« Elle est arrivée ! me lancèrent les hétéroclites jumeaux, humides encore de leur vespérale baignade, marchant précautionneusement et se dandinant sur l’asphalte encore brûlant, alors qu’ayant prudemment garé mon tank bi-tons à distance respectable de tout incident potentiel, je me dirigeai d’une souple démarche vers la résidence Fabre. Tout en me questionnant distraitement sur l’identité de l’arrivante (animal, végétal, humain, chose ?) je songeai fièrement que j’avais rempli mes obligations : parti à sept heures de Valence où j’avais passé une laborieuse après-midi à visiter un institut de formation, j’avais rallié l’impasse des climatites à l’heure juste, vingt et une heures, via Avignon. Un exploit. Et cela après avoir refusé noblement la visite d’une cave vinicole et d’un restaurant gastronomique.
C’est ça aussi, être un Rocker : le sens de l’équipe, l’oubli de soi, la rigueur, le professionnalisme, dans un soucis d’efficience et de résultat, quitte à se résoudre à adopter un mode de vie quasi-monacal.
« Elle est arrivée…. Comme le tonnerre nous surprend bien après l’éclair de l’orage, les paroles des jumeaux parvinrent à mon cerveau droit, lequel par le biais du thalamus transféra l’information vers son homologue gauche, qui en décoda les termes sibyllins et tenta d’en reconstituer le sens. Mes lobes temporaux instillèrent un soupçon d’émotions mêlées de curiosité aux muscles faciaux de mon visage aux traits aristocratiques, dont j’avais deux heures encore auparavant protégé le chef d’un panama de paille salvateur en cette chaude journée de juin, veille de l’été.
Comme à l’accoutumée, cela ne m’empêcha pas de penser à tout autre chose tandis que d’un pied distrait je shootai de l’extérieur, dans un caillou dont j’examinai avec intérêt la trajectoire courbe qui le fit disparaître dans le cadereau en contrebas. Juin.. ça vient d’où « juin » ? sans doute de Junon, la divinité romaine, Déesse de la féminité et du mariage ; fouillant des cases lointaines et sombres de mon encéphale cinquantenaire, je me souvins qu’il y avait controverse parmi les étymologistes, et qu’on pensait aussi que juin pouvait avoir pour origine « Junius mensis » - le mois de Junius, qui comme chacun le sait, fut le premier consul de rome et l’un des fondateurs de la république.
« Elle est arrivée ! psalmodiaient les jumeaux, qui tandis que je progressai vers la maison entamaient une danse du scalp tels des mohicans rescapés, virevoltant et sautant autour de moi en une sarabande joyeuse. Je voyageais léger ce mercredi soir, car je n’avais pu passer chez moi pour récuper ma précieuse sacoche. Je sentais au fond de ma poche le chaud contact d’un métal poli, le froissement plastique de ma blague à tabac, et le carnet bleu entrouvert de riz La+. Je sortis le briquet, un zippo offert quelques années auparavant par l’un de mes fils, le plus grand. J’en fis jouer le couvercle machinalement alors que je contournai la bâtisse, et atteins l’escalier de la terrasse où déjà devisaient Pascou Jésou et Sylvie. J’enregistrai par la même occasion l’explication des jumeaux, qui venaient de s’égayer dans la nature comme une volée d’hirondelles, sans doute repartis pour une dernière ablution. La batterie était arrivée, elle était gris métallisé. Installé dans la salle Jim Morrison, l’instrument avait été livré en deux grands cartons, la veille.
Il fallu une demi heure de retard à Pierrot pour nous rejoindre dans l’antre. Phil était déjà à l’œuvre, accordant sa batterie patiemment, resserrant avec une clé idoine les tendeurs des différents éléments. Satisfait enfin, il s’assit et alluma une cigarette, j’en fis autant après avoir fait les essais micro.
« Et au fait, où est cette pédale de Jésou lançai-je ingénuement à la cantonade ?
Je vois déjà chère lectrice que tu fronces un sourcil désapprobateur. Comment puis-je ainsi porter un jugement sur un éventuel comportement introverti du respectable Christian ?
Au passage une petite digression. J’ai pris une personne à témoin, cette « chère lectrice » mentionnée plus haut. Pourquoi cet ostracisme ? Il ne s’agit pas de ségrégation bien sûr, mais d’une simple constatation : seule une personne prend la peine régulièrement de me laisser quelques encouragements, une remarque, une question, dans la rubrique « commentaires ». J’en déduis que je n’ai qu’une lectrice, j’écris donc désormais pour elle, pour Mauricette dont l’assiduité me réchauffe le cœur à défaut des articulations, même si c’est son métier.
