
Et Lolo qu'est-ce qu'elle peut faire dans cette situation ? Pas grand chose hélas. Elle jette sa technique dans la balance, et parvient à tirer de cette luxueuse carne tout ce qu'il est possible d'en extraire à force de volonté, mais les faits sont là : Cet objet arriverait à transformer un morceau d'ACDC en musique d'ascenseur. Il dénature les arrangements de Pierre, il perturbe les musiciens, c'est une discordance dont les échos trop clean assagissent sans pitié la superbe panique musicale dans laquelle nous aimons évoluer, et que nous avons eu tant de mal à élaborer. La « patte Undertakers », qui fait qu'une de nos interprétations est identifiable entre mille, perd toute spécificité, se dilue.
Alors j'en appelle à notre producteur : Philouuuuuuuuu ! Fais quelque chose, sauve le groupe avant qu'il ne se change en Richard Clayderman avec son regard anémique et bleuâtre de folle peroxydée. Et comme seul Jésou possède de tels attributs (les yeux bleus), c'est lui qui mettra la redingote à paillettes et la chemise à jabot, ainsi que la perruque blonde. Alors je vous prends à témoins : Allons-nous lui infliger ça ? (La foule des lecteurs : noooooooon !). Donc le mieux est de courir chez Odé, et de trouver un instrument adapté au talent de ton épouse, cher Philippe. Pas obligé d'y mettre des mille et des cent, comme ça tu lui prendras aussi un pied de micro, un micro et à la rigueur aussi, pour poser son bouquin de paroles quand elle fera des chœurs, un (petit) lutrin (de la forêt).
Ceci dit, malgré tout, et en cela il faut rendre hommage à Laurence, il y a des moments où « ça le fait! ». Nous parvenons à imaginer ce que serait sa contribution avec un instrument ad hoc. Si je grossis le trait, tant il est vrai qu'un message passe mieux dans l'outrance et l'exagération, c'est pour mieux frapper les imaginations, et susciter une catharsis salvatrice dont nous rirons plus tard lorsque nous relierons ces lignes. Si tant est bien sûr, que nous ayons une quelconque volonté de relire ceci un jour, ce dont je doute fortement. Je suis lucide.
Bon, ça c'est fait...
Donc pour le piano on ne s'inquiète plus, on peut se concentrer sur la dernière répète. Structure ACMPMBD classique, « arrivée-café-marathon-pause-marathon-bises-départ ». Mais ce soir c'était différent car un nouveau concept vient d'être introduit : celui de civisme musical. On connaît le civisme tout-court, celui du citoyen conscient de son devoir, bien inséré dans la société, joyeux de contribuer par de dispendieux impôts au bien être de la communauté. Il existe aussi un « civisme professionnel » que l'on pourrait définir comme l'attitude responsable du professionnel citoyen : des valeurs humaines basées sur l'équité au travail.

Désormais UFR est labellisé CM : Civisme Musical. On peut essayer d'en définir les contours : On dit pas à son copain qu'il se plante pendant le solo, ni au batteur qu'il a loupé un temps, et encore moins au bassiste que, franchement, d'astiquer sa basse avec une peau de chamois entre deux morceaux, c'est peut-être un peu trop d'amour ( Cette dernière attitude n’est pas sans nous rappeler le réflexe compulsif du Baou, qui dans les années 80 détartrait les jantes de sa Golf GTI avec l’éponge de la vaisselle), et surtout, on ne dit pas au chanteur que sur ACDC, son final est carrément ridicule en tentant désespérément de réfréner une irrépressible crise de fou-rires. Slick. On fait passer la bouteille de boisson ambrée quand on se sert, on ouvre la fenêtre quand on fume, on accepte le café quand on te l'offre, on fait la bise au chien, et une caresse à la femme du guitariste, le dernier ferme la porte et éteint la lumière. Dignité, courtoisie, tolérance, humilité, humour et professionnalisme tels ont toujours été les principes du Groupe.
Rien à redire sur les marathons, courus sur la base désormais rodée du lotosong. Les trois nouveaux titres progressent, Marre ayant bénéficié d’une attention particulière au niveau du solo. J’adore ce solo, qui vient casser la linéarité du titre, et dont le coté ritournelle s’imprimera facilement dans la tête du public. Je pense que ce sera un moment fort de nos futurs concerts. Tiens, à propos de concert : un nouvel engagement potentiel ! Nous sommes pressentis, si le groupe est d’accord, pour animer durant une petite heure la fête de l’école de Mollegès, près d’Avignon le 27 juin. Le comité d’organisation a notre CD afin de nous départager d’un duo guitare-voix. Mais le point important, c’est que ce sera notre premier engagement REMUNERE : on nous propose 200€. Bon je sais, c’est pas le Perou, mais Pierre sera content : compte-tenu de notre niveau ils en auront pour leur argent. Et puis ce sera la première fois qu’on ne sera pas payé en nature ! En plus, il y aura un public jeune, que nous pourrons sensibiliser à l’écologie, à une approche sociale, et aux langues étrangères. Du point de vue du projet pédagogique, ça me semble parfait. Juste, il faudra que j’évite de dire « putain » dans Spam, et peut-être de ne pas faire de doigt à la fin de ProtestSong. Sherry on the cake, j’ai proposé que pour le rappel Pierrot interprète sa Tortue, qui deviendra ainsi un Hit dans toutes les cours de récré de la région. On va chasser sur les terres de Chantal Goya !
La soirée s’est conclue sur une attendrissante histoire de Jésou. Jésou est un conteur né, dans le droit fil de Chabrol et Henri Gougaud. Il me fait également penser à cette longue tradition africaine des griots, et j’imaginerais bien qu’à la suite de Pierrot, pour la fête de l’école, assis au milieu d’un cercle d’enfants aux yeux attentifs, tandis qu’un feu de joie réchaufferait la fraîcheur de cette nuit de Saint jean, il puisse leur conter la merveilleuse histoire qui va suivre :

