En traversant Joncquières Saint Vincent, charmante bourgade viticole dont on ne remarque que la route rectiligne qui la traverse, j’écoutais dans ma studiomobile 107 la courte émission de Pochon (un temps de Pochon) qui au fil de la semaine déroule une série de courts reportages à base d’interviews plutôt pétillants et décalés, sur France Inter : ma radio de prédilection.
Né dans les années cinquante je reste un pur produit de cette époque, marqué par une certaine idée de la France et un amour Gaullien indéfectible. En ce sens je me fais un devoir d’écouter exclusivement la radio d’Etat, bien que la raison principale en soit la quasi absence de publicité et l’assurance qu’en me branchant sur la fréquence j’entendrai des gens parler. Car pour moi, la radio : ça cause. Je ne déteste pas un brin de musique de temps en temps, mais j’aime écouter les gens : journalistes, chroniqueurs et intervenants de toutes origines. Les interviews, les débats, les controverses, les reportages, me passionnent et sont pour moi des sources d’inspiration inépuisables.
Pochon s’était invité au dernier spectacle du Crazy Horse. C’était un évènement : la mise en scène en étant assurée par Philippe Decoufflé le chorégraphe des jeux d’Albertville. S’entretenant avec le directeur technique, le journaliste questionna l’homme sur les critères de sélection des Girls. Ce dernier lui répondit que les filles devaient mesurer entre 1m68 et 1m72, peser aux alentours de 52 kilos. Mais surtout il lui dévoila les critères les plus sélectifs, mis en place par Alain Bernardin, l’ancien patron, hélas décédé, du cabaret.
Muni d’un mètre de couturière, il mesurait la distance entre les seins, ainsi qu’entre le nombril et le pubis. Pour faire partie de la sélection finale, les prétendantes devaient présenter un double résultat de 23 centimètres au jury.
Jusqu’ici vaguement attentif et à la limite de la distraction, en plein centre du village je plantai un violent coup de frein, en proie à une soudaine montée d’adrénaline, essuyant sans y porter attention les acides invectives d’un 38 tonnes qui pila en urgence derrière moi dans un dégagement frénétique d’air comprimé.
La plupart d’entre vous le savent, dans le cadre de mes activités paramédicales j’ai dans ma jeunesse travaillé sur un scanner X. Il y a 25 ans l’appareil était à peine sorti de sa phase expérimentale, et lorsqu’un centre hospitalier en possédait un, outre l’activité diagnostique qu’on pouvait y attendre, des programmes de recherche profitaient de l’appareil. Ainsi le samedi matin, passions-nous des heures passionnantes à scanner des os humains fraîchement préparés, ou encore des pièces anatomiques médico-légales, voire des projets plus étranges comme ce type de l’INRA qui m’amenait des carottes de terre afin que par reconstruction tridimensionnelle des coupes j’affiche les galeries creusées par les vers de terres et larves d’insectes d’une région du Luberon en vue de déterminer un indice de fertilité lié à la richesse du réseau de galeries.
Quant à moi, j’avais mis en place mon propre programme expérimental basé sur la statistique et la loi des grands nombres appliquées aux particularités anatomiques. Mon sujet d’étude portait sur deux mesures très précises. Je l’ai mené sur un millier de femmes de toutes tailles, corpulences, origines, confessions, professions. La personne était allongée, bras au dessus de la tête. Au cours de l’examen, je prenais soin de faire trois coupes : l’une passant exactement par les mamelons, l’autre sur le nombril, la dernière au niveau de la symphyse pubienne.
Ensuite, sur la console de traitement, je prenais deux mesures : la distance entre les deux tétons, et la distance entre le nombril et le clitoris. Je consignai scrupuleusement les résultats dans un registre.
A la fin de l’étude je pus calculer, après avoir éliminé les mesures trop discordantes ce que je nommai le BT et le CO. Le BT ou Bi-Tétons était de 23 centimètre.
A ma grande surprise, le résultat du CO – le clito-ombilical - fut identique : 23 centimètres.
Cette convergence me fit penser que j’avais touché quelque chose qui dépassait largement l’anecdote. Poursuivant mon étude, je ne sais pourquoi, j’eu l’idée de mesurer l’écart entre les extrémités de l’auriculaire et du pouce, tendus à 180°, de ma main et de celles des autres éléments masculins du service. En moyenne là aussi, la mesure de ce que l’on nomme l’empan était de 23 cm. Outre que 23 est un nombre premier, c'est-à-dire uniquement divisible par lui-même et par 1 ce qui en soi est déjà un fait remarquable, j’eus la confirmation en lisant un ouvrage sur Leonard de Vinci, que ce dernier était arrivé aux mêmes mesures pour proportionner ses modèles en se basant sur le nombre d or représenté par la lettre grecque Φ.
