C’était la répétition de rentrée. Elle était important celle-là car d’une certaine manière elle allait donner le ton de la nouvelle saison. Une mauvaise répète, brouillonne, bougonne, peut avoir de lourdes conséquences sur le déroulement des travaux futurs. Surtout en cette circonstance particulière ou nous restons sur une certaine amertume après l’annulation d’un concert qui était important à nos yeux. J’en ai exposé les raisons dans un post précédent, qui me paraissent légitimes. Nous jouons bien ce que nous connaissons, nous évoluons sur des rails étroits dont le parallélisme doit être parfait afin de ne pas avoir l’obligation de surveiller notre jeu, d’être attentifs aux uns et aux autres, et pouvoir se libérer des contraintes techniques pour donner de l’âme à nos interprétations. Rien de pire qu’une restitution laborieuse, scolaire et approximative exécutée dans la crainte et privée d’émotions.
Ca n’a pas été le cas ce dernier mercredi. Lorsque j’ai rejoint la cuisine d’été de la maison des Smith, j’étais un peu surpris : d’habitude j’arrive assez tard, vers 21h, et déjà bon nombre des voitures de mes comparses sont garées dans l’allée dallée en opus incertum donnant au lieu l’allure d’un parking de village le jour du marché. Mais là c’était quasiment vide. « La répète est peut être annulée, m’interrogeai-je en poussant le portillon en acier métallique rompant dans des harmoniques discordantes la continuité d’un haut mur de pierre sèche à l’aspect cossu. Cependant mes doutes furent levés lorsque j’aperçus, attablés, le Barde et le Carré discutant autour d’un café. Après les mondanités d’usage j’appris que le reste de l’équipe « faisait un film ». Interloqué je demandai des précisions : Le Leader, L’Untrabassiste et Lololalolo étaient chez Eric A. afin de préparer une bricole à l’occasion de l’anniversaire d’une connaissance, Max. La tendance actuelle en matière d’anniversaire est moins désormais à la rituelle chanson de circonstance au texte collectif sur des mélodies connues, qu’au spectacle vivant mettant en scène les petits travers de l’impétrant ou au diaporama d’images d’archives toutes plus humiliantes pour la pauvre victime qui prend douloureusement conscience de la pérennité de photos dont il aurait espéré qu’elles disparaissent dans les oubliettes de son histoire tourmentée. Hélas les réseaux sociaux sont passés par là…
Nous eûmes le temps de refaire le monde, et aussi une partie du système solaire environnant, poussant même jusqu’à la banlieue de Proxima du Centaure avant que nos amis daignent nous honorer de leur présence. Un rien de correction aurait voulu qu’ils nous tiennent au courant de l’évolution de leur affaire, mais vous savez comment sont les artistes, égocentrés, nombrilistes, affligés d’une éducation d’un niveau proche de celui du Gardon sous le Pont Saint Nicolas par une chaude journée d’août : On n’en remplirait pas une tasse à café !
Il était presque 22h lorsque Jésou prit les devants et appela la pianiste pour avoir des nouvelles. Cette dernière répondit qu’ils étaient en route. Forts de cette information rassurante, nous descendîmes à la SJM afin de nous échauffer un peu. Phil, sevré depuis un mois manifestait une joie enfantine et exhiba, un peu exalté, ses baguettes-fagots afin d’entamer la session par quelques roulements. Le contact et le rebond des peaux, la hauteur du tabouret, la tension de l’accastiage, la distance des pieds par rapport aux pédales, les mouvements du corps, des épaules, faire craquer les jointures des poings et des vertèbres du cou à la façon d’un Schwarzenegger s’apprêtant à foutre une raclée à Rambo… Une manière d’ouvrir les débats.
Je posai sur le lutrin mon carnet de chant qui s’ouvrit sur le Blues du Dentiste : c’est donc par ce morceau que nous débutâmes notre trio. Enfin presque. Avant il me fallut reconnaitre l’intro d’Hôtel California, puis un titre des Moody Blues – mais pas Knight in White Satin, et encore un truc que je peinai à identifier mais qui me disait quelque chose tout de même. C’est la tradition : Jésou n’entame JAMAIS une répète en se faisant la main sur un des titres de notre répertoire. Je l’ai signalé déjà au grès de mes comptes-rendus. Je pense qu’il y a chez lui un coté superstitieux. Sans doute pense-t-il que ça lui porterait malheur s’il gratouillait un de nos morceaux avant de démarrer. Comme s’il voulait conjurer un mauvais sort, comme d’autres croisent les doigts ou jettent des poignées de sel par-dessus l’épaule. Un rituel d’exorcisme ! Ou bien plutôt, à y réfléchir, une sorte de message subliminal visant à influencer les choix du groupe vers des régions musicales jusqu’alors laissées en friche.