je tente de reproduire le plus fidèlement possible ses paroles ; il faut par ailleurs imaginer qu’il s’agit d’un conte musical, et que Pierrot accompagne de sa guitare le déroulement narratif. Ses accords se font tout à tour guillerets, ou menaçants en fonction des péripéties.
- Bon, alors j’ai écouté une émission sur France-Culture en allant à Saint Chaptes, ça parlait de l’histoire de France. (Le Barde se frotte le nez, ses yeux se plissent de malice, il renifle un petit coup et laisse l’assistance dans l’attente.)

- Donc du temps des rois de France, il y avait une coutume ( il rit tout seul).
- Vous savez qu’à l’époque l’Etiquette était très importante, très protocolaire. (un gosse : ben moi à carouf, maman elle arrête pas de regarder les étiquettes, et ben maman ça pourrait être une reine !)
- Alors il y avait la cérémonie de l’habillage, du bain de pieds, de la grosse commission…
(un enfant : Le roi aussi il faisait caca ?! les autres reprennent en chœur caca, pipi, crotte de nez…on entend un chuuuuut, le silence se rétablit)
- Et il y avait la cérémonie de la Turlutte. (il fait une pause, juge de l’effet sur l’auditoire, se frotte le nez puis renifle un coup… les enfants, bouche bée sont en haleine. On entend une fillette qui chuchote dans le silence : Dis maman, c’est quoi une turlutte..) il poursuit :
- Alors pour la turlute, le Roi entourait la base de sa zigounette d’un bijoux, bracelet ou collier, selon des règles protocolaires de préséances complexes et la grosseur de sa zigounette qui de toute façon, puisque c’était le Roi était ENORME. (il insiste sur « énorme » en prenant une expression menaçante, un peu comme dans le petit chaperon rouge, quand on mime le loup qui a boulotté la grand-mère. Cris effrayés des plus jeunes, papas et mamans les rassurent).
- La zigounette… (on entend les rires nerveux des enfants : ils répètent pour le plaisir « zigounette » « zigounette » « foufoune » ), gentiment la directrice de l’école les rappelle à l’ordre :
- Les enfants, faites silence, sinon tonton Jésou ne pourra pas continuer son histoire.
- La ZIGOUNETTE du roi, elle était bien tendue (il fait un geste des mains, comme le pécheur indique la taille du thon qu’il vient de pécher, se frotte le nez, et plisse les yeux malicieusement, puis renifle un petit coup),
- Alors la dame qui fait la turlutte, comme ça elle fait son affaire, et quand c’est fini, le roi il esdt tout content, mais sa zigounette elle est fatiguée, alors elle fait comme la petite marmotte quand il fait froid, elle rentre dans son terrier (il mime). (les enfants : la marmotte… la zigounette de la marmotte.. dis maman c’est comment la zigounette de la marmotte ? Une maman à son bébé qui babille : tu te souviens,Kevin, la vache elle fait meuuuuuh, et le coincoin il fait coincoin, et la zigounette de la marmotte, elle fait comment la zigounette de la marmotte ?)
- Et du coup qu’est-ce qu’il fait le collier ? et ben il tombe, très délicatement. Et comme ça, la dame elle a plus qu’à prendre le collier. Et elle est très contente. et voilà et après ça ils n'eurent pas beaucoup d'enfants.

La Directrice, tandis que tous applaudissent le talent du conteur :
-Eh bien c’est sur cette très jolie histoire que nous allons conclure cette soirée. Remercions les Undertakers, Tonton Pierrot et tonton Jésou pour leur gentillesse et gageons que cela aura donné des idées de jeux de société à tous les Papas et les mamans…