Mauricette, spéciale dédicace pour toi !
Revenons à cette pédale de Jésou. Dans la série, j’achète des trucs et des machins dans le but d’encombrer un peu plus un espace déjà bien occupé, Jésou s’est vu offrir pour la fête des père, une pédale magique, multi-purpose d’effets variés dont il n’a pas hésité à (ab)user durant la première partie de la répète. Vous voilà donc rassurés ! Jésou est bien toujours le solide gaillard, viril, jovial, des bras comme mes cuisses, taillé comme un bloc de granit de Tolède, trempé comme un acier de Carrare, fier et bandé telle la corde d’un arc dont le trait vengeur pourrait être décoché instantanément. Serait-il une arme qu’il incarnerait Le Scud de la gaudriole, le Tomahawk de la répartie, le Stinger de la déconne. S’il fallait lui donner un métier ce ne serait certainement pas le maçon de Village People. Un homme un vrai !
Seul l’œil noir de Pierrot parvient parfois à faire plier notre guitariste rythmique. Il faut dire qu’il en glacerait plus d’un, notre Pierrot avec son regard qui transperce le récalcitrant. Mauvais enchaînement, rythme incertain, voix mal placée, texte oublié, basse palote : autant d’occasion pour notre Leader Maximo de nous décocher une bastos visuelle dans la face. Nous jouons sous contrôle permanent ; pas un poil ne bouge, pas une tête ne dépasse, personne ne bronche. Nos regards apeurés se croisent et glissent, osant à peine se lever vers le visage sévère de Pierrot et ses yeux vengeurs dont la fixité magnétique de serpent constricteur nous fige et nous fascine, comme le lapin pris dans les phares du semi-remorque au sortir d’un lacet, tétanisé par l’effroi.
C’est vous dire !
Mais Pierre fait désormais des émules, et tour à tour chacun de nous s’exerce à ce qu’Hervé Bazin appelait le « pistolettage » lorsqu’il dévisageait longuement sa Folcoche de mère. Ainsi Pascou me pistolette quand j’ai l’audace d’oublier un de ses vers dans EcoloSong, Phil pistolette les uns et les autres, Jésou pistolette à tout va, et moi je pistolette à l’envie : Un festival !
Ceci dit, « elle est arrivée », la chanson nouvelle. Nous avons sommairement déchiffré Jumping Jack Flash. Il n’y a pas eu de miracle, c’était immonde, mais comme toujours j’ai la certitude que nous en ferons l’un des fleurons de notre répertoire.
Ce titre ne sera d’ailleurs pas le seul à rejoindre les Undertakers, puisqu’à l’occasion de la visite d’Odile en fin de soirée, cette dernière nous fit part de son désir d’interpréter « les sucettes » de Gainsbourg. Je passerai sur la remarque égrillarde de Jésou, concernant le « talent naturel » d’Odile pour les sucettes. Je ne doute pas que ma tendre épouse va nous faire une France Gall décapante et que sous l’impulsion de Pierrot et ses arrangements dévastateurs, tout cela confirmera que la Patte Undertakers n’est pas une vue de l’esprit.
Mention spéciale pour Phil, dont la rigueur tire le groupe vers le haut. Paresseux comme nous sommes, nous nous laisserions volontiers entraîner dans cette pente naturelle. En effet, ce que nous préférons dans ces séances, ce sont les entractes, et les moelleux fauteuils de la salle Jim Morrison. Phil sait nous tirer de nos rêveries et nous remettre à l’ouvrage, et son sûr diagnostic corrige efficacement nos défauts les plus criants. Dès que notre technicien du son, de la lumière, et de la surface Alain, rejoindra le groupe après son congé sabbatique, et qu’Odile en rupture de cours d’espagnol commencera les répétitions, j’ai la conviction qu’un de nos coutumiers sauts quantiques nous fera de nouveau franchir un palier dans notre irrésistible ascension vers les sommets de la gloire..
Quel merveilleux Happy End en perspective ! (Ca, c'est un private joke pour Mauricette)
vendredi 22 juin 2007
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2 commentaires:
a la relecture c'est encore + drole. Tu vas avoir du mal à faire mieux. Merci et continue
Je garde précieusement ce texte pour le lire à mes petits enfants le soir à la veillée.
lol, le soucis c'est que le plus souvent, il y a plusieurs degrés, que même moi je n'appréhende pas toujours du premier coup, et puis j'aime bien laisser des messages subliminaux, ou des références cachées, dans le style da vinci code finalement.. et puis il faut savoir que ces textes évoluent : très souvent, à la relecture je corrige tel ou tel passage, j'en rajoute un autre.. enfin bref ça vit, quoi !
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