C'est fou comme un hiatus dans notre rythme hebdomadaire de répétition peut nous mettre dans une sorte d'état de manque. J'ai Pascou au téléphone ce vendredi soir. Il me confie à quel point ce rendez vous lui manque aussi. L'atmosphère de la mythique SJM , et tout ce qui va avec sont devenus une drogue puissante. Je ne sais par quel processus psycho-métabolique une telle addiction s'est cristallisée, mais j'en constate les effets : nervosité, manifestations physiques à type de sueurs, tremblements, nausées, céphalées, vertiges, prurit. Tous les symptômes classiques. La dernière fois que j'ai vu le groupe c'était mercredi soir, en l'absence de Pierrot, parti avec Lise pour une semaine en Corse en moto. A-t-on idée d'abandonner ainsi les siens dans un tel moment, alors que la détresse post concertum nous étreint de ses bras glacés. Et vas trouver une cellule psychologique pour nous accompagner et nous aider à faire le deuil. Tu parles ! Ah ça, dès qu'il y a une petite catastrophe ferroviaire, tu les vois débarquer les armadas de psy, mais quand un groupe de rock est dans la détresse, qu'il plonge au fond du gouffre, que les affres de l'angoisse l'étreignent, alors là il n'y a plus personne !
Or donc ce mercredi, pas de répète. Pour combler cette absence, Phil le K a la bonne idée de rassembler les rescapés dans sa résidence nîmoise. Dans un cadre raffiné, sur la terrasse d'une villa de caractère sise en un terrain arboré, il nous reçoit en seigneurs autour d'un apéritif puis d'une grillade sur son tout nouvel appareil de cuisson d'extérieur. Un truc superbe. Tout en acier inoxydable, avec des boutons de bonne dimension inspirant confiance et attestant de la solidité de l'ensemble. L'acier qui carène l'objet a été produit à façon par une aciérie de la Ruhr. C'est un acier 440, qu'on utilise aussi pour la recherche fondamentale, notamment dans le tout nouvel accélérateur de particules du CERN, à Genève. Savoir que le même métal qui sert de cible aux flux furieux d'électrons lancée à la vitesse de la lumière en une course folle au long des 27 kilomètres de l'accélérateur afin d'y traquer le mystère des quarks et des muons carrosse aussi la table de cuisson de notre Phil me procure un vertige existentiel, me rapproche des mystères de l'Univers. A la chaleur quasi solaire irradiant de la plaque, alors que tous rassemblés nous contemplons la lente transformation des gambas, il me semble plonger au creux d'une géante rouge pour y dérober le secret de l'origine du Big Bang. Ce n'est pas un barbecue de pavillon de banlieue, acheté à bas prix dans un supermarché pour griller quelques mauvaises merguez vendues par paquets de 12 sous blister avec la mention « issu d'un assemblage de surimi de viande de la communauté européenne ». Non, on a affaire là au summum de la technologie. Des ingénieurs ont planché de longs mois sur le projet, des designers on produit des centaines d'esquisses, et des maquettes ont été testées en soufflerie avant de présenter un prototype à un panel représentatif des meilleurs grilladins mondiaux au cours des rencontres internationales des arts de la table d'extérieur à Madrid. La pièce maitresse du dispositif est constitué d'une lourde plaque de métal -la plancha- chauffée au moyen de brûleurs alimentés au gaz. Nous n'avons vu qu'une partie de l'engin. Dans un local technique attenant, dont l'entrée est filtrée par un digicode à 12 chiffres dont Phil garde constamment le libellé gravé sur une plaquette en platine dissimulée sous sa chemise contre son torse puissant et velu, un opérateur assis devant une armoire technique bardée de moniteurs surveille en permanence le processus, au moyen de capteurs. Une batterie de caméras vidéo observe en temps réel les viandes, le maitre de maison, son épouse et l'ensemble des invités afin d'ajuster au plus près les réglages de l'appareil pour qu'il délivre en temps et en heure une grillade parfaite. Et de fait gambas, boudins et saucisses sont parfaits.
Quel meilleur prélude à mon séjour de formation sur la presqu'île de Giens que cette soirée ? Dans mon métier de manager, je dois gérer des ressources humaines, ce que dans notre vocabulaire bureaucratique de la fonction publique nous nommons des agents. Ces agents évoluent désormais dans un milieu qui se transforme constamment, auquel nous devons les adapter. D’où le thème de cette réunion de cadres : l’accompagnement au changement. Eh oui, on doit les materner ces agents, et leur montrer à quel point le changement sera bon pour eux. Bien sur comme ce ne sont que des agents, ils ne se rendent pas compte des bienfaits qui vont déferler sur eux. Il faut les aider à ouvrir les yeux et leur faire entrevoir le monde merveilleux qui sera le leur désormais. Pour cela il faut connaitre leurs motivations. Notre formateur nous a donné quelques clés. En fait il y en a deux : La peur et l’envie. Selon lui, l’animal humain n’agit que sous l’emprise de ces deux sentiments dont les effets se combinent pour produire tous les autres. L’évolution de l’homo sapiens se résume à ces deux moteurs puissants. Sans eux il n’y aurait eu aucun progrès, nous serions encore dans les arbres de la savane.