C’est au milieu du Blues du Dentiste, au moment où Henri se fait faucher toute son oseille par le dentiste-plombier que le reste de la bande apparut à la porte, en ordre dispersé et volubile, sans aucun égard pour les trois pélucres qui tentaient d’avancer en les attendant. On pouvait commencer !
S’ensuivit l’habituel bordel : conversations croisées, service des boissons, manipulations de câbles, réglages stridents, cacophonie d’instruments, bruits et onomatopées diverses. Ambiance joyeuse genre rentrée des classes, potache et bon enfant comme on l’aime chez nous les Undertakers. Pendant que le groupe reprenait au complet le fameux blues dentaire, Nous eûmes la visite d’Alexis et son cousin qui restèrent un moment pour écouter notre travail. Toujours un peu cabotins nous leur en donnâmes pour leur argent et leur jouâmes des reprises : Hit The Road, Sweet Home Alabama qu’ils plébiscitèrent avec chaleur.
Nous étions en forme, débordant d’énergie sous l’impulsion d’un Carré remonté comme un coucou suisse qui dépassa allègrement les 150 bpm sur l’autoroute à sept voix de notre interprétation frénétique. Après le départ des gosses nous poursuivîmes, survoltés, tonitruants, avec les deux Blues Brothers puis I Feel Good avant de reprendre notre souffle sur une version particulièrement mélancolique de Love In Vain qui arracha des sanglots à notre bassiste dont la sensibilité est bien connue, pour lâcher les chevaux sur Solex avant de conclure sans forcer avec le Dentiste. Entre temps le batteur insista, afin de nous le remettre en tête, sur une reprise de Juke Box dans sa version initiale. Phénomène étrange : Malgré le tempo résolument rock, débarrassé de son récent habillage bossa, j’eus du mal à abandonner la béta-version au phrasé chaloupé proposée par Jérôme, le batteur intérimaire. Preuve s’il en est que « son » Juke Box avait marqué nos esprits. Nous eûmes d’ailleurs un débat sur le sujet, certains préférant l’exotisme de la version II, d’autres revendiquant le retour à la pureté, et l’abandon de l’hérésie en prônant l’approche rock de la V1.0.
Rassurez vous, il n’y eut pas de pugilat, mais à cette heure la discussion reste ouverte sur les avantages de l’une et de l’autre.
A 23h15 la session était bouclée, le dernier éteignit la lumière et ferma la porte de l’Antre des Possibles Musicaux, qui retourna à ses ténèbres inter-répètes. On s’assit autour de la table de débriefing, dans la cuisine d’été pour tenter de définir les prochaines orientations du groupe. Comme d’accoutumée chacun y alla de sa proposition. On déplora les échecs de certains titres, on tenta d’en promouvoir d’autres. Je proposai Venus des Shocking Blue, mais Phil opposa une fin de non recevoir non négociable. Il alla jusqu’à réclamer un stylo afin de rédiger sur le champ sa lettre de démission en cas de consensus sur ce titre. En représailles nous insistâmes sur le Sugar Baby Love des Rubettes et leurs wap doo wap sucrés, on avança aussi les Forbans, Les Beach Boys, Triangle et Martin Circus, mais aussi par la voix de notre Lolalolo un titre de Patty Smith ou encore celui de la pub actuelle de Canon sous le masque inexpressif de notre Carré décidément mis à rude épreuve pour sa rentrée.
On sortit des oubliettes le Train de la Vie qui restait en carafe dans une quelconque gare en attendant notre regain d’intérêt, et aussi une reprise injustement ignoré Oh Les Filles, mystérieusement abandonnée depuis trois ou quatre ans malgré son aspect éminemment festif et participatif en concert. A l’évocation du choix possible d’un titre un peu plus lent, Phil rétorqua que nous avions déjà plein de slows. Pierrot convint qu’en effet nous en avion….. UN qui n’était d’ailleurs pas un slow : Love In Vain. Nous fîmes un rapide calcul statistique : 1 morceau sur trente.. 3,3% de notre répertoire : c’était peut être un peu trop en effet : Il ne faudrait pas lasser le public !
