépites dissimulées dans le limon de ma rivière de mots. la chasse au trésor commence !
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