J’attendis Antoine Sarkis vingt minutes en écoutant les Undertakers, seul dans ma discomobile version XL alors que le froid mordant attaquait l’hévéa des joints de portières sous la chiche et lugubre clarté d’un lampadaire près de l’école de Valdegour. J’étais seul car Odile et Lolo avaient préféré faire le voyage à Montpellier pour écouter Julien Clerc plutôt que remplir leur devoir musical hebdomadaire. J’appris plus tard, de retour de la séance, que le concert avait été « pas mal », le Zénith étant comble pour l’occasion, et que Julien avait chanté sans entracte durant deux heures pleines, confessant au public son trac et ses trous de mémoires, mais aussi son apprentissage de la guitare et de l’harmonica. Malgré ces informations essentielles, cela ne me donna pas de regrets rétrospectifs, car de notre coté la soirée fut riche et productive.
Vous vous souvenez peut-être d’Antoine Sarkis, collègue de travail, excellent musicien, aussi à l’aise avec les touches qu’avec les cordes, bien que son instrument de prédilection soit la batterie. Il était venu il y a un an assister à nos premiers balbutiements. J’étais impatient de connaître son avis après tout ce temps. C’est à sa demande que je m’étais permis de le convier à cette répète du mercredi, avec l’approbation de Jésou.
En arrivant dans l’allée de Smith’s Hall, je fus surpris de ne pas trouver l’Audi de Phil le K. Il dispute d’ordinaire à Pascou la place enviée de premier arrivé. Nous montâmes l’escalier et plongeâmes dans la chaude atmosphère de la cuisine des Fabre, accueillis avec affection par Kaïa La chienne des Carpates. J’introduisis « Odile formule enrichie » auprès de la maisonnée, m’étonnant de l’absence du Carré. C’est alors que je me souvins qu’il nous avait averti, la semaine précédente de cette défection conjoncturelle.
Alors que Pierrot faisait son entrée, constatant avec nous la carence de batteur, nous nous lamentions de cette catastrophe lorsque soudain je pris conscience qu’Antoine, par ailleurs remarquable vidéaste, qualité pour laquelle il avait été requis en première intention, était également et surtout, parmi les multiples cordes tendues à son arc artistique, un batteur de première bourre, il nous l’avait démontré quelques mois auparavant déclenchant une pandémie dépressive au sein du groupe.
C’est totalement apaisés donc, que nous rejoignîmes l’Antre, l’immuable SJM et en investîmes l’espace.
Antoine joue et anime une formation « chrétienne », d’inspiration jazzy et Gospel. Son répertoire est par conséquent sensiblement différent du notre tant au niveau de la forme que du fond (et j’insisterai particulièrement sur ce dernier élément !). Cela ne l’empêcha pas cependant, après s’être assis et avoir réglé sa position, d’attendre sereinement que la répète commence. Nous débutâmes par les « morceaux faciles » c'est-à-dire les plus anciens, Ecolo, Protest et Spam. Non pas par égard pour Antoine, mais plutôt afin que nous puissions nous décontracter. Même si tous connaissaient « Tonio » Et appréciaient sa présence, il n’en restait pas moins qu’il était l’élément extérieur de la soirée, spectateur attentif de nos gesticulations, et que nous redoutions ses observations.
Nous plongeâmes finalement dans le grand bain, Pierrot entraînant Antoine à sa suite dans le riff d’intro sur Ecolo. Tandis que je chantais, je notai qu’Antoine donnait l’impression de connaître le morceau, battant sans hésitation, marquant les reprises et les ponts. Je me dis aussi par la suite que tout de même la structure d’un rock est assez codifiée et qu’un bon musicien n’a pas grand-peine à se couler dans notre moule : Pierrot a fait en sorte dans ses compos « à l’usage des nuls » que le chemin soit balisé et sans trop de difficultés majeures, surtout dans ses premiers arrangements. Seuls des titres comme « Marre » prirent Tonio en défaut : Il ne pouvait savoir qu’il y avait plusieurs breaks. Mais même dans ces circonstances, son tempo ne varia pas, et il soutint efficacement l’ensemble.