On se quitta à minuit passé après la petite cigarette d’adieu sur un bilan positif et prometteur pour le futur des UFR.
Ca n’a pas été le cas ce dernier mercredi. Lorsque j’ai rejoint la cuisine d’été de la maison des Smith, j’étais un peu surpris : d’habitude j’arrive assez tard, vers 21h, et déjà bon nombre des voitures de mes comparses sont garées dans l’allée dallée en opus incertum donnant au lieu l’allure d’un parking de village le jour du marché. Mais là c’était quasiment vide. « La répète est peut être annulée, m’interrogeai-je en poussant le portillon en acier métallique rompant dans des harmoniques discordantes la continuité d’un haut mur de pierre sèche à l’aspect cossu. Cependant mes doutes furent levés lorsque j’aperçus, attablés, le Barde et le Carré discutant autour d’un café. Après les mondanités d’usage j’appris que le reste de l’équipe « faisait un film ». Interloqué je demandai des précisions : Le Leader, L’Untrabassiste et Lololalolo étaient chez Eric A. afin de préparer une bricole à l’occasion de l’anniversaire d’une connaissance, Max. La tendance actuelle en matière d’anniversaire est moins désormais à la rituelle chanson de circonstance au texte collectif sur des mélodies connues, qu’au spectacle vivant mettant en scène les petits travers de l’impétrant ou au diaporama d’images d’archives toutes plus humiliantes pour la pauvre victime qui prend douloureusement conscience de la pérennité de photos dont il aurait espéré qu’elles disparaissent dans les oubliettes de son histoire tourmentée. Hélas les réseaux sociaux sont passés par là…
Nous eûmes le temps de refaire le monde, et aussi une partie du système solaire environnant, poussant même jusqu’à la banlieue de Proxima du Centaure avant que nos amis daignent nous honorer de leur présence. Un rien de correction aurait voulu qu’ils nous tiennent au courant de l’évolution de leur affaire, mais vous savez comment sont les artistes, égocentrés, nombrilistes, affligés d’une éducation d’un niveau proche de celui du Gardon sous le Pont Saint Nicolas par une chaude journée d’août : On n’en remplirait pas une tasse à café !
Il était presque 22h lorsque Jésou prit les devants et appela la pianiste pour avoir des nouvelles. Cette dernière répondit qu’ils étaient en route. Forts de cette information rassurante, nous descendîmes à la SJM afin de nous échauffer un peu. Phil, sevré depuis un mois manifestait une joie enfantine et exhiba, un peu exalté, ses baguettes-fagots afin d’entamer la session par quelques roulements. Le contact et le rebond des peaux, la hauteur du tabouret, la tension de l’accastiage, la distance des pieds par rapport aux pédales, les mouvements du corps, des épaules, faire craquer les jointures des poings et des vertèbres du cou à la façon d’un Schwarzenegger s’apprêtant à foutre une raclée à Rambo… Une manière d’ouvrir les débats.
Je posai sur le lutrin mon carnet de chant qui s’ouvrit sur le Blues du Dentiste : c’est donc par ce morceau que nous débutâmes notre trio. Enfin presque. Avant il me fallut reconnaitre l’intro d’Hôtel California, puis un titre des Moody Blues – mais pas Knight in White Satin, et encore un truc que je peinai à identifier mais qui me disait quelque chose tout de même. C’est la tradition : Jésou n’entame JAMAIS une répète en se faisant la main sur un des titres de notre répertoire. Je l’ai signalé déjà au grès de mes comptes-rendus. Je pense qu’il y a chez lui un coté superstitieux. Sans doute pense-t-il que ça lui porterait malheur s’il gratouillait un de nos morceaux avant de démarrer. Comme s’il voulait conjurer un mauvais sort, comme d’autres croisent les doigts ou jettent des poignées de sel par-dessus l’épaule. Un rituel d’exorcisme ! Ou bien plutôt, à y réfléchir, une sorte de message subliminal visant à influencer les choix du groupe vers des régions musicales jusqu’alors laissées en friche.
