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jeudi 18 mars 2010

Moi Plus Tard, Quand Je Serai Grand, Je Voudrai Etre Artiste de Giratoire !

Je ne sais pas pourquoi, au moment d’entamer ce billet, il me revient en tête cet artiste découvert dans un reportage du style « complément d’enquête ». Il s’agit d’un sculpteur d’un genre très spécial puisqu’il se définit lui-même comme « artiste de giratoire ».
Mais de quoi s’agit-il donc ?

En fait cet homme, qui ressemble plutôt à un de ces commerciaux proposant au domicile des chalands quelque couteux appareil électroménager payable à tempérament, est un specimen d’une soixantaine d’années, rond, bon vivant, hâbleur, portant une belle moustache et un blazer de bon aloi quoiqu’un peu froissé par de longs trajets en voiture. Il démarche les mairies, les conseils généraux avec maquettes et cartons à dessin pour proposer aux édiles de « personnaliser » les ronds points qui fleurissent aux entrées des agglomérations, les transformant en un hymne pompier au bon gout et à la promotion de la spécialité locale.

Dans la séquence qui se situait quelque part sur la côte atlantique, il présentait avec fierté un kitchissime envol (très) stylisé de quatre hérons devant un élu sous le charme. Même le prix : trente mille euros, ne rebuta pas ce dernier. J’appris ainsi que cet ancien pilote de rallye (R5) sorti du rang des ouvriers des usines Renault avait bénéficié d’une formation au design automobile puis avait bifurqué (tout naturellement ?) vers la sculpture, s’engouffrant sur les chapeaux de roue dans ce créneau juteux du rond point. « Ca me laisse toute liberté pour exprimer ma sensibilité artistique » précisa-t-il d’une voix pénétrée.

L’enquête m’apprit qu’il était en fait une sorte de Sulitzer de la sculpture : il sous-traitait l’élaboration des œuvres à de vrais artisans sculpteurs Compagnons du Devoir. Pour achever mon information la voix off précisa que les œuvres étaient réalisées en polystyrène expansé « afin qu’elles ne causent pas de dégâts à l’éventuel véhicule qui les percuterait, même à grande vitesse ». Délicate attention. En mon fort intérieur, je ne pus m’empêcher d’évoquer la pérennité relative d’un tel artéfact, même si l’on excluait toute destruction par choc frontal. Une aubaine pour l’artiste et une source inépuisable de revenus en tous cas.

Comme quoi, de mon point de vue, nous n’avons vraiment pas à rougir de notre travail. Si ce type est un artiste, nous pouvons sans complexe nous réclamer de cette race. Cependant, si l’on se place d’un point de vue professionnel, et si l’on considère que l’artiste vit de son travail, nous sommes encore loin du compte ! Il est vrai que selon cette définition, Van Gogh est disqualifié, qui ne vécut que de l’aumône de son Théo de frère et de la charité de son entourage. Mais je crois que nous pourrions tout de même prétendre au qualificatif d’artiste maudit, ce qui n’est pas si mal somme toute.

Artistes maudits, nous le sommes assurément par les difficultés que nous rencontrons à parachever notre fameux CD. Je ne sais pas ce qui se passe avec cette galette, mais la cuisson en est particulièrement longue et virerait à l’indigeste si la flamme de l’espoir n’éclairait telle la veilleuse du chauffe-eau les ténèbres de notre amateurisme militant. Après six sessions d’enregistrement, une vingtaine d’heures passées au SPB, trois longues séances d’auto flagellation lors de nos célèbres « écoutes critiques », j’ai le pénible sentiment d’avoir perdu l’objectif ! Comme ces gens répondant longuement à une interview, s’égarant en digressives arabesques verbales avant de s’arrêter un peu inquiet pour demander au journaliste quelle était la question de départ.

Nous sommes piégés dans un capharnaüm musical, dans lequel aucun d’entre nous ne sait plus très bien où en est le projet, la guitare manquant ici mais pas là, le piano faisant défaut quand il ne batifole pas alentour comme un chien guilleret au pied de son jogger de maître , les chœurs aux abonnés absents, le tout compilé dans des pistes dont certaines sont fantômes et d’autres migrent d’un titre à l’autre, tandis que perdus dans nos notes éparses nous tentons, hagards, d’en retracer l’historique vagabonde pour assembler enfin les morceaux du puzzle.

Pour ma part j’empile les versions, je multiplie et mélange les pistes avec le micro shure, en live ou dans la cabine téléphonique, chantant contre un mur ou au milieu du groupe ou encore dans la douillette complicité de la console d’enregistrement, dépouillant mon phrasé de toutes ses fioritures méditerranéennes, toutes ses outrances wagnériennes, ses accents californiens, m’en tenant au pied de la note, me rapprochant du chant primal, monacal, faisant l’expérience d’un protestantisme musical laïque, frugal, sans outrance ni ostentation, discret, propre et carré : clinique ; aussi chargé en émotion que la tranche de jambon de régime découennée de chez Aldi fort joliment présenté dans son assiette de porcelaine blanche accompagné de sa feuille de laitue.

Un tableau brossé par un peintre dépressif ? Que nenni : Malgré les frustrations, les déceptions, les hésitations, les errements, Sachez-le je me régale ! Car si notre progression est lente, parfois régressive, elle forge notre expérience et nos caractères et installe un solide socle fondamental sur lequel nous pourrons reconstruire notre rock en maîtrisant mieux les aléas de l’improvisation. Elle défait les sales manies accumulées au long de répètes bâclées et tempétueuses où le simple plaisir cacophonique tenait lieu de savoir-faire. A défaut de produire un CD d’exception ce passage en studio aura eu des vertus pédagogiques indéniables. On se faisait plaisir : on apprend à faire plaisir aux autres.

Du moins l’espérai-je. A peaufiner notre message, n’allons nous pas y perdre notre âme ? N’était-il pas là ce « style », après lequel nous courons depuis nos débuts ? Là sous nos yeux, dans notre joyeuse improvisation dans le plaisir simple de jouer ensemble, dans l’insouciante méconnaissance des règles, dans cette fraîcheur iconoclaste qui produisait un son différent. Et s’il doit y avoir un enseignement à tirer de ces longues semaines hivernales où la quête de rigueur nous tint lieu de Graal, c’est que si l’inspiration et l’émotion ne se définissent pas toujours aisément par des mots, du moins peut on en déceler la présence « en creux », à l’écoute d’un titre, dans ce qu’on n’y trouve pas…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Eureka mitch, ô grand gourou !!
tu la tiens la réponse à notre errance artistique......
Les compagnons du devoir!
Nous mettons tout en place, la musique, les paroles les fausses notes etc....et eux ils se collent les concerts, les repets les studios, et à nous la signature de l œuvre les disques d or les éloges, les interviews (surtout pour toi) les royalties , Bref La Gloire !!!
Bon on commence quand ?
lololalolo

The Undertakers 5 a dit…

Lol, on commence dès ce soir : Y a Enregistrement vraisemblablement..

Anonyme a dit…

ou pas !