On se donne rendez vous chez les A. sur le Jean Jaurès à 19h30 devant le mythique Garage, haut lieu de rencontre de la feria, ce vendredi soir pour une virée style Magical Mystery Tour à Viols Le Fort, du coté de St. Martin de Londres au nord de Montpellier. Le rendez-vous était organisé de longue date par Jérôme I. . Depuis quelques années il a pris l’habitude de fréquenter ces fêtes nocturnes organisées par le Wagon Bleu, une association qui restaure, présente et utilise des voitures anciennes. Participent à l’aventure Max et Geneviève R., les Smith, Les Ritchwood, Florence et Jérôme I., Eric et Catherine A. Hélas notre Leader, P., souffrant n’est pas de la partie, mais il nous a confié Lizz son épouse. On se répartit dans les voitures. Nous montons dans l’espace Peugeot d’Eric, qui nous offre six places (assises). Le trajet passe par Quissac car l’important trafic des vacances nous laisse craindre de grosses difficultés sur l’autoroute. La route est agréable, peu fréquentée. Nous saluons à la hauteur du Pic Saint Loup, le domaine de l’Hortus, vin agréable au palais. Nous mettons un peu plus d’une heure pour atteindre notre destination.
Sur place les bas-cotés sont encombrés de véhicules et nous devons cheminer un moment avant de trouver un parking libre. Jérôme nous donne nos places. Nous voici armés pour brandir nos sésames à la billetterie. En arrivant vers le lieu, j’entends la voix de Janis Joplin. Je pense tout d’abord que c’est une sonorisation que passe l’organisation avant le concert. Mais en pénétrant sur le terrain déjà noir de monde je suis très surpris de découvrir que le concert a déjà commencé, et j’ai un choc : si je ne savais pas que la chanteuse est morte il y a trois décennies, je jurerais de la voir en chair et en os sur cette scène. Petite taille, cheveux frisés, des vêtements baba seventies, et une VOIX bluffante, les mêmes intonations, le même voile rauque, ces accents gouailleurs parfois, qui transmettent une incroyable émotion.
Nous essayons de traverser la foule dense. Des chaises ont été installées sur plusieurs rangs, encerclant un parquet de danse peint à ma gauche ; tout autour de moi plusieurs dizaines de personnes s’agglutinent autour d’ilots constitués par des bidons industriels. Des bouteilles de rosé ou de champagnes, des verres de bière, des barquettes de frites et de francforts rouges copieusement arrosées de ketchup et de mayonnaise, grasses à souhait en encombrent les surfaces, signe que la soirée a débuté il y a un moment déjà. Nous avançons vers le long bar qui borde à main droite le terrain, faisant face à la scène située à cinquante mètres. Cette dernière, surmontée d’un château d’éclairage se trouve surélevée d’un mètre par une bute naturelle herbeuse. Derrière, surprenant, un wagon restaurant fait office de mur. C’est un wagon des années soixante me semble-t-il, bleu nuit, dont je comprends facilement que c’est lui qui a donné son nom à l’endroit. A proprement parler il y a un léger abus de langage puisque en matière de transport de passagers on parle de voiture, le terme wagon étant réservé au transport de marchandise. Mais il faut le dire ce léger distinguo n'est pas la préoccupation du moment ! Au bar les hommes s’occupent des rafraîchissements tandis que les femmes attendent, encore un peu désorientées par l’affluence. Le prix des consos est unique : 2€, et pour ce prix-là on en a pour son argent. On est loin des doses homéopathiques à 2cc le verre servies dans les débits professionnels. Ici le personnel amateur à la main généreuse !
Plusieurs des personnes derrière le comptoir sont habillées aux couleurs seventies, dont des enfants en vêtements chamarrées et coiffures affros. Je me rapproche de la scène, « Janis » interprète Bobby McGee, Summertime, Mercedes Benz et tous ces titres qui m’ont enthousiasmé lorsque à 15 ou 16 ans J’avais acheté le 33 tour. Les gens écoutent, accompagnent de leur corps les accents rythm and blues de Joplin, et sur la piste quelques couples dansent.