C’est au milieu du Blues du Dentiste, au moment où Henri se fait faucher toute son oseille par le dentiste-plombier que le reste de la bande apparut à la porte, en ordre dispersé et volubile, sans aucun égard pour les trois pélucres qui tentaient d’avancer en les attendant. On pouvait commencer !
S’ensuivit l’habituel bordel : conversations croisées, service des boissons, manipulations de câbles, réglages stridents, cacophonie d’instruments, bruits et onomatopées diverses. Ambiance joyeuse genre rentrée des classes, potache et bon enfant comme on l’aime chez nous les Undertakers. Pendant que le groupe reprenait au complet le fameux blues dentaire, Nous eûmes la visite d’Alexis et son cousin qui restèrent un moment pour écouter notre travail. Toujours un peu cabotins nous leur en donnâmes pour leur argent et leur jouâmes des reprises : Hit The Road, Sweet Home Alabama qu’ils plébiscitèrent avec chaleur.
Nous étions en forme, débordant d’énergie sous l’impulsion d’un Carré remonté comme un coucou suisse qui dépassa allègrement les 150 bpm sur l’autoroute à sept voix de notre interprétation frénétique. Après le départ des gosses nous poursuivîmes, survoltés, tonitruants, avec les deux Blues Brothers puis I Feel Good avant de reprendre notre souffle sur une version particulièrement mélancolique de Love In Vain qui arracha des sanglots à notre bassiste dont la sensibilité est bien connue, pour lâcher les chevaux sur Solex avant de conclure sans forcer avec le Dentiste. Entre temps le batteur insista, afin de nous le remettre en tête, sur une reprise de Juke Box dans sa version initiale. Phénomène étrange : Malgré le tempo résolument rock, débarrassé de son récent habillage bossa, j’eus du mal à abandonner la béta-version au phrasé chaloupé proposée par Jérôme, le batteur intérimaire. Preuve s’il en est que « son » Juke Box avait marqué nos esprits. Nous eûmes d’ailleurs un débat sur le sujet, certains préférant l’exotisme de la version II, d’autres revendiquant le retour à la pureté, et l’abandon de l’hérésie en prônant l’approche rock de la V1.0.
Rassurez vous, il n’y eut pas de pugilat, mais à cette heure la discussion reste ouverte sur les avantages de l’une et de l’autre.
A 23h15 la session était bouclée, le dernier éteignit la lumière et ferma la porte de l’Antre des Possibles Musicaux, qui retourna à ses ténèbres inter-répètes. On s’assit autour de la table de débriefing, dans la cuisine d’été pour tenter de définir les prochaines orientations du groupe. Comme d’accoutumée chacun y alla de sa proposition. On déplora les échecs de certains titres, on tenta d’en promouvoir d’autres. Je proposai Venus des Shocking Blue, mais Phil opposa une fin de non recevoir non négociable. Il alla jusqu’à réclamer un stylo afin de rédiger sur le champ sa lettre de démission en cas de consensus sur ce titre. En représailles nous insistâmes sur le Sugar Baby Love des Rubettes et leurs wap doo wap sucrés, on avança aussi les Forbans, Les Beach Boys, Triangle et Martin Circus, mais aussi par la voix de notre Lolalolo un titre de Patty Smith ou encore celui de la pub actuelle de Canon sous le masque inexpressif de notre Carré décidément mis à rude épreuve pour sa rentrée.
On sortit des oubliettes le Train de la Vie qui restait en carafe dans une quelconque gare en attendant notre regain d’intérêt, et aussi une reprise injustement ignoré Oh Les Filles, mystérieusement abandonnée depuis trois ou quatre ans malgré son aspect éminemment festif et participatif en concert. A l’évocation du choix possible d’un titre un peu plus lent, Phil rétorqua que nous avions déjà plein de slows. Pierrot convint qu’en effet nous en avion….. UN qui n’était d’ailleurs pas un slow : Love In Vain. Nous fîmes un rapide calcul statistique : 1 morceau sur trente.. 3,3% de notre répertoire : c’était peut être un peu trop en effet : Il ne faudrait pas lasser le public !
On se quitta à minuit passé après la petite cigarette d’adieu sur un bilan positif et prometteur pour le futur des UFR.