Par contre je fus à plusieurs reprises dérouté par le toucher particulier de « l’Arménien » (Antoine est en partie d’origine Arménienne). Il utilise beaucoup les cymbales et à un toucher très léger, très swing, assez syncopé, utilisant par exemple le contre-temps. Nos compos prirent une couleur nettement plus jazz, au point que par instant, j’avais l’impression de découvrir un titre nouveau.
En tous cas cela démontre s’il en était besoin l’importance du batteur. Phil a un phrasé moins désinvolte, plus sûr, qu’il a su adapter au tempo binaire du Rock. On imagine qu’il doit se faire violence, lui qui est aussi issu du jazz, pour s’adapter.
Pierrot, je ne su si c’était sous le coup de la chaleur ou de l’émotion, eut plusieurs trous de mémoire, des passages à vide, et quelques solos firent les frais de sa distraction. Le léger rhum coca inaugural en fut-il un facteur, une fatigue résiduelle, ou bien la présence d’Antoine furent-elles les éléments déclencheurs ?
Il était amusant d’observer les musiciens en présence de ce corps étranger que constituait Antoine. On aurait pu craindre que comme pour toute greffe, quelque système immunitaire tenta de l’éliminer. Qu’un phénomène de rejet se manifesta d’une quelconque manière. Il n’en fut rien, au contraire. Je notai une forme de déférence amicale chez mes amis à l’endroit de notre batteur d’un soir. Même Pierrot, dont les regards enrichis au carborundum transperceraient la carapace du plus endurci des musiciens de studio, écoutait avec attention les diverses et courtoises remarques de notre invité lorsque ce fut le moment du débriefing et de l’écoute de l’enregistrement effectué au cours de la répète, dont voici à la suite, un condensé :
Nous avons tendance à jouer fort ; même si le niveau initial est acceptable, il augmente sensiblement au cours de la séance. Bon, là notre Tonio ne s’est pas foulé, le simple bon sens et un décibel-mètre correctement étalonnés eussent fourni la même information. Pour une fois cependant, je m’associai aux contrevenants : j’avais sournoisement monté le son de mon micro en prévision.
Pour pallier ce problème de nuisance sonore, nous devrions acquérir un système d’oreillettes. Elles sont moulées individuellement, directement sur l’organe et ne coûtent que 2500€ pièce. Nous actâmes le coût. Nous le traduisîmes en « bridges » pour notre bassiste, qui convint qu’il en ferait son affaire.
A défaut, deux ou trois « bains de pieds » judicieusement répartis suffiraient à ce que chacun puisse entendre les autres.
Antoine, qui entendait mal la basse et la guitare solo nota sur l’enregistrement un léger décalage dans le tempo. Il pensa que ce qu’il préconisait réglerait à la fois le problème d’audition, et de synchro de l’ensemble.
Dans sa mission d’audit au sein de notre formation, il accorda également, et ce fut une surprise, un satisfecit remarqué à notre guitariste rythmique. La prestation de ce dernier ne fut entachée d’aucune faute majeure, et il fut crédité d’une attention particulière dans l’exécution des titres, ceci traduisant selon notre expert, un travail particulier en amont. Pour faire simple, Le Barde cacherait bien son jeu et s’exercerait en cachette le soir.
J’eu des remarques sur ma respiration, que je devrais travailler, me retrouvant parfois en bout de souffle au terme de certains passages longs ; en revanche aux dires de notre visiteur, ma justesse s’était améliorée.
Il aborda les chœurs.
Sans bouleverser notre propre opinion, il confirma que ceux-ci étaient très importants et qu’il convenait de les travailler. Ainsi était il intéressant à ses yeux qu’on puisse différencier les voix, en s’attachant aux harmonies. Ce dont nous étions déjà conscients. Il évoqua l’apport très positif que constitue le recours à un professeur de chant. Nous lui répondîmes que nous avions déjà caressé cette idée, mais que le professeur pressenti ne pouvait se libérer dans les créneaux horaires dont nous disposions. Antoine se proposa de nous fournir les coordonnées du sien, ajoutant que les tarifs étaient de 10€ par élève. J’objectai pour ma part des soucis d’organisation, Odile étant réticente à occuper plus d’une soirée hebdomadaire aux travaux vocaux.
