Les choristes (pièce en un acte)
Scène 1
L’action se déroule dans une maison bourgeoise des collines de Nîmes.
Des notables sont attablés.
C’est la réunion hebdomadaire de quelques cinquantenaires qui ont monté un groupe de Rock et répètent deux fois par semaine afin de se produire devant leurs amis lors de la fête qu’ils organiseront le jour de la saint Michel, en septembre.
Pascou, un dentiste converse avec Jésou, clerc de notaire. Tous deux sont « des amis de trente ans ».
Phil, le kiné, est à l’intérieur puis sort rejoindre les autres. il est debout.
Mitch, le chanteur du groupe apparaît. Il est chargé de son ampli et de sacs.
L’après midi, Mitch est allé dans un magasin de musique acheter un micro sans fil, et Pascou de son coté s’est rendu dans un autre magasin afin d’acquérir un ampli plus puissant pour sa basse.
Mitch : salut les jeunes.
Phil : salut !
Pascou : ah ! voilà le Mitch.
Jésou : oui en effet. Alors toi aussi tu as arrêté de fumer ?
Mitch (déconcerté) : euh… pourquoi ?
Jésou : ben sur ton blog, j’ai lu que tu avais une grosse volonté, tu peux arrêter quand tu veux (rires).
Mitch (réalisant enfin) : Ah ! oui, (rire) oui, tu as vu, hein, j’ai une volonté d’acier ! (à la cantonnade) : Alors, quoi de neuf ? As-tu acheté ton ampli Pascou ?
Pascou : Oui, je suis allé chez Brockenstock avec Pierrot, et j’ai craqué. J’ai acheté un ampli de cent Watts.
Mitch : CENT WATTS ?! Tu n’as pas trouvé plus gros ?
Jésou : Moi aussi j’ai acheté un ampli !
Mitch : Allez ? c’est pas vrai ?
Jésou : non, c’est une joke !
Phil : bon, c’est pas le tout, mais faut y aller, là.
Pascou (enthousiaste): Par contre Pierrot est venu avec moi, et il a craqué aussi. Du coup, je l’ai accompagné chez lui pour qu’il récupère son « viel » ampli (qui avait une semaine !) et le type de chez Brockenstock lui a repris, avec une pédale qu’il avait achetée. Et Pierre est reparti avec un ampli de cent watts aussi !
Mitch (médusé, puis faussement accusateur): ‘Tin, les mecs, moi je peux plus suivre, c’est l’inflation ! quand je pense à tous ces gosses du Darfour qui n’ont même pas un kazoo à se mettre à la bouche, et nous , nous n’avons pas encore fait un seul concert, et nous alignons déjà presque six cents watts… café..
Jésou : Au fait, quelqu’un veut un café ?
Mitch : Ah ben tiens, ce n’est pas une mauvaise idée. Je prendrai un rouge cette fois. Sans sucre. Ca devrait être su d’ailleurs.
Jésou (se retournant) : Cyril, fais nous deux cafés s’il te plait !
Phil : tout le monde est là ? parce qu’il va alloir s’y mettre.
Mitch (coléreux) : Bon, et moi je vais encore être ridicule avec mon micro sans fil. Vous faites vraiment ch…, chaque fois que j’achète un truc, tout le monde s’en fout, du coup.
Pascou (consolateur): Mais non, c’est très bien un micro.
Mitch : Oui, je voulais en acheter un à Odile, mon épouse, que Dieu dans Sa grande miséricorde la tienne en Sa Sainte Garde. Et puis je me suis dit que comme je bougeais beaucoup et que je cassais les cables, il vaudrait mieux que je prenne un micro HF. Ainsi je pourrai sauter dans tous les sens sans avoir de problèmes. Par la même occasion, j’ai acheté un pied et un lutrin aussi.
Pascou (distrait) : Bien, bien..
Phil (impatient) : Bon, on y va, on perd du temps.
