Je fréquente assidûment les églises ces temps-ci. J’ai ainsi pu assister à deux concerts lors d’une communion et d’un enterrement. Dans le premiers cas je m’y étais pris à l’avance pour les réservations, et trouvai une place médiane, dans le second auquel j’assistai un peu dans l’urgence, je bénéficiai d’un backstage et d’un emplacement réservé au premier rang au milieu des proches. La première représentation qui se jouait à guichet fermé dans une salle comble (certains retardataires durent même assister au spectacle debout) était d’inspiration plutôt pop-folk, et l’autre plus intimiste devant une audience relativement clairsemée, se réclamait d’une tendance classique-variété. Les thèmes étaient un peu convenus et populistes, mais du moins ne suscitaient-ils aucune controverse : comment ne pas adhérer aux valeurs d’amour et de fraternité, d’espoirs et de lendemain qui chantent, de compassions, de rédemption proposés par les auteurs, d’autant que pour la plupart ils avaient payé de leur vie leur engagement, ce dont même notre militant Ultrabassiste au travers de ses rêves ecolo-baba ou bien notre rebelle-de-papier le narcissique Mitch, ne pourront jamais se prévaloir. Les arrangements étaient plutôt simplistes, un rien linéaires, empruntant parfois au répertoire vernaculaire, loin des compos flamboyantes et ambitieuses de notre Leader Maximo, à la limite du plagiat la plupart du temps mais efficaces : Après un couflain-repret, on en mordait instinctivement l’esprit et se mettait par mimétisme à l’unisson, expérimentant même quelques escapades à la tierce dans l’enthousiasme du moment.
Mais dans les deux cas, je fus surpris par le professionnalisme des musiciens et chanteurs. Ainsi pour la cérémonie de la communion, Pascal, le guitariste fit montre d’un charisme indéniable. Il n’eut pas son pareil pour galvaniser le public, qui se leva même à plusieurs reprises (mais resta assis la plupart du temps et applaudit peu). La gestuelle de ce Ménestrel de l’Amour était rodée et inspirée bien qu’un peu exubérante, l’homme accompagnant ses performances de gestes dignes d’un guitar hero. La chanteuse, très bcbg, m’évoquant au travers d’une myopie non corrigée l’Anémone du Père Noël Est Une Ordure mais blonde et anorexique, n’hésita pas à pousser sa voix aux limites des ultrasons, imprimant des tonalités célestes à son chant, parfois vacillant, sur le fils ténu de la justesse, à l’instar d’une Adjani imitant Birkin ce qui eut un effet très horripilant (au sens premier : qui fait dresser les poils) sur l’assistance.
Le second groupe avait la tache plus difficile d’accompagner la douleur d’une famille. Dans ce contexte un peu casse gueule le chanteur, plutôt âgé, au physique quelconque sut tirer très honorablement son épingle du jeu. La voix était bien posée et juste. L’accent méridional brandi tel un étendard ajouta à l’authenticité et même si le registre vocal n’était pas exceptionnel, on sentait qu’il y avait des années de travail car les textes, au contenu apaisant, restaient parfaitement compréhensibles à une assistance conquise et muette. Son jeu était sobre, limite statique, et cela m’évoqua l’économie de moyens de notre Barde. De même la dame d’un certain âge qui assurait les chœurs emporta un satisfecit dans les répons, captant même l’attention des quelques distraits grâce à une coiffure finalement assez rock’n’roll et des vêtements délicieusement vieille-France. Une mise en scène seventies à base d’encens et de bougies illuminant un clair-obscur tempéré a giorno par les rayons du soleil filtrant à travers les vitraux derrière l’autel acheva de dramatiser le moment. On serait avisé de prendre exemple sur ces gens-là pour instaurer un climat, fut-il en l’occurrence un peu pesant. Mais il est vrai qu’en matière de spectacle on est dans la représentation, devant des publics hétérogènes et d’origines culturelles et sociales différentes, il faut parfois grossir le trait pour être compris de tous, quitte à faire dans le démonstratif lourd.
Mais surtout, pour conclure, par delà les qualités des interprètes je fus étonné par la restitution sonore. Si l’on se rappelle que les églises sont par essence des lieux peu propices aux petites formations, avec leur hauteur vertigineuse, les voûtes et les colonnades, les absides, les transepts générateurs d’échos multiples, d’autant que le matériau employé amplifie encore les résonances, on ne peut que saluer la performance des ingé-son. Le niveau sonore était parfait ; la guitare, l’harmonium, mais aussi la clarinette et le violon des enfants de chœur bien définis et répartis dans le champ sonore, les voix idéalement placées, un peu en avant des instruments, sans chuintantes ni larsen, audibles et compréhensibles par tous.
Je me pris à envier les conditions de travail de ces gens du spectacle chrétien. La scène profonde et large, l’amplification au cordeau, le présentateur dans son costume de scène annonçant les différents morceaux sur le ton d’un Antoine Doinel que n’aurait pas renié Truffaut s’il avait tourné Sous Le Soleil De Satan, la partition distribuée au préalable au public afin qu’il participe plus facilement : tout concourait au succès de l’entreprise. Certes, le public était acquis, même si au moment de l’apéritif, entre l’hostie et le vin de messe il y eut quelques flottements et une légère perte d’attention, mais il ne fut jusqu’aux émoluments qui n’aient été habilement protocolisés, le public étant judicieusement canalisé vers la sortie au travers d’un étroit couloir flanqué de deux enfants blonds et proprets portant des paniers joliment décorés et destinées à la réception des offrandes. Du grand art. Une leçon pour chacun d’entre nous.
Ite Missa Est.
vendredi 28 mai 2010
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