On retrouve Φ dans d’autres proportions de la nature comme l’espacement entre les spires du colimaçon des escargots, ou l’agencement des follicules de la pigne de pin, mais aussi en architecture dans le calcul des espacements des marches d’escalier ou le celui du cintre des ogives des cathédrales et plus près de nous dans les proportions de la pyramide du Louvre. Ainsi donc les mensurations des danseuses du Crazy découvertes empiriquement, autant dire par tâtonnements, par Bernardin n’étaient pas un hasard, mais directement inspirées de l’influence naturelle du nombre d’or.
Je méditai un long moment sur le coté mystique de la chose et ses implications métaphysiques qui semblaient émerger de l’insondable mystère des origines de l’univers, ainsi que sur le paradoxe soulevé par le rapprochement improbable entre les filles du Crazy et le génie de Leonard, tandis que derrière moi les 38 tonnes du camion de produits frais me sortaient de ma transe d’un mugissant et frénétique coup de klaxon.
Je repris pied avec la réalité en songeant qu’à l’instar de Charles Cros et Graham Bell revendiquant tous deux l’invention du phonographe, Bernardin et moi avions fait la même découverte, selon des méthodes assez radicalement différentes et des motivations sensiblement divergentes. Preuve s’il en est que les théories et les inventions ne sont la propriété de personne se découvrent se nourrissent les unes des autres, se plagient se colportent, s’oublient puis se redécouvrent tout au long de la complexe histoire humaine. De la même manière qu’en musique des milliers de titres se chantent en mi la si, sans qu’aucun ne se préoccupe de la paternité de cet enchaînement d’accords tant la richesse de l’interprétation est infinie et conforte les compositeurs dans une croyance parfois fragile dans leur génie créatif.
On ne peut mettre en doute cependant le génie de Debussy qui s’attacha dans les harmonies de La Mer à respecter des proportions tonales basées sur le nombre d’or. Des recherches ont également été menées en matière rythmique, notamment par Vangelis et je ne doute pas que Phil le K à l’instar de Bach (La passion selon Saint Mathieu BWV 244) s’attache constamment à respecter la Divine Proportion pour rythmer nos facéties !
Hélas, le nombre d’or ne fut pas notre préoccupation majeure lors de la répète du dernier mercredi. A part bien sûr si l’on veut considérer la fréquence de notre addiction à la cigarette dont on peut considérer que nous en grillâmes proportionnellement 1,618 fois plus que d’habitude, sans doute pour masquer notre manifeste méforme.
Nous ne fumes pas trop de sept au cours de cette répète pour achever la soirée. Chacun à son tour contribua à la cacophonie ambiante dans ce qui n’était au départ qu’une petite révision, un marathon somme toute assez standard ne présentant pas de difficultés particulières. Sur la quinzaine de titres à disposition, je ne suis pas certain que nous en sauvâmes ne serait-ce qu’un seul du désastre. Lorsque l’on sait que ce mot, traduit de l’italien signifie « né sous une mauvaise étoile » on ne peut que convenir qu’en effet très peu d’étoiles brillaient dans le ciel des UFR ce soir là.
Pas d’étoiles dans les cieux, pas de stars dans la salle !
Je ne sais si l’on doit incriminer le tonnelet de bière apporté par le Carré, mais parfois l’un ou l’autre se sentait bien seul, soutenu avec constance par l’unique et courageuxbatteur, pour venir à bout de telle ou telle chanson. Entre ceux qui cassaient des cordes, ou oubliaient de jouer, ou jouaient un autre morceau, ou encore rajoutaient un refrain au grand désarroi des musiciens, il n’y en eut pas un seul pour sauver la séance ! Même notre K jeta l’éponge en fin de partie.
Ecoeurés, nous n’insistâmes pas sur les nouveaux titres, dont le compositeur lui-même sembla aborder le déchiffrage comme si un adolescent à peine pubère à tendance heavy métal néo punk venait juste de lui en fredonner à l’instant la mélodie !
On peut mentionner, pour mémoire, un effort méritoire des choristes, Odile et Laurence, qui sabordèrent un peu plus s’il en était besoin le « Train de la Vie » en poussant aléatoirement des tchous tchous stridents tout au long du titre dans un concert de fou-rires. Je crois que notre épuisant marathon, et la tension nerveuse accumulée furent pour beaucoup dans ce déchaînement libératoire.
A mon sens nous n’avons jamais aussi bien enterré le Rock que ce mercredi, avec une bonne humeur communicative et réjouissante. Au moins de cela, pouvons-nous tirer une légitime fierté.
mardi 6 octobre 2009
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