Jésou (lève la tête et tend l’oreille) : Oh, mais j’ai entendu un bruit du coté du portail. Ne serait-ce pas notre ami Pierrot ?
Pascou (se tournant) : Ah non, c’est le Baou.
Tous : Oh ?
Scène 2
Les même, plus Alain, expert-comptable, dit « le Baou », puis Odile épouse de Mitch et Pierrot, infirmier libéral.
Alain : salut la compagnie !
Tous : salut Alain !
Pascou : alors Alain, on a beaucoup de choses à te dire, concernant l’organisation. Et puis il va y avoir quelques frais.
Alain : Euh les mecs, laissez moi au moins m’assoir.
Jésou : tu veux un café ? Cyril, un café pour Alain. Quelle couleur veux-tu Alain ?
Mitch : Alain tu es prêt ? grosse soirée ce soir. Avec Odile vous êtes choristes.
Pascou : J’ai des papiers pour toi Alain.
Alain : Oui, je préfère. Vert jésou. Donne Pascou. Pas tous en même temps les mecs !
Odile : (après être arrivée, fait le tour de la table et distribue les bises) : bonsoir !
Mitch : bonsoir ma puce. Attends je vais te chercher une chaise.
Odile : Mais non, ce n’est pas la peine, regarde, je m’assois sur la balancelle.
Jésou : tu veux un café Odile ? Ah non, c’est vrai tu ne bois pas de café.
Phil : bon, qu’est-ce que fait Pierre ?
Pascou (se lève et s’éloigne): en attendant, je vais aller chercher mon ampli.
Mitch (il sort son briquet et allume la cigarette qu’il vient de rouler): Vous êtes sûrs qu’on ne va pas être trop serré dans la salle , avec tous ce matos ? et puis le compteur électrique va-t-il tenir ?
Jésou : le problème ca va surtout être la chaleur..
Alain (égrillard, met un bras autour des épaules d’Odile): Ca ce n’est pas grave, on se mettra à l’aise, Pas vrai Odile ?
Odile : même pas en rêve !
Scène 3
Les même. Pascou revient, portant un objet monstrueux et visiblement lourd, suivi par Pierrot chargé comme un baudet de sa guitare et d’un ampli gigantesque.
Mitch : Té, vé, les rois mages. Melchior et baltazar.
Pierrot : (attendant que Pascou se décharge de son fardeau): salut, je vous fait pas la bise, je suis un peu chargé.
Pascou ( posant son ampli sur la table, qui plie sous la charge) : Voilà la bête. C’est super, désormais on aura un retour (montrant une prise), on met le cable là, et on le branche sur l’ampli de scène. Pierrot a le même système. Comme ça on pourra enfin s’entendre.
Mitch : Y a des boutons partout. Tu ne crois pas qu’on en avait déjà assez, Pascou, on va encore passer des heures à régler tout ça .
Jésou (désignant Alain) : Mais non, Alain est là. C’est lui le technicien.
Alain : euhhh..
Phil : Moi je voudrais rien dire, mais bon, on a plus de matos qu’un groupe professionnel, et on n’a pas encore fait un seul concert payant. Il va falloir vite s’y mettre si nous voulons rentrer un peu dans nos frais.
Pierrot : On n’est pas prêt !
Mitch : ouais, ben avec toi on n’est JAMAIS prêt ! moi je veux goûter la scène, je veux sentir l’odeur de la groupie en chaleur, moite de désir sur le point de se jeter sur la scène.
Odile (elle met une calbotte sur le crâne de Mitch) : dis, Michel Mazet, ça suffit, je suis là moi.
Jésou : Oui Odile tu as raison. Et d’ailleurs on m’a dit que tu apprenais « les sucettes » mais tu sais tu n’as pas besoin d’apprendre, d’après Mitch tu es très au point !
Odile : je te hais Christian.
Phil : oh, les mecs, je vous signale qu’on est là pour répéter.
Mitch : ah, oui c’est vrai ; il y a ça aussi.
Pierrot : vous auriez pas comme une petite soif ?