Peur du changement, envie de changer, tout est là selon sa théorie. Le but c’est bien sur de susciter l’envie. Ce qui nous motive, dans notre refus de nous engager, c’est donc la peur, peur de ne pas être à la hauteur, et plus que tout peur du regard des autres sur notre supposée incompétence. En gros, nous n’avons pas envie de passer pour des cons. Cette session de formation m’a été très utile, je sais désormais qu’il me faut appliquer les techniques apprises auprès non seulement de mes agents, mais aussi et surtout des UFR. Plusieurs fois j’ai été confronté à la pusillanimité de certains membres du groupe. On n’est pas prêt, on va être ridicule, sont deux des remarques le plus souvent entendues lorsque nous avons été en situation d’affronter un concert. Cela n’est pas acceptable ! Nous devons ensemble trouver les outils pour aborder les concerts dans de meilleures dispositions. Nous avons peur, c’est un fait, mais nous devons par-dessus tout avoir envie de nous produire en public et montrer ce que nous savons faire. C’est sur ce projet que je vais mettre l’accent désormais. Bientôt, avec le mois de juin, la campagne d’évaluation des agents du groupe commencera. Je recevrai en entretien chaque musicien, et ensemble nous explorerons leur projet musical pour la troisième saison. Nous fixerons des objectifs clairs et atteignables pour chacun. Chacun devra se déterminer sur un contrat d’objectif et de moyen, qui sera inscrit dans leur dossier d’évaluation et dont nous servirons afin de vérifier régulièrement que notre action colle au plus près aux objectifs définis. L’artisanat des débuts était sympathique, mais face à une concurrence féroce, nous ne pouvons plus continuer dans cet amateurisme. Au-delà du binôme peur/envie, l’homme a besoin de se sentir utile. La majorité des personnes à qui on pose la question : c’est quoi pour vous une bonne journée ? répondent eu substance : c’est une journée où j’ai servi a quelque chose, une journée où je me suis senti utile.
Je retourne l’argument aux musiciens du groupe : c’est quoi pour vous une bonne répète ? Plongez tout au fond de vous-même, et répondez sincèrement. Je sais chers collaborateurs que vous serez d’accord avec moi, je sais qu’ensemble nous pouvons relever le défi de la troisième saison, et que vous atteindrez et même dépasserez les objectifs en augmentation que je vous proposerai. Vous saurez les atteindre. Vous dominerez votre peur, vous exprimerez votre envie, et vous répondrez affirmativement à la question « est-ce que j’ai été utile ce soir ? ».
Fin de la session. N’oubliez pas de signer la feuille d’émargement et de récupérer vos certificats de présence.
dimanche 8 juin 2008
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5 commentaires:
Ya des fois ,quand je te lis,je pense que tu as bien choisit ton metier
Mon dieu ,tout ce minable formatage qu'on te fais ingurgiter a force de colloques et de seminaires.....qu'est ce que ça pue le fonctionnaire !
Le doute ma bite,j'ose esperer un deuxieme degré dans ces propos "interressants" mais malheureusement ,il me semble tout de meme y deceler un fond de conviction,comme si meme un garçon intelligent comme on crois tous que tu l'est ,pouvais a ce point etre devoré par le systeme qui le fait vivre jusqu'a en perdre la notion d'humain pour ne reagir que comme ces machines qu'il a lui meme programmé
La peur et l'envie ....des moteurs?
A ce degres ultime,je crains que la connerie ne puisse plus se soigner!
Si le monde a parfois evolué dans le sens du progres,c'est justement parcequ'il existe des humains qui ont sus ne pas se laisser guider ,ni par leurs peurs ,ni par leurs envies
Mets le feu a la savane et tous les animaux vont fuir dans la meme direction
si dans cette meme savane il y a des hommes ,tu en trouveras toujours quelques uns qui ne fuirons pas,mais au contraire remonterons le courant pour, malgres le danger aller affronter le mal
Dans toutes les dictatures,il y a des opposants, ont ils peur?
En 1789 ,les revolutionnaires(quel joli mot) avaient-ils peur ou etaient-ils guidés par leur conviction que le monde devait changer fusse au peril de leur vie ? Et les resistant en 40
CERTAINS VOULAIENT LEUR MONTRER COMBIEN LE CHANGEMENT ETAIT BON POUR EUX, ils ne se rendaient pas compte des bienfaits qui allaient déferler sur eux. Il fallait les aider à ouvrir les yeux et leur faire entrevoir le monde merveilleux qui serait le leur désormais(j'ai deja lu ça quelque part)Et bien non,ni l'envie,ni la peur ne leur ont servie de moteur, seule leur volonté de liberté les a fait agir
Ces hommes que "dans ton vocabulaire bureaucratique tu nomme des agents"sont des INDIVIDUS
et chacun d'entre eux est unique
Si tu oublie ça, tu ne seras jamais rien d'autre que le vulgaire rouage d'une machine qui te domine !
et en plus tu regarde le foot a la télé ! ! ! !
Cest quoi pour moi une bonne journée ?
Et ben là, c'est plutot une putain de mauvaise journée
inutile de signer POUN
aaaaaah , voila mon poune comme on l'aime !
pas facile de te faire démarrer mais quand c'est parti, t'es intarrissable !
ceci dit, j ai un peu élagué la formation. certains passages ne paraissaient pas fondamentalement utiles à retranscrire. mais, de la même manière que tout n'est que combinaison de briques élémentaires dans l'univers, c'est à partir de deux sentiments, peur et envie qu'on reconstruit tous les autres. et n'oublions pas qu'il manque une chose primordiale à l'animal de la savane, quasiment le paradigme de l'humanité : le libre arbitre. et là ça change tout.
et tu as raison, le formateur est d'accord avec toi, la notion de groupe est un concept artificiel, on ne peut au mieux parler que d'un ensemble d'individus.
le tout c'est d'avoir le dernier mot.
catou
ma ktu... si ce dernier mot est le tien, je cède la place volontier.
bon, a ce soir on reglera ça comme au bon vieux temps de la conquete de l'ouest : les armes a la main
Moi j'ai une grosse basse.... et toi mitch?
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