Il s’enquit également de la tonalité générale de nos œuvres : « était-ce en La ou en Mi, plus ? »
Jésou et moi convînmes que cela se situait plutôt « entre le Fa plus et le Sol moins ». Plus respectueux, Pierrot donna une réponse plus technique, dont je ne me souviens pas de la teneur, mais qui sembla satisfaire Tonio.
Pour conclure ce tour de table, Antoine observa que nous avions bien progressé, et que notre niveau s’était nettement amélioré depuis son dernier passage "c'était génial" conclut-il, enthousiaste. Ce qui nous combla d’aise comme on pouvait s’y attendre. Bien entendu nous jouâmes les modestes, minimisant nos progrès et faisant assaut de remerciements.
Nous nous quittâmes dans les meilleures dispositions du monde, attendant avec impatience notre prochaine réunion avec Phil le K. Car il nous manque notre batteur, et tous les experts du monde ne sauraient le remplacer, lui qui a su contribuer à structurer le groupe et à le porter sur scène dans les bons et les mauvais moments.
samedi 31 janvier 2009
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8 commentaires:
Caya
kéké
Ben moi, je préfère avec un K !
Kaîa, Kéké, Ktoo, Phil le K, JaKo...
Il a du se passer quelque chose dans mon enfance avec le K...
A Kreuser.
merci mitch pour les eloges de ton commentaire car je sais que ton copain est un excellent musicien j'espere que vous ne serez pas trop deçu lors de mon retour mercredi
phil le k
Phil, Antoine ne nous a rien dit que nous ne sachions déjà. Il n'a fait que le confirmer. son avantage est qu'il se place en observateur, et qu'il a peut être une liberté plus grande pour dire les choses sans que chacun se sente menacé dans sa partie. Mais chaque semaine, tu sais pointer du doigt nos travers et souligner ce qui est bien. Tu a su structurer et "professionaliser" nos répètes, canaliser les ardeurs de tous, et contribuer à faire de notre formation ce qu'elle est. Donc nous attendons avec impatience ton retour, en effet.
je pense Ke se Ki c'est passé avec le "K" est plus récent Ke ton enfance..........
je pense qu'il vous faudrait travailler un peu entre deux répet, afin de ne pas ralentir mes progrets
Jésou dit "le travailleur de l'ombre"
Et encore merci à Antoine, un vrai pro qui s'est reconnaitre les vrais musiciens
Salut à tous les undertakers,
en ce dimanche pluvieux ,tout en regardant la finale de l'open d'australie de tennis, j'ai parcouru le midi-libre et quelle ne fut pas ma surprise de lire en page 7 l'article sur les célébres festifolies de sainte anastasie.
Le 5 juin 2009 il y aura le spectacle inédit de patricia-kaas précédé d'un groupe de jazz-band
prénommé Caroline.
Mais que font les undertakers ,le groupe avait animé l'année derniére le concert de STE-ANASTASIE...
Que fait le barde du groupe qui reste peut-etre trop immobile...
Il faut un imprésario au groupe pour lui permetre de prendre une autre dimension.
Mitch contacte alex ou philou ,maintenant qu'il a gagnè le vendée globe,il va avoir du temps de libre..
Le catalyseur de camplanier
Justement, Alain, je suis en train de regarder l'arrivée de MichDèj dans le chenal des Sables. Je sais que Philou y est et je suis sûr qu'il trouvera le moyen de se montrer.. En attendant le marin ne perd pas le nord, sitôt arrivé, Michel s'est isolé dans la cabine avec Régine son épouse. 84 jours sans tirer.. Ca doit être dantesque dans le carré.
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