Jésou : tu veux un café ? Cyril, fais nous un café s’il te plait. Tu veux quelle couleur ?
Pierrot : non je pensais plutôt a ce truc citronné et bien frais que tu nous sers parfois.. le limonzano, limonvino ?
Jésou : ah…. Le limoncello ? oui je vais en chercher.
Tous font silence tandis que la liqueur citronnée coule dans le verres. Les minutes s’écoulent, agréables, en conversations informelles.
Pascou : Au fait Alain. Dans le cadre du partage des taches, il va falloir que tu fasses quelques petits achats.
Mitch (lyrique): oui, déjà concernant l’éclairage, on t’a fait une petite liste. Une poursuite, des douches, la machine à fumée, la machine à bulles, la machine à mousse, la boule a facettes, le laser, la lumière noire..
Alain (déprimé) : ca sera tout ?!
Jésou : il y aura encore quelques bricoles, mais bon on te dira ça à mesure.
Phil (résigné): je ne voudrais pas vous presser, mais il est 23h, on est arrivé à 21h, on pourrait peut-être s’y mettre ?
Jésou : Rentrons !
Scène 4
Tous descendent l’escalier qui mène à la salle Jim Morrison. Ils envahissent bientôt la pièce déjà encombrée de matériel. Tout est encore en vrac, et il est nécessaire de brancher ensemble tous ces éléments disparates. Les choristes Odile et Alain tentent de trouver une place dans ce capharnaüm.
Mitch (il ouvre sa mallette) : Tiens, Alain, voilà ton song book. Toutes les chansons sont dedans.
Alain (prend le livret t le feuillette) : Il va alloir que j’apprenne tout ça ?
Odile : Mais je serai là mon Alain, pour t’aider.
Alain (faisant mine de l’embrasser sur la bouche) : Oui mon Odile.
Mitch (furieux) : Quelqu’un a un seau d’eau froide ?
Pascou : Alain, on a aussi le kazoo pour toi. Mais je ne sais plus où il est.
Jésou (il aide Phil a régler la pédale de la grosse caisse) : je l’ai vu sur le fauteuil, là-bas.
Pendant que phil et jésou s’affairent autour de la batterie, que Pascou cherche le kazoo, Pierrot branche son ampli et accorde sa guitare, Mitch met les appareils sous tension et câble les micros, puis installe les pieds et le lutrin. C’est le moment des premiers essais.
Mitch : Paris Bordeau Le Mans.
Jésou : euh.. Tout le monde est là ? Ou quoi ?
Odile : Annie aime les sucetteuhhhh !
Alain : ……..
Pierrot (plaque un accord) : un, un !
Pascou (joue de sa pédale d’effets) : deux deux !
Jésou : On m’entend là ?
Mitch : oui on t’entend Jésou.
Pierrot : je joue pas trop fort ?
Phil : (roulement de toms).
Pascou : Mitch tu peux pas remonter la basse sur l’ampli, on m’entend pas.
Mitch : Qu’est-ce que tu dis, je n’entends rien.
Jésou : on m’entend là ? je vais me rapprocher de l’ampli (hurlement de larsen)
Phil (grosse caisse, toms et caisse claire): vous jouez tous trop fort.
Tous : quoi ?
Mitch : hein ?
Jésou (montant le son) : ah là ca va mieux !
Pierrot (appuyant sur sa pédale d’effet et réglant des potentiomètre au hasard) : génial cet ampli, comment es-ce que j’ai pu faire avant ?
Alain et Odile (conciliabule) : Qu’est-ce qu’on fout ici ?
Pierrot : vous avez pas soif, vous ?
Phil : ah non ! on joue d’abord.
Jésou : qu’est-ce qu’on joue alors ?
Mitch : Ben… si on commençait par Whatever pour changer ?
Tous (en chœur) : Ok, on y va.
Pierrot : vas-y Phil donne le tempo, et pas trop lent.
Phil levant les bras entrechoque les baguettes pour donner la mesure.