Hélas un organisateur se présente sur scène et décrète une pause d’une heure « afin de se restaurer un peu et de permettre au groupe de se reposer». C’est dans cet intervalle que les Ritchwood nous rejoignent, Catou ayant terminé tard à son cabinet. Ils se mettent rapidement dans l’ambiance du lieu, quelques bouteilles de rosé aidant à la cohésion du groupe dans une ambiance décontractée et bon enfant générale. Jérôme avait pris les places pour ce concert, mais trois personnes se sont désistées. Il échange ces billets contre des bouteilles de champagne. J’en profite pour lui demander combien nous lui devons. Il me répond : Rien ! Je proteste bien sur avec véhémence, insistant pour payer mon écot. Il me répond qu’il s’agit d’une opération de « sponsoring constructif ». Sur cet argument je m’incline, fier de participer à la bonne marche du commerce, heureux d’avoir porté ma pierre à l’édifice du redressement national.
C’est finalement l’heure de la deuxième partie du concert. L’organisateur se présente sur scène et entame un discours détaillant les buts et les activités du club. Il encourage tout passionné à se rapprocher de l’association « uniquement s’il est parrainé par un membre, et de préférence un membre confirmé ! Il poursuit en précisant que les banquiers, financiers et économistes ne sont pas les bienvenus « nous nous sommes aperçus qu’il ne servent à rien explique-t-il sévèrement, « de même que les politiques qui sont priés de rester chez eux continue-il, envoyant au passage un signe amical à quelques représentants de la mairie présents « que je remercie pour la logistique, et notamment les chaises du concert. « par contre, nous accueillons avec plaisir les gens qui ont un métier utile, nous avons par exemple dans l’association un excellent boucher-charcutier ! Il conclut son petit speech en introduisant à nouveau le groupe « qui va cette fois-ci interpréter des titres soul et disco.
Je demande à quelqu’un comment s’appelle cet orchestre. On me répond que ce sont les Ladybird’z. Plus tard, après un passage sur leurs sites internet, je comprendrai que cela veut dire coccinelles. D’ailleurs cet insecte est posé près de l’un des fûts de la batteuse. J’apprendrai aussi que trois des membres, la batteuse la bassiste et la chanteuse-saxophoniste sont parentes, puisqu’elles portent le même nom. Les musiciennes apparaissent, elles ont changées de tenues. On est plongé dans les années Disco !
Jésou, Philou, Lolo, Odile et moi nous asseyons au premier rang. C’est une explosion de sons et de rythmes souls, on en prend plein les yeux et les oreilles. Ce groupe de fille dégage une incroyable énergie et déroule tous les standards de l’époque. C’est propre, chacune est en place, on sent qu’il y a derrière tout ça des années de travail. Je remarque tout de même que la chanteuse de temps en temps consulte son livret de chant : je ne suis donc pas le seul a avoir besoin de cet outil pour me caler. Derrière moi, je peux apercevoir les points de lumières qui éclairent les deux régies son et lumières et régulièrement Cathy la Leader les interpelle pour régler tel ou tel niveau de retour. Les spectateurs ont envahi la piste et se déhanchent à l’unisson, encouragés par Cathy qui ne ménage pas sa peine pour animer le concert. C’est une showgirl, elle sait parfaitement chauffer le public qui inexorablement se rapproche de la scène, pousse les chaises, envahit le talus qui le sépare encore des musiciennes et termine au bout d’une heure à moins d’un mètre de la chanteuse en transe au saxo qui visiblement prend énormément de plaisir à cette fraternisation. Je note d’ailleurs le plaisir qui anime ce groupe. Ces filles sont heureuses de jouer, de jouer ensemble. On sent beaucoup de complicité.
Le concert se termine. Nous nous rapprochons du bar pour nous restaurer. Les tournées circulent, l’instant est agréable. Le concert est terminé mais les gens ne sont pas pressés de partir. Dans un coin je remarque une étrange moto. Il s’agit d’un modèle ancien, mais le cadre à été habillé par un mannequin qui représente une femme en levrette dont le fessier ferait office de réservoir, opportunément placé pour que les cuisses du pilote puisse l’épouser confortablement.. Inexplicablement je vois dans cette installation grivoise une sorte de métaphore de cette fête. Pas de prise de tête, de la décontraction, de l’humour, de la distance. On ne se prend pas au sérieux, on peut se laisser aller sans craindre de choquer tel ou tel.
Alors que tourne une nouvelle distribution de gin tonic, j’ai la surprise d’entendre à nouveau les Ladybirdz. Elles sont revenues sur scène et reprennent le show. Cette fois elles retournent vers des choses plus blues, rythme and blues, mais toujours avec cette énergie et cette passion qui caractérise leur travail. Elles s’en donnent à nouveau sans compter, chacune prenant le relai à la voix. Je note d’ailleurs que toutes savent chanter, et chantent bien, à l’image d’Elodie la guitariste. Elles sont excellentes aux chœurs. Nous retournons vers la scène, au contact des musiciennes. Angela la Batteuse marque avec fougue le tempo, Cathy improvise superbement au sax et n’hésite pas à engager le combat sur des impros avec la guitariste Elodie. Jésou encourage la bassiste, Valérie, et Isabelle aux claviers. Il me dit : « ils n'en ont tous que pour les Leaders, moi je veux encourager celles qui sont derrière ». Il ne ménage pas sa peine, leur fait des signes du pouce, marque le rythme, encourage de la voix, réagit aux solos de l’une ou l’autre : il est conquis !
La pluie fait son apparition, quelques gouttes sans grandes conséquence, mais cela suffit au staff technique pour se mobiliser, se précipitant pour couvrir de bâches les régies et les appareils sensibles de la scène. La chanteuse annonce qu’il va falloir arrêter, mais le public n’en a cure, et rugit comme un animal en colère pour exiger que le concert continue. Vaillamment les Ladybirdz font face, sous les ovations de la foule qui s’est à nouveau rapprochée des micros, entourant le groupe comme pour un bœuf improvisé, reprenant les refrains avec la force que procure le grand nombre et la communion. C’est un moment intense, empli d’émotions qui m’envoient des ondes de plaisir pur dans tout mon corps.
Dans un dernier titre les filles concluent, nous remerciant pour notre accueil, notre chaleur. Nous les ovationnons longuement, puis les rangs se défont, chacun repartant en groupe vers les parkings. Je regarde l’heure : Il est 1h. Les Ladybirds on joué durant plus de trois heures. Elles ont interprété une cinquantaine de titres. A mon avis elles en ont encore autant sous le coude ! Lorsque nous avons quitté le groupe, Cathy était épuisé et avait du mal à souffler dans son sax. Avant de partir, Le Barde s’est approché de la pianiste et lui a demandé si c’était les musiciennes qui démontaient et rangeaient le matos. Isabelle Bonfiglio lui a répondu que oui. Quelle santé ! C’est d’ailleurs le seul point en commun entre elles et nous, parce que là on touche du doigt la différence entre un groupe amateur et les professionnels. Par la suite sur leur site, j’ai regardé la longue liste des dates de concert de l’été, les villes de passage. Elles sont sur la route dans la région quasiment chaque jour. Elles doivent avoir une cinquantaine de dates.
Il ne nous reste plus qu’à inonder notre Maître de Cérémonie, Jérôme, de remerciements pour cet incroyable moment, avant de monter dans les voitures et entreprendre le trajet du retour, en le sommant de penser à nous pour la prochaine édition du concert du Wagon Bleu.
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