Mitch : WHATEVER YOU WANT ! WHATEVER YOU LIKE ! WHATEVER YOU S……
Pierrot : stop, stop stop !
Pascou : Qu’est ce qui se passe ?
Jésou : ‘tin merde, j’étais dedans !
Pierrot : je sais pas, du coté des chœurs, vous n’êtes pas dans le ton, on dirait que vous ne chantez pas la même chose.
Alain : mais vous jouez quoi là, vous ?
Mitch : whatever you say des Status Quo.
Odile : ahhhhhh nous on était sur Proud Mary, c’est pour ça que je ne reconnaissais pas les mots du refrain.
Alain : et bien moi, tu vois, ça ne m’a pas frappé ; je trouvais qu’on s’en sortait drôlement bien.
Phil (attéré): c’est pas gagné !
Scène 5
C’est la pause. Par respect pour Alain, le seul non fumeur, le groupe est sorti sur la terrasse pour fumer et boire un verre de limoncello. Une bouteille de boisson ambrée a été cassée au cours de la répétition. Tandis qu’ils se détendent, Jumping Jack Flash passe en boucle sur l’ordinateur afin qur tous s’imprègnent de la mélodie.
Mitch : rahaaa, qu’est ce que ça fait du bien !
Phil : en même temps on n’a joué que dix minutes.
Pascou : Mais c’était intense.
Pierrot : oui et puis j’avais une de ces soifs. Mais je ne veux pas déranger non plus.
Jésou : moi je ne m’entends pas, je suis obligé de m’assoir devant l’ampli.
Pascou : oui on a remarqué, il y avait du larsen, un peu ! et je te rassure, nous on t’entend. (se tournant vers Mitch) et toi aussi on t’entend. Trop !
Mitch : ah bon, moi je ne m’entendais pas.
Odile : de toute façon, toi, tu n’entends jamais rien !
Pierrot : A ce propos, les choristes. Il va falloir travailler votre choregraphie ; il faut que ça bouge, que ça pète. Et puis, pour la voix, il faudrait que vous essayiez de chanter à la tierce.
Alain ( perdu) : hééèèè?
Pierrot entreprend d’expliquer la technique du chœur aux deux novices. Le succès est mitigé.
Pierrot : Bon… pour l’instant, chantez….. euh.. normalement.
Mitch : (mangeant de l’île flottante) : Hmmm, l’île flottante de Sylvie c’est quelque chose. Et puis ça me fait du bien aux cordes vocales, ça les améliore.
Jésou (ironique): Mitch, régale toi alors, parce que question amélioration, tu pourrais manger trois barquettes d’île flottante sans que ce soit préjudiciable, au contraire, tu as une grosse marge de progression!
Phil : si tout le monde a fini, on pourrait y retourner ? il nous reste encore jumpin jack flash à travailler.
Pascou (en aparté): bien parlé, nous autres de la sections rythmique on aime bien la ponctualité.
Mitch (se tournant vers les choristes): tu va voir qu’un de ces soirs ils auront installé une pointeuse à l’entrée ! nous à la section chant on est des ARTISSES.
Pierrot (à Jésou): Ils commencent à se la jouer grâve tous.. S’il n’y avait pas les guitaristes pour donner le ton Rock, ils pourraient aussi bien chanter du Claude François ou pourquoi pas du Dalida.. Ils ne mesurent pas la chance qu’ils ont de nous avoir !
Tous se lèvent et s’éloignent par groupes d’affinité musicale.
Mitch (à la cantonade): en tous cas les amis, depuis qu’on fait de la musique, je trouve que le groupe s’est beaucoup ressoudé, les liens se sont resserés. Et ce que j’aime par-dessus tout, c’est cette franchise qui nous unit.
Tous (sincères) : Oui, tu as raison Mitch !
Le rideau se baisse alors que les accents de Jumping Jack Flash résonnent, agrémentés de commentaires divers.
samedi 30 